« Engrosser la femelle du Front National » : buzz fatal pour le Dr Lecoquierre
La Toile s'est récemment embrasée en raison d'un texte qui sans doute n'aurait jamais dû être publié. A la vitesse de la lumière, l'indignation a tissé sa toile autour du "coupable". En 48h à peine, il était pris par les autorités compétentes, face auxquelles il va désormais devoir s'expliquer. Histoire d'un buzz fatal.
Le 8 décembre paraît sur le site Le Plus (de L'Obs) une tribune signée Thierry Lecoquierre, médecin au Havre, intitulée "Engrosser la femelle du Front National", et qui se voulait, selon son auteur, "ironique".
Elle n'a cependant pas été lue ainsi par une floppée de sympathisants FN, qui y ont vu un appel au viol des électrices frontistes. Voici le texte en question, afin que chacun s'en fasse un avis :
« La femme frontiste n’apparaît pas moins mammifère que les autres femmes, même si on la sait nantie d’un cerveau reptilien plus proéminent que la moyenne. Comme tout une chacune, elle est soumise aux humeurs hormonales. Avec une particularité que l’ethnologie nous confirmerait : elle mouille surtout devant l’homme brute qui la rabaisse.
La sympathisante FN nous offre assurément des verges pour se faire battre. Comme elle apprécie la botte et le macho, exècre les idées féministes, jouons son jeu : battons-la de nos verges. Prenons-la au mot, prenons-la tout court. Puisqu’elle nous donne la recette pour métisser le bleu Marine, utilisons-la contre son camp.
Maîtrisons sexuellement les petites frontistes décérébrées, engrossons-les sans hésiter pour la survie d’une humanité souriante. Comme elles sont sottes et tombent facilement face aux arguments épais, bécasses attirées par la gâchette du chasseur en treillis, les choses devraient être aisées. Fabriquons une descendance crépue (j’allais dire frisée, mais je me suis fait peur !) au parti d’extrême-droite, crêpons le chignon de « la France aux français » terrorisée par l’altérité.
Refusant les avancées du planning familial, chaque grossesse débouchera sur un petit métis ou un bâtard, artiste de demain qu’elle finira bien par adopter.
Blacks, nègres, bougnoules, juifs, gauchistes, romanos, gitans, handicapés, francs-maçons et même mes gays amis solidaires : haut les queues ! Mettons nos consciences sous l’oreiller, et haro sur la croupe offerte (hélas parfois jolie !) pour une vaste copulation altruiste. Assurons une multicolore descendance à ce pays qui sombre.
Avec un seul objectif : noyer le poison dans l’œuf. »
Le texte est très rapidement dénoncé sur Twitter par des membres de ce qu'on nomme tantôt la "fachosphère", tantôt la "réinfosphère", par exemple TV Libertés, avec un appel à retweeter au maximum :
Un gros buzz s'ensuit, avec son déluge d'insultes et de messages à haute teneur scatophile. Ainsi, avec Old Nick, éditeur de L'Organe, pro du porno et sympathisant FN, ou encore avec une certaine Katarina :
Certains espèrent que ce texte du Dr Lecoquierre va faire prendre conscience à bien des gens que la haine ne se situe pas dans le camp qu'on croit. D'autres, déterminés jusqu'à l'excès, diffusent les coordonnées du médecin et appellent à le harceler.
Le buzz finit par arriver jusqu'à Caroline De Haas, militante syndicale et associative, ancienne membre du Parti socialiste et surtout (ceci explique sans doute sa sensibilité à ce sujet) signataire du Manifeste des 313, « Je déclare avoir été violée », qui dénonce dans un tweet un "appel au viol des femmes fachos" dans cet article du Plus.
Sa manière de présenter la chose s'avère cependant très maladroite puisque, selon elle, le principal problème que pose cette tribune, c'est qu'elle risquerait de faire encore monter le Front national. Problème de stratégie plus que de morale, semble-t-il...
Alertée par ce dernier tweet, la rédaction du Plus supprime l'article, qui n'avait pas été vérifié par l'équipe éditoriale.
L'article supprimé a néanmoins été sauvegardé sur divers sites pro-FN, Breizh-info et Boulevard Voltaire par exemple.
L'auteur, qui, sur Twitter, se présente sous le pseudo de "DrCoq", s'étonne quant à lui de la polémique démesurée qu'il a malencontreusement déclenchée :
Sans doute pris de panique, le médecin (trop) engagé ferme son compte Twitter. Ne subsiste qu'un tweet égaré, celui où il assure qu'il n'appelait "évidemment" pas à violer qui que ce soit.
Certains twittos s'empressent de moquer sa fuite numérique :
L'un des cadres du Front national, Nicolas Bay, entre dans la danse. Le secrétaire général du parti de Marine Le Pen affirme étudier la possibilité de poursuites judiciaires.
De son côté, J.-P. Fabre Bernadac juge sur Boulevard Voltaire que "ce qui est inadmissible est que Le Plus de L’Obs ait pu passer cette tribune ne serait-ce que quelques heures." C'est là qu'il faut reprendre ses esprits. En effet, Le Plus n'a pas passé cet article, c'est l'auteur qui l'a passé lui-même, sans filtre.
Sur ce site, en effet, on publie sans contrôle, sans modération aucune. Il n'y a cependant que les articles sélectionnés par la rédaction qui sont mis en avant sur la page d'accueil ; les autres végètent dans l'ombre, ce qui était le cas de celui du Dr Lecoquierre.
Des internautes nombreux en viennent à exiger que l'Ordre des médecins prenne le relais dans cette affaire et se charge du cas du médecin imprudent.
Certains prennent même l'intiative de le contacter :
Et la démarche paie. C'est sur Tweeter que l'Ordre des médecins publie ce communiqué, dès le 10 décembre, soit deux jours seulement après la publication de l'article sur Le Plus : "Le Conseil national de l'Ordre des médecins a demandé au Conseil département de l'ordre des médecins de Seine-Maritime (76) de convoquer le docteur Lecoquierre à la suite de la publication de sa tribune sur Le Plus".
Voilà donc un buzz qui a fort rapidement porté ses fruits. Non rassasiés, certains twittos affamés sont allés fouiller le blog du médecin, espérant y dénicher de nouveaux textes compromettants, afin de charger son dossier.
Il est vrai que certains titres donnent le frisson : "Adolescents : Manifeste pour la pornographie éducative" ou encore "Peut-on encore toucher les petites filles ?". Mais le contenu de ces articles ne coïncident heureusement pas avec ce qu'ils pourraient laisser présager.
Moralité
Au final, outre l'efficacité du Net pour dénoncer un scandale de manière virale et obtenir des résultats très concrets à vitesse grand V, cet épisode révèle surtout une grande fracture idéologique au sein de la société française, entre les pro- et les anti-FN, qui ne se comprennent pas, les premiers considérant que les seconds sont des Bisounours naïfs à réveiller au plus vite, les seconds étant persuadés que les premiers sont essentiellement haineux, ne rêvant chaque matin que de casser de l'étranger.
Dans un précédent article, j'avais relevé l'analyse du blogueur Vinvin, assuré que les électeurs frontistes manquaient d'éducation, de culture, et se trouvaient lobotomisés par les divertissements de masse, incapables désormais d'esprit critique ; une petite balade sur le web suffit pourtant pour rencontrer des analyses d'électeurs frontistes émettant strictement le même genre de jugements sur les électeurs PS et UMP.
Dans un article paru le 10 décembre sur Le Plus, un rédacteur désespéré de vivre dans un village où 84 % des habitants ont voté pour le Front national essaie à son tour de comprendre et remploie la même rengaine :
"Dans mon village, je pense que les habitants n’ont jamais croisé la moindre personne de couleur, alors qu’est-ce que ça peut leur faire ? Je ne sais pas du tout d’où leur vient cette haine raciale.
Je crois que leur vote est surtout le résultat d’un manque de culture évident. Je pense qu’ils sont aussi liés au temps de parole accordé à chaque candidat dans les médias. Marine Le Pen est beaucoup trop présente à la télévision."
D'un côté comme de l'autre, on est convaincu que l'autre est un con - à rééduquer. Et d'un côté comme de l'autre, on se plaint que le camp d'en face est trop présent dans les médias, influençant en cela une masse amorphe, dont soi-même on ne fait évidemment jamais partie (comme quoi notre appréciation est totalement biaisée par nos attentes et notre orgueil).
Ce n'est pas demain la veille que nous sortirons de nos matrices respectives, tant morales qu'informatives, et que nous pourrons espérer coopérer sereinement, en tirant profit de nos différences, tant de visions que de sensibilités. Le conflit aveugle restera sans doute encore pour longtemps le moteur de l'Histoire.
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