Election présidentielle
Eléments de réflexion : changement de paradigme ?
A trois mois du premier tour des élections présidentielles, plus de 50 % des citoyens disent ne pas encore savoir pour qui ils vont voter. Du reste, les instituts de sondages avouent que cette situation est inédite depuis le début de la cinquième république. Cela pourrait peut-être expliquer la fébrilité des médias, des instituts de sondages et des personnalités politiques elles-mêmes.
Alors, à trois mois du premier tour, que peut-on dire ? Que peut-on subodorer ?
A/ D'abord les candidats
1. Sarkozy : il semble que le désamour dont il fait l'objet depuis la fin 2007 soit structurel. Sa vision du monde est anglo-saxonne, américaine. Il n'est pas français, au sens anthropologique. En effet, la société française est libérale et égalitaire tandis que lui est libéral et inégalitaire (comme les Anglais et les Américains). De plus, il n'a jamais réussi à endosser les habits de président de la république et nombre de Français, de droite comme de gauche, ont honte d'être représenté par un type aussi inculte et commettant tant de fautes de français dès qu'il sort de son texte. Il y a peu de chances qu'il remonte dans les sondages à court terme.
2. Bayrou : il n'a pas grand chose d'original à proposer par rapport à Sarkozy et à Hollande, néanmoins, son score à l'élection de 2007 l'a positionné dans le paysage politique de la présidentielle. Il y est référencé en quelques sortes. En outre, si Sarkozy stagne dans les sondages, alors la probabilité d'un vote "révolutionnaire" des caciques et de l'électorat UMP en sa faveur n'est pas à exclure, à l'instar de 1974, quand Chirac avait appelé à voter Giscard plutôt que Chaban. Il pourrait servir de bouée de secours à la droite et être présent au second tour.
3. Hollande : son programme est de la même veine que celui de Sarkozy et de Bayrou, c'est-à-dire libéral en économie, avec un peu de saupoudrage social. Pour le moment, bon nombre d'électeurs de gauche se résignerait à voter pour lui par défaut. En effet, d'une part il manque cruellement de charisme et d'autre part son programme ne remet pas en cause la tendance lourde de démantellement du programme du Conseil National de la Résistance. L'électorat de gauche est donc un peu perdu. Son argument de poids est le vote utile pour battre Sarkozy (qui ne sera peut-être pas au second tour). Cet argument peut être contré en disant que voter utile pour Hollande, c'est voter utile pour l'oligarchie, pas pour la démocratie.
4. Le Pen : elle semble stable dans les sondages avec un socle vers 20 %... d'opinions exprimées (rappelons que plus de 50 % ne sont pas encore décidés). En vertu des tendances lourdes du FN, elle va essayer de cristallier les mécontents du système actuel, système qui a provoqué la crise financière mondiale. Il y a là une grande incertitude à faire un pronostic car on si l'on sait que le peuple français est très en colère, on ne sait pas la part de cette colère qui pourrait échoir à la candidate FN. Les intentions de vote FN sont susceptibles de grandes variations dans les mois qui viennent.
5. Mélenchon : il est à l'évidence le tribun le plus achevé et le plus cultivé des cinq candidats. Les sondages le donnent toujours légèrement sous la barre symbolique de 10 %. Nonobstant cette réalité, son potentiel à gauche est énorme car le programme de Hollande n'est pas vraiment de gauche. Son défi sera de faire prendre conscience à l'électorat de gauche qu'il est le candidat du vote utile de gauche. C'est une question de représentation des forces en présence. Il a contre lui les instituts de sondages qui tendent à proposer, voire à imposer, des prophéties autoréalisatrices.
B/ Ensuite les fondamentaux
Si les instituts de sondages sont à ce point perdus à trois mois du premier tour, c'est peut-être que nous vivons un changement de paradigme à l'occasion de cette élection. Et la crise actuelle semble servir de révélateur à ce changement de paradigme.
En effet, face à la crise, deux logiques sont à l'oeuvre : la première qui consiste à tenter de s'en sortir sans remettre en cause le système actuel dans lequel les états empruntent aux banques privées à des taux d'usure ; la deuxième qui entend rompre avec ce système et redonner au peuple sa pleine souveraineté. De plus, depuis le début de la crise, nombre de livres, d'animations en ligne, de conférences, de débats télévisés ou radiophoniques sont venus combler l'appérit de connaissances en économie du peuple. Si bien qu'aujourd'hui, nombre de citoyens sont à même de jauger les programmes des différents candidats à l'aune de ces éléments d'économie.
Or il s'avère que de l'UMP au PS, en passant par le Modem, les trois candidats entrent dans la première logique (maintient du système actuel) tandis que Le Pen et Mélenchon annoncent qu'ils veulent en sortir (reste à regarder le détail de leur programme respectif pour juger s'ils s'en donnent effectivement les moyens).
Ayant pris en compte tous ces éléments, il se pourrait bien que la véritable ligne de fracture ne soit pas droite-gauche (comprendre UMP ou PS avec le Modem en embuscade) mais centripète-centrifuge, c'est-à-dire rester dans le système ou en sortir. Alors nous aurions affaire à une élection qui serait structurellement plus proche du référendum de 2005 pour ou contre le TCE que d'une élection présidentielle traditionnelle. Ceci expliquerait peut-être l'actuelle grande indécicsion du corps électoral car les concepts, les idées, les lignes ne se sont pas encore décantés.
C/ Enfin un peu de systémique
Les processus complexes, dont les phénomènes humains, n'évoluent pas de façon linéaire mais par transitions brutales de phase, selon des courbes sygmoïdes ou en "S" (autosélection par autocatalyse en reproduction moléculaire, fixation de l'oxygène par l'hémoglobine, passage d'un écoulement laminaire à un écoulement turbulent au niveau du nombre de Reynolds, etc.). Stuart Kauffman, biologiste et mathématicien américain, a modelisé ce genre de bouleversement, c'est la courbe de Stuart Kauffman.
Alors, si mon analyse est pertinente, l'émergence des candidats anti système pourrait se faire brutalement et probablement tardivement. Souvenons-nous qu'en 2005, le "Oui" était devenu majoritaire dans les sondages trois semaines seulement avant le jour du vote.
D/ Alors qui au second tour ?
Je pense que la probabilité que Sarkozy soit au second tour est très faible.
Nous pourrions avoir soit un candidat pro système contre un candidat anti système :
1. Hollande-Le Pen
2. Bayrou-Le Pen
3. Bayrou-Mélenchon
Mais si la situation européenne (Grèce, Espagne, Italie, France) s'aggrave de façon importante, la probabilité d'avoir les deux candidats anti système au second tour serait alors importante :
4. Mélenchon-Le Pen
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