Doctrine du maintien de l’ordre et baisse des charges
Pas des charges policières bien sûr, mais des « charges » salariales. Il faut à tout prix protéger le système néo libéral et sa mondialisation heureuse et tous ses défenseurs sont mobilisés : « ils ne passeront pas ! ».
Existe-t-il une doctrine du maintien de l’ordre ?
Si on en juge par les résultats obtenus après treize semaines de manifestations, il est permis d’en douter. Entre le statique visant à protéger des sites qui en laisse d’autres aux mains de casseurs, le préventif qui s’est traduit par des gardes à vues massives, l’infiltration des manifestations par des journalistes et photographes de Beauvau.com, la provocation qui engendre de la violence, le confinement de manifestants dans des rues, l’usage d’armes invalidantes avec l’aval du commandement, nous en sommes toujours à compter les blessés, les vitrines brisées et les voitures brûlées.
Rien n’y fait, ni les blindés de la gendarmerie qui polluent plus qu’une centrale à charbon, ni le peloton équestre, ni les Détachements d’Action Rapide qui recrutent dans les BAC, spécialistes du « saute dessus » et à qui l’on doit bon nombre de blessés graves (cf Le Canard Enchaîné), ni les jugements à la chaîne en comparution immédiate. Les manifestants continuent de manifester et les casseurs à casser.
A l’heure d’internet, de la reconnaissance faciale, des drones qui permettent de cibler un djihadiste au fin fond du désert irakien, il est difficile de croire que les forces de l’ordre méconnaissent les groupes de casseurs à l’œuvre et connaissent des difficultés à les appréhender sur le fait, surtout si on considère que le nombre de manifestants diminuant, nous serons bientôt dans un rapport de 2 pour 1 en faveur de la police
Alors, incompétence, manipulation et propagande ? Sans doute un peu des deux. Les problèmes de commandement consécutifs à l’affaire Benalla ne sont pas étrangers aux errements dans la doctrine soulignés plus haut et le changement à la tête du Ministère de l’Intérieur avec une vision très politique de la situation constituent des explications à la situation actuelle, très dégradée.
La technique du pourrissement et du coup de menton (la loi anti casseur avec les problèmes qu’elle pose en matière du respect des droits du citoyen) semblent constituer la doctrine actuelle.
Décrédibiliser le mouvement des gilets jaunes en faisant des amalgames avec tout ce qui se passe dans l’actualité (incendie de la propriété de R. Ferrand, tags et slogans antisémites, incendie d’un véhicule de l’opération sentinelle, plaintes des commerçants, profanations d’églises…) en l’imputant subtilement aux « gilets jaunes irresponsables qui entretiennent ce climat par leur action », telle semble être la doctrine retenue actuellement par le pouvoir, bien aidé par les médias. Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage.
Alors, au final, point de doctrine de maintien de l’ordre comme on pourrait l’entendre mais technique politique de maintien d’un ordre établi : celui du néolibéralisme cher à M. Macron, aux patrons du CAC 40 et au système financier. Pas de place pour les sentiments. Les « Jojos » doivent plier et retourner faire ce qu’on leur dit être bon pour eux : circulez, y’a rien à voir !
La baisse des charges
Les charges policières baisseront lorsque nos chers dirigeants auront réglé la question des « charges » qui rendent le coût du travail « intolérable » et auront obtenu ce qu’ils veulent : casser le système de protection sociale basé sur les cotisations sociales en laissant les salariés payer des mutuelles pour se protéger (s’ils le peuvent). Chacun pour soi. Les assistés sont trop nombreux, les retraites trop élevées, la sécu coûte trop cher et les chômeurs profitent du système. Le prêt à penser néolibéral est disponible dans beaucoup de médias, et les organisations patronales, actuellement très discrètes, se félicitent chaque jour des performances du bateleur de l’Elysée et de ses assistants qui parcourent la campagne en répandant la bonne parole : le dieu économie est de retour.
Mais au fait, toutes les entreprises bénéficieront-elle des bienfaits de ce nouvel évangile écrit par les marchands du temple ?
Non, bien sûr. Après avoir étouffé le petit peuple râleur, il faudra bien faire le tri parmi les « entrepreneurs » étant entendu que la richesse ne se partage pas et que les milliardaires se sentiront dévalorisés si d’autres accèdent à la confrérie des plus riches, ces premiers de cordée, qui sont déjà partis sous des cieux fiscalement plus clément une fois fortune faite reniant leur nationalité, les écoles qui ont fait d’eux ce qu’ils sont devenus et les hôpitaux qui continueront tout de même à les soigner tant qu’on ne leur aura pas supprimé la carte vitale.
Alors baisser les charges, quels effets ? Sur les entreprises qui exportent, qui sont soumises à la concurrence internationale cela peut avoir du sens, encore que sur le marché du luxe, par exemple, cela n’en a aucun et les bénéfices d’une baisse des charges iront aux actionnaires.
Et pour les PME, les commerces, les artisans, les entreprises agricoles, les activités libérales,… qui exercent leur activités uniquement sur le marché intérieur, que se passera-t-il ? Tous auront la même baisse de cotisations et se retrouveront donc dans la même situation qu’aujourd’hui, c’est-à-dire face aux mêmes concurrents avec la même baisse. Parallèlement, la baisse des cotisations se traduira pour les salariés par des dépenses contraintes nouvelles (mutuelles pour la santé, assurances privées pour la retraite ou le chômage) et ils consommeront moins parce que les salaires n’augmenteront pas (rien de changé en matière concurrence entre les entreprises).
Bref, une belle récession en perspective, un chômage qui ne baissera pas et qui deviendra « structurel » à 5 millions (c’est-à-dire qu’on ne pourra pas descendre en dessous) et beaucoup de patrons qui hurlent aux charges trop importantes dont la situation ne s’améliorera pas s’apercevront, mais un peu tard, qu’ils se sont fait rouler dans la farine.
Que veut-on au final ?
Faire monter le nombre de milliardaires français au palmarès mondial ? Ils sont deux actuellement parmi les 26, mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs et il faudra bien que beaucoup participent à cette grande œuvre nationale d’enrichissement d’une élite.
Les gilets jaunes, au travers des hausses des carburants ont bien compris où Macron voulait aller. Ils comportent dans leurs rangs des salariés, des personnes défavorisés mais aussi des artisans et des commerçants. Malgré toutes les tares et débordements dont on affuble de manière commode ce mouvement composite, il n’en reste pas moins qu’il participe à la compréhension du système néolibéral dans lequel les Docteurs Folamour de l’économie veulent nous faire basculer de manière définitive.
C’est un acquis de ce mouvement et Macron aura bien du mal à sortir de son grand débat sans revoir sa copie.
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