En avant, de Charette !
Hervé de Charette a fait un petit esclandre à l’Assemblée nationale. Pour une fois qu’il ne fait pas la sieste !
En 1803, les habitants de l’ile de Saint-Domingue (actuelle Haïti et Saint-Domingue) se soulevèrent contre la colonisation française et conquirent leur liberté. La monarchie française ne reconnut sa défaite que 22 ans plus tard.
Le roi Charles X exigea alors que les anciens esclaves indemnisent leurs maîtres du « préjudice » que constituerait leur affranchissement. La somme réclamée par le bon roi représentait environ 21 milliards d’euros actuels.
Cela illustre parfaitement, pour ces grandes familles françaises, le refus systématique de toute idée d’autonomie ou d’indépendance, voire de souveraineté.
Un homme aux fidélités successives
Selon les aléas de l’histoire, ils furent « collabos » quand ils le pouvaient, résistants quand il le fallait, mais toujours friands de "grand empire". Un descendant de ce bon roi se trouve être Hervé Marie-Joseph de Charette de la Contrie.
Plus exactement, il descend du roi Charles X par le duc de Berry. Mais comme il a su cultiver une simplicité de bon aloi, il se fait appeler Hervé de Charette.
Vendéen pure souche, il sait ce que liberté veut dire, même vis-à-vis de ses camarades.
Il appartint un temps à la défunte UDF. Profitant des travaux de ce groupe fondateur, il a déposé en son nom le sigle à l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI).
Le procédé est facile. Une simple enveloppe bleue (appelée « enveloppe Soleau ») dans laquelle vous glissez votre idée sur une feuille blanche et c’est la preuve, en cas de litige, que vous êtes le premier à avoir pensé à ce concept.
Il ferait beau voir que d’autres manants de l’ancien parti centriste puissent utiliser le sigle UDF sans en référer au gardien de l’institution. Hervé de Charrette fut ministre des affaires étrangères, l’apogée de sa vie « politique ».
Il a rejoint l’UMP, puis l’a quitté pour refonder un parti centriste qui n’a pas encore vu le jour.
Il fait toujours partie de ces caciques qui, à vouloir demeurer incontournables, castrent toute initiative au sein des partis politiques, à gauche comme à droite.
"Je vous en supplie, entendez l’appel de la Palestine qui, depuis des années, subit l’injustice de l’histoire", voilà ce que lance le baron à Bernard Kouchner en pleine séance de l’Assemblée Nationale.
Même si l’on éprouve de l’empathie pour les Palestiniens qui ont eu leur lot de drames, les termes utilisés par l’ancien ministre ne sont pas anodins.
Il vise à affirmer haut et fort un souhait, peut-être, mais non une réalité.
A bien relire le Charette dans le texte, l’ancien ministre des Affaires étrangères parle de « Palestine », comme si ce pays existait vraiment.
Là aussi, ses convictions varient selon qu’il est en charge ou pas. Charette est inconstant. En 2001, il critiquait sévèrement son successeur Hubert Védrines en lui reprochant exactement ce dont il s’est rendu coupable alors qu’il était aux affaires.
Le 8 décembre 2001, il affirmait sans honte : "la diplomatie française retarde d’un métro...je pense que Yasser Arafat a fait son temps, qu’il n’est plus capable d’assurer des responsabilités dans les territoires palestiniens". A noter qu’à cette époque, l’ancien ministre parlait encore de "territoires", non de Palestine. "Je regrette que la diplomatie française (sous-entendu Védrines) investisse encore sur quelqu’un qui ne pèse plus".
Mais qui avait massivement investi sur Arafat, sinon Charette lui-même ?
Aujourd’hui, ce grand distrait ignore sans doute que ce pays n’a jamais existé, sauf sous le nom de “Royaume d’Israël” pendant un petit millier d’années et que sous l’occupation romaine, le nom d’Israël fut remplacé par celui de ”Palestine” pour, précisément en faire oublier les Juifs au profit des Philistins.
Pour mémoire, le plus célèbre des Philistins et le seul resté dans l’Histoire se nommait Goliath. Parler de Palestine dans le contexte de l’Assemblée nationale, est une faute politique et un aveu d’ignorance.
Abrégé d’Histoire à l’attention des nobliaux
C’est curieux comme un baron nostalgique de l’empire peut faire l’impasse sur le royaume : en l’occurrence, il fait semblant d’ignorer que l’autre nom des “Territoires disputés” (appellation juridiquement exacte), est Judée Samarie. “Judée”, c’est-à-dire “juif”. Une appellation qui a, elle, 3000 ans.
Qu’Israël accepte, à tort ou à raison, d’en concéder une partie à un prétendu « peuple palestinien » venu lors d’un exode organisé par l’empire ottoman au XIXe siècle et d’une immigration vers des terres rendues fertiles par les pionniers juifs au début du XXe, ne peut absoudre les anciens et cacochymes ministres des Affaires étrangères du crime de méconnaissance historique.
Car le “peuple” palestinien ne s’est constitué en tant que tel qu’après qu’Israël ait conquis sur la Jordanie et l’Egypte des territoires dont les populations ne se considéraient jusqu’alors en aucune façon distinctes du reste du Moyen-Orient.
D’après un recensement effectué en 1931 par les Britanniques, 23 langues différentes étaient parlées par les Arabes musulmans vivant en Palestine, et 28 autres par les Arabes chrétiens.
Quant aux lieux de naissance des Arabes de Palestine, ils se situaient, selon le même recensement, dans 25 pays autres que la Palestine, la Syrie ou la Transjordanie, parmi lesquels l’Égypte, Chypre, l’Irak, le Yémen, l’Iran, la Turquie, l’Inde, l’Algérie, le Maroc, la Libye, la Tunisie...
En 1937, un chef arabe local, Auni Bey Abdul-Hadi, avait déclaré à la commission Peel (celle qui suggéra ultérieurement la partition de la Palestine) : “Il n’existe aucun pays [tel que Palestine] ! La ‘Palestine’ est un terme inventé par les sionistes ! Il n’y a aucune Palestine dans la Bible. Notre pays a formé pendant des siècles une partie de la Syrie.”
Le représentant du Haut Comité arabe aux Nations unies avait, quant à lui, soumis, en mai 1947, une déclaration à l’Assemblée générale selon laquelle "la Palestine faisait partie de la province de Syrie" et précisait que "politiquement, les Arabes de Palestine n’étaient pas indépendants dans ce sens qu’ils ne constituaient pas une entité politique distincte".
Hervé de Charrette, vieille survivance du giscardisme, démontre en pleine séance de l’Assemblée nationale, une notoire incompétence.
Il refuse de reconnaitre que, si les Palestiniens n’ont pas encore de patrie, c’est parce que leurs “représentants” ont refusé celui que leur proposait l’ONU en 1948, c’est parce que leurs dirigeants corrompus ont toujours refusé, depuis, toute idée de paix avec Israël.
Si la paix n’existe pas encore dans cette partie du globe, c’est que, pour certains dirigeants palestiniens et plus généralement Arabes, la guerre est plus lucrative, tant sur le plan financier que de l’ordre intérieur. Charette ne le sait pas, ne l’a pas vu, ne l’a pas compris.
Son bilan à la tête du Quai d’Orsay a été l’un des plus calamiteux qui soient. Et pourtant, entre Cheysson, Hubert Védrines et Galouzeau de Villepin, on ne peut pas dire que le pays des Droits de l’homme ait été particulièrement gâté.
Tous sirupeux à l’égard des dictatures africaines ou orientales, ils ont comme point commun une franche détestation d’Israël, seul pays, à les en croire, à ne pas respecter les Droits de l’homme.
Du coup, aucune raison de ne pas commercer avec les dictateurs birmans.
Le Tartarin de Vendée
Si l’on cherchait à démontrer une ignorance abyssale chez ce baron vendéen, il faudrait, certes, analyser son élocution besogneuse et ses discours creux, mais également lire ses fanfaronnades.
Ainsi, en 1996, alors ministre d’Affaires qui lui restaient étrangères, Charrette déclarait pompeusement : “Celui qui penserait pouvoir éliminer la France du Proche-Orient se tromperait !”
Claire explication du fait que l’avenir d’Israël et des Palestiniens n’importait guère et que seule comptait la place de la France. Depuis, elle a été écartée des débats. C’est d’ailleurs au nom de la grandeur de la France qu’il a accepté dernièrement le poste de Président de l’Institut Français de Finance Islamique (voir). Puisqu’il vous le dit !
Rencontrant à Damas le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Velayati, Charrette annonçait triomphalement : « Si l’Iran souhaite améliorer ses relations avec la France et l’Union européenne, il est indispensable que ce pays use de son influence auprès du Hezbollah pour parvenir à une solution politique durable. Mon interlocuteur m’a laissé espérer qu’il en serait ainsi. Nous jugerons sur pièces ». (Interview L’Express, 24 avril 1996)
C’est tout jugé, monsieur le baron ! Les propos datent de 1996. 10 ans après, le Hezbollah enlevait des soldats israéliens sur le sol israélien et déclenchait ainsi la guerre de 2006. Et l’Iran parvient à son rêve, l’apocalypse nucléaire. Quelle clairvoyance, quelle lucidité, quel esprit de prospective !
Au journaliste qui lui demandait si sa “mission (était) la première du genre”, le descendant de Charles X répondait, contre toute évidence : “Oui. Je resterai aussi longtemps qu’il le faudra pour contribuer à un accord de paix. En son temps, Henry Kissinger avait dû séjourner trente-neuf jours dans les capitales du Proche-Orient. J’espère ne pas être obligé de battre ce record...”
Non seulement, il ne l’a pas battu, mais il dut vite renoncer à ses velléités de construire la paix, ses interlocuteurs israéliens et arabes ayant trouvé son discours un tantinet rabâché et empreint d’une méconnaissance chronique de leur région.
Juppé, son Premier ministre de l’époque, dut vite lui trouver une saine occupation en Europe pour le détourner de ses hautes ambitions « pacifiques ».
Charette est partisan d’un dialogue avec le Hamas, opposé à toute sanction contre l’Iran. Le pieux Charette vit au paradis, non avec 72 vierges, bien inutiles dans son cas, mais un paradis dans lequel tout pays entendrait et respecterait la voix d’une France qui serait encore grande, respectable et immortelle.
Homme du passé mais pas très historique
Le Baron croit encore dur comme fer à la diplomatie à l’ancienne, celle qui faisait vibrer les cœurs dans les sous-préfectures, à l’heure des champagnes tièdes et des propos glacés (J.Brel). Il n’a jamais entendu les éclats de rires qu’il suscitait sur son passage parmi les puissants de ce monde, et parfois même , jusque dans les officines du Ministère qu’il croyait régenter.
Il a toujours conduit, dans ses dernières fonctions, la politique étrangère de la France comme on le faisait au XIX° siècle, voire au début du XX°.
Avec ce petit et lassant mélange d’onctuosité, d’antisémitisme d’inspiration catholique et de pantalons baissés qui font maintenant de notre pays la serpillère des dictatures les plus criminelles.
Mis à l’écart des grandes messes télévisuelles, il se contente de livrer à la populace ses avis éclairés d’ancien diplomate sur son blog personnel humblement intitulé « Convention démocrate ».
A le lire, on comprend que la diplomatie française n’ait jamais rien engendré de bien lumineux depuis le siècle des Lumières. Mais on constate également une trouble fascination pour les pays arabes, même s’ils figurent parmi les régimes les plus autoritaires du globe.
Pour ceux qui ont quelques heures à perdre, on peut puiser dans les éditoriaux pour voir à quel point des analyses peuvent être erronées, même chez un politique.
Mais cela n’empêche pas de persister dans des erreurs et de continuer d’ânonner des contre vérités, un tic partagé par nombre de locataires du Quai d’Orsay.
Le mimétisme, sans aucun doute ! Il serait inconvenant d’évoquer le manque de personnalité et de conviction.
Mais personne n’ose encore lui dire qu’il ne sert plus à rien, qu’il sent le renfermé dans ses certitudes apprises.
Personne n’ose lui dire que, s’il y a 52 % d’abstention lors des grands suffrages qui pourtant engagent l’avenir de la France et de l’Europe, c’est à des gens comme lui qu’on le doit.
Suffisants, dédaigneux, ignorants, incompétents au-delà de l’imaginable, ils sont l’arrière garde d’un système qui refuse d’évoluer et qui écarte sans pitié les jeunes, les désespérant de pouvoir un jour s’engager au service du bien public.
A cause d’eux, et aussi par la faute des médias qui font leur beurre de l’ignorance, les électeurs ont aujourd’hui le choix entre des autocrates qui crachent sur la démocratie ou des populistes. Parfois, ils (elles) sont les deux à la fois.
Quel rapport, direz-vous ?
Aucun, sinon un simple dégoût, teinté d’un brin de fatalisme !
En décembre 2001, Hervé de Charette affirmait, à propos du Proche Orient : "Il faut une nouvelle génération. La paix ne se fera pas avec des vieux. Elle se fera avec des nouveaux venus".
C’est un peu la même chose en France, Monsieur le Baron !
* Le "de" ne s’utilise que si le nom est précédé d’un titre, d’un prénom, de monsieur (ou autre civilité), de la mention d’un lien de parenté. Quoiqu’il en soit, « Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Être de quelque chose, ça pose un homme, comme être de garenne, ça pose un lapin. » Alphonse ALLAIS, Le chat noir, 25 janvier 1890
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