Européennes : les vrais vainqueurs
Il y a bel et bien un raz de marée en France et dans toute l'Europe mais pas forcément celui auquel on pense. Nous assistons à la montée en puissance des croyants vouant une adoration inconditionnelle au culte de la planification centrale. Ces derniers ont enregistré un score proche de 100% aux dernières élections Européennes.
Introduction
L'extrême droite Française est morte et Marine Le Pen a bien raison de ne plus vouloir entendre ces mots qualifier son parti. Cette faction politique a pris un virage à 180° que peu de journaux ont analysé sérieusement. Tentez de découvrir ce qui a changé au FN au travers des médias traditionnels, vous y découvrirez que malgré un virage à gauche sur le plan économique, ce parti a de toute façon des racines "nauséabondes", que "la nouvelle patronne du Front national a un seul objectif : dédiaboliser son parti". Ou encore que "la vraie rupture réside dans le style". Il ne faut pas s'étonner que les auteurs de ce genre d'âneries reçoivent de moins en moins d'échos auprès du plublique. Certes, la politique migratoire et le discours patriotique n'ont pas changé dans le fond. Mais l'âme du parti a radicalement changé de couleur, et cela va bien plus loin qu'un simple "virage à gauche". Dans cet article, nous mettons de côté toute la rhétorique de préférence nationale pour porter un regard nouveau sur les véritables vainqueurs des dernières élections.
Jean Marie VS Marine
Qu'est-ce qui a changé entre le FN de 2002 et celui d'aujourd'hui ?
Tous d'abord, parlons d'un sujet qui intéresse tous les contribuables : la fiscalité (à qui prend-on de l'argent ? combien en prend-on ? comment le redistribue-t-on ?).
Le programme fiscal du FN de 2002 est assez simple. Il prévoit de supprimer un certain nombre d'impôts, de taxes et prélèvements obligatoires (ISF, droit de succession etc.), réduire la fiscalité des entreprises, imposer une limite haute sur les prélèvements en s'alignant sur les moyennes européennes, annuler en grande partie les crédits publiques, et enfin, laisser le peuple se débrouiller par referendum lorsque un déséquilibre apparaît dans les budgets, que ce soit au niveau nationale ou locale.
Pour résumer, on prend moins, on redistribue moins, et démerdez-vous.
Qu'en est-il du programme d'aujourd'hui ? Je me suis permis de citer un petit passage du programme qui résume bien l'ensemble :
"La fiscalité doit devenir un outil au service de notre projet économique de redressement.
Elle sera mobilisée au bénéfice de la croissance économique, de l’emploi et de la justice, pour résorber les inégalités injustifiées. [...] Le principe de la progressivité de l’impôt, aujourd’hui totalement négligé dans les réformes fiscales, gouvernera l’ensemble des réformes entreprises."
Ainsi, l'impôt doit être simple, progressif et pour tout le monde. Ce qui aura pour conséquence que "les classes moyennes paieront moins l’impôt sur le revenu, mais les foyers très aisés le paieront davantage". De plus, la TVA servira de paramètre d'ajustement pour réduire les inégalités. Que ce soit pour les entreprises ou les particuliers, il y a une volonté affichée de réduire le nombre de prélèvements (en les fusinant, pas en les supprimant) et de les rendre tous progressifs. De plus, la gestion budgétaire des entreprises est directement soumise à l'influence de l'état par le biais de ces mêmes prélèvements progressifs au niveau du revenu du capital ainsi que des rémunérations élevées. En simplifiant le système fiscale au maximum et en ajustant les paramètres de cette fameuse "progressivité", l'état pilote d'une main forte le flux de redistribution de richesse de la nation entière. Il affiche également sans ambigüité la volonté d'orienter la consommation des ménages en créant des distordions importantes dans le calcul de la TVA. Tout cela est présenté clairement dans le programme, il ne s'agit pas d'extrapolation.
Pour résumer, on va prendre plus ou moins, redistribuer plus (au seul français bien entendu), et tout sera décidé au plus haut niveau de l'état.
Sur le point de la fiscalité, un virage à gauche a bel et bien eu lieu, mais est-ce bien le plus important ? Intéressons nous au rôle que doit jouer l'état dans la vie publique.
En 2002, le FN prévoit de recentrer l'état sur ses fonctions régaliennes. On trouve dans le programme des idées récurrentes telles que la "désétatisation du système français" ou encore la "décentralisation des compétences". Le parti propose "d'étendre le champ d’application du référendum sur toutes les grandes questions dites de société" et le droit à l'initiative du référendum suisse est présenté comme un exemple à suivre. Le parti souhaite clairement se déresponsabiliser sur un grand nombre de décisions.
Le FN d'aujourd'hui souhaite un état "fort" qui impose un encadrement strict et homogène sur l'ensemble du territoire. Un "état fort qui impose son autorité aux féodalités locales". Un état qui planifie stratégiquement la réindustrialisation sous la supervision direct du premier ministre. Un état fort qui encadre les taux d'intérêts et qui contrôle les prix de l'énergie et du transport. La notion d'était fort revient constamment. Soyons sportifs, le mot referendum intervient dans la partie "Refondation républicaine" du programme :
"Seul le référendum pourrait, à l’avenir, permettre de réformer la Constitution"
"Le référendum d’initiative populaire serait inscrit dans la Constitution et les conditions de son organisation seraient allégées..."
Toujours est-il que cette dernière proposition est en contradiction totale avec tout le reste du champs lexical.
Qu'en est-il du pouvoir attribué aux régions ?
En 2002 :
" Mettre en œuvre la vraie décentralisation : La France sera divisée en une trentaine de provinces, Elles [...] reprendront, pour l’essentiel, les compétences dévolues aux conseils généraux et régionaux actuels."
En 2014 :
" L’Etat fort qui impose son autorité aux féodalités locales : Transfert progressif à l’Etat des compétences relatives aux transports régionaux et à l’action économique".
Qu'en est-il du secteur de l'emploi ?
Le FN de 2002 souhaite que patrons et salariés négocient directement leur façon de travailler ensemble. Ils déterrent notamment ce bon vieux principe du "salaire direct". Dans le nouveau programme, on explique sans ambigüité que l'impôt et sa fameuse progressivité servira a influencer les politiques internes des entreprises. L'encadrement des taux et la notion "d'état stratège" sont des indices édifiants.
Concernant les retraites, le FN de 2002 souhaite que le citoyen Français ait le choix entre le régime général et un régime par capitalisation. Le choix également de l'âge de départ sans contraintes. Le FN d'aujourd'hui prévoit de conserver le système actuel et rééquilibrer le budget en taxant les revenus du capital.
Concernant l'euro, la position du nouveau FN est bien connue : il prévoir d'organiser avec les autres états nations d'Europe une sortie de l'euro pour un retour à un système exclusivement national. L'émission de monnaie doit être entièrement attribuée à la banque de France. Jean Marie était plus prudent sur le sujet. Il souhaitait également une sortie organisée de l'euro pour un retour à la monnaie nationale. "Ensuite, la monnaie nationale serait liée à un étalon monétaire constitué d'un panier or et autres métaux précieux", selon ses propos datant de 2009. L'ancien FN préconisait une monnaie basée sur des actifs tangibles qu'il est donc impossible d'émettre arbitrairement. Voila encore une différence fondamentale qui en dit long sur le changement de philosophie du parti.
La vraie différence
Qu'on se le dise une bonne fois pour toute, l'extrême droite est morte en France. Bien entendu ce changement de personnalité totale du patient a été diagnostiqué depuis longtemps par de nombreuses personnes mais il convient de remettre les choses au clair pour ceux qui voient un raz de marée d'extrême droite fascisante à l'horizon. De plus le véritable problème ne réside pas dans ce qui sépare la droite de la gauche. Pour mieux cerner les enjeux, prenons un peu de recul et dépassons le clivage traditionnel droite/gauche. Tentons de découvrir ce qui oppose réellement le père de sa fille au travers d'une proposition tout à fait symbolique du programme de 2002. Dans le chapitre 3 intitulé " institutions : restaurer l'état", section " Libérer les Français de toutes les oligarchies", on découvre la proposition 13 :
"Supprimer l’E.N.A".
Il est amusant de constater que l'ancien patron du FN déteste une école au point d'en proposer la disparition dans son programme. Ce qui est encore plus drôle, c'est de constater l'indiscutable vérité : celui qui a inspiré le nouveau FN et en a reformulé entièrement le programme est un énarque chevronné. Je parle bien entendu de F. Philippot.
Pourquoi J.M déteste-t-il tant l'ENA au risque de paraitre ridicule ? Que représente l'ENA ?
Comme son nom l'indique, il s'agit d'une école financée et administrée (indirectement) par l'état, qui forme de jeunes français a administrer le peuple (qui finance l'état). Autrement dit, le corps politique français se forme de lui même, il fonctionne en boucle fermée sur les bases d'une croyance vielle comme l'humanité : le culte de la planification centrale. Ce culte entretient la croyance qu'une population doit être administrée par un pouvoir central si l'on souhaite vivre pour le mieux dans le meilleur des monde possible. Ce culte fait fi de l'intelligence et de la raison, il endoctrine les plus brillants d'entre nous aussi facilement que les plus idiots. Il n'a pas vraiment de couleur politique, il touche les hommes de droite comme de gauche, les plus radins et égoïstes de la planète, au même titre que les esprits les plus ouverts, les plus généreux et les plus "bien pensants".
Or, malgré tous ses défauts, Jean-Marie n'était pas adepte de ce culte, et il déteste l'ENA pour ce qu'elle représente. Mais au fait, le nouveau programme du FN fait-il mention de l'ENA ? Et bien figurez vous que oui ! Dans le chapitre 1 : "Autorité de l'état", section 4 : "Fonction publique", on y trouve la proposition remarquable :
"L’Ecole Nationale d’Administration (ENA) veillera en particulier à recruter des hauts fonctionnaires patriotes."
A-t-on réellement besoin d'aller plus loin ?
Une religion très ancienne
Est-il pertinent de mettre des idées politiques au même niveau qu'une religion ?
Malgré tous les exemples d'horreur que l'histoire nous fourni, ces gens continuent de penser que le pouvoir doit être centralisé, les peuples administrés, les lois et les normes démultipliées à l'infini. Ce ne sont pas des idées politiques car celles-ci peuvent variées considérablement. Ce sont simplement des croyances parfaitement arbitraires qui échappent à tout raisonnement logique fondé sur l'étude de l'histoire et de la nature. Au même titre que les créationnistes continuent de croire que la terre a été créée il y a 10000 ans, les planificateurs centraux continuent de croire qu'ils savent mieux que vous ce qui est bon pour vous, et ce en dépit de toutes les preuves accumulées jusqu'à maintenant. Ces croyances transcendes de loin les clivages habituels droite/gauche. Ces croyants sont tellement nombreux qu'on ne peut pas parler de secte. Lorsqu'ils arrivent au pouvoir, les choses filent en sens unique : plus d'état, plus de lois, plus d'administrations, bref, plus de religion, pour tous.
l'ENA est le parfait séminaire pour les jeunes prêtres de cette religion en France. Un étudiant sortant de cette institution, aussi brillant soit-il, envisagera les solutions aux problèmes posés uniquement à travers le prisme de la réglementation et de la normalisation. Il est ancré dans ses croyances et prêche sont savoir faire dans la planification de la vie des autres. Qu'il soit de gauche ou de droite, radin ou généreux, cela importe peu.
Comme dans toute religion, on distingue différentes églises. Il y a le "front républicain" qui forme une seule et même méga-entité constituée de différents diocèses comme le PS, l'UMP, ou encore les verts. Ceux là vont volontairement léguer le contrôle de la monnaie et des institutions aux archevêques privées de la planification internationale. Cette église là est si puissante qu'elle a le pouvoir d'excommunier médiatiquement ses adversaires. Il vaut donc mieux être de son côté si l'on souhaite conserver le contrôle d'un diocèse.
Marine a fondé son église sur les cendres de l'extrême droite française. Personne ne peut nier que son programme ne laisse aucune ambigüité quant à son adoration pour le culte de la planification centrale. Il aura suffit d'un seul prêcheur sorti de l'ENA, le talentueux F. Philippot, pour convertir tout un parti de l'intérieur. C'est dire si l'ENA est une organisation efficace ! Et que doit penser notre bon vieux JM national ? Lui qui a déclaré au moment de la succession : "Politiquement, à quelques nuances près, elle a les mêmes opinions que moi". A quelques nuances près !! Ben voyons. Remarquez, le diable réside souvent dans les détails. Lui voulait faire interdire cette organisation tandis que Marine veut la renforcer. l'ENA est bien trop précieuse pour être interdite. Marine, c'est surtout les institutions européennes qu'elle ne peut pas voir en peinture, à telle point qu'elle propose dans son programme l'interdiction du drapeau européen sur les bâtiments publiques en France. Dans toute religion qui se respecte, les différentes factions mènent une guerre sans pitié en ignorant délibérément le fait qu'ils vénèrent le même dieu.
On entend souvent parler de la religion de l'euro. Le concept de religion me semble approprié mais son champs d'application dépasse de loin la monnaie unique.
Les véritables vainqueurs
Que faut-il voir dans la progression du FN et qui sont les véritables vainqueurs des dernières élections ?
Jean Marie était indiscutablement d'extrême droite, avec toutes les dérives que cela implique. Entre autre, il refuse de donner un penny aux étrangers et il est beaucoup moins partageur avec les plus pauvres. Ses positions sont de droites, extrêmes sur certains sujets et discutables. Néanmoins, il n'était pas un adepte au culte et le FN constituait en cela un réel parti d'opposition. Il existe bien sûr des partis non adepte au culte qui ont des idées plus progressistes que celles du FN. Et je constate qu'ils sont royalement ignorés par l'électorat français.
Ce message s'adresse donc à tous ceux qui votent FN (ou qui sont tenté de le faire) en réponse à la montée en puissance d'une Europe non souhaitée (ceux qui continuent à voter PS ou UMP sont probablement irrécupérables). Le FN, le PS, l'UMP, les verts, le front de gauche et l'union européenne ont tous le même culte, celui de la planification centrale. Ce que propose le FN est en substance la même chose que propose l'union Européenne sur une plus petite échelle et avec des rites différents.
Depuis le début de la crise, on assiste à un véritable raz de marée des fidèles au culte de la planification centrale qui sont les véritables vainqueurs de ces dernières élections. Il est grand temps que les hérétiques de gauche comme de droite fassent front commun contre ce fléau qui transpire les heures les plus sombres de toute l'histoire enseignée.
Conclusion
Quelles conclusions faut-il tirer de tout cela ?
Méfions nous !
Méfions nous des débats sur l'immigration, la théorie du genre et le mariage pour tous. Ils croient tous en une population homogène, le reste n'est qu'une question de gout.
Méfions nous des débats sur la souveraineté nationale et l'union européenne. Ils croient tous en un pouvoir centrale et fort, le reste n'est qu'une question d'échelle.
Méfions nous des débats sur l'euro et le retour au franc. Ils croient tous au contrôle de la monnaie. Il n'est pas réellement question du reste.
Sources :
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