Evaluation des écoles ?
Nicolas Sarkozy propose d’évaluer les écoles, en publiant leurs résultats... Un comparatif dont on peut se demander quelles fins il poursuit.
Parmi les mesures évoquées par Nicolas Sarkozy
à Périgueux (et non par Xavier Darcos, pourtant en charge
du dossier, tout comme Fadela Amara s’est fait quelque peu
déposséder de son plan “espoir
banlieue”...) figure celle de la publication des
résultats de chaque école.
« chaque famille recevra systématiquement, non
seulement les résultats de son enfant, mais également
ceux de son école », a-t-il expliqué. (Sarkozy prône un retour aux « fondamentaux » à l’école - LE BIEN PUBLIC.)
Une annonce passée un peu inaperçue, face au débat monumental suscité par le “parrainage de la Shoah“.
Cette mesure est pourtant sinon moralement aussi porteuse de dangers, dans les faits tout aussi pernicieuse et potentiellement dangereuse.
En effet, que signifierait dans les faits l’évaluation des écoles (assortie au passage de celle des profs, non plus sur leurs méthodes pédagogiques, mais sur les progrès des élèves) ?
On peut évaluer une production, au sens manufacturier ou
industriel du terme, en ce qu’on se fixe des objectifs, que
l’on détermine les moyens pour les atteindre, et
qu’on soupèse au final si les objectifs ont
été atteints avec des moyens en plus ou en moins que ceux
prévus au départ (je fais très court).
On peut, de la même façon, évaluer une action
pédagogique, et se poser ensuite la question du pourquoi les
moyens utilisés ont abouti ou non au résultat
escompté, voire ont dépassé les espérances
de départ.
Cette évaluation positive, dans le sens où si elle est
bien faite elle doit pouvoir contribuer à
l’amélioration des résultats, est une bonne chose,
génératrice de dynamisme, de questionnement, de
perfectionnement, d’amélioration, voire
d’optimisation.
Mais ce n’est pas du tout ce que propose notre seigneur, oubliant au passage que dans certains domaines l’obligation de moyens n’est pas synonyme d’obligation de résultats.
Car dans certains domaines (et l’enseignement en fait partie),
l’amélioration des moyens, voire leur performance, ne
garantit pas pour autant le résultat ou la production finale.
Ainsi, les mêmes méthodes optimisées de productivité peuvent produire les mêmes effets positifs sur une “autre” chaîne de montage, alors que les mêmes méthodes pédagogiques efficaces sur un groupe d’élèves ne le seront pas forcément sur un autre... surtout si les milieux socioculturels sont différents !
Mais ce que propose NS va encore plus loin dans l’aberration
et l’absurdité... à moins que le projet
sous-jacent ne soit clarifié !
En effet, l’évaluation des résultats d’une
école se ferait à l’aune des résultats de
ses élèves à des évaluations nationales.
Inutile de dire que malgré l’objectif affiché
d’une égalité des chances, en fonction de la
situation géographique (donc socioculturelle), du nombre
d’élèves dans les classes, du nombre de niveaux
dans lesdites classes (en sachant qu’il y a encore en France ce
que l’on appelle des “classes uniques”, rassemblant
tous les niveaux), et d’autres facteurs que j’oublie
sûrement, les dés sont pipés d’avance si
l’on se livre à une comparaison des résultats !
Des résultats qui auront peu à voir avec la
méthode pédagogique ou la compétence des
enseignants (même si, bien évidemment ces deux facteurs ont
leur importance !).
Qu’est-ce à dire alors ?
Que l’on souhaite favoriser les lieux d’excellence,
à la faveur de la suppression de la carte scolaire ? Mais ces
lieux d’excellence risquent fort de voir leur cote se
dévaluer rapidement s’ils sont pris d’assaut par les
écoliers provenant d’autres établissements...
Le risque reste faible, remarquez, car ceux qui sont déjà
marginalisés (par leur situation économique ou
culturelle) seraient sans doute peu nombreux à se battre pour
que leurs enfants soient scolarisés ailleurs que là
où c’est le plus pratique pour eux. Il faut en effet du
temps, de l’argent et un certain niveau de connaissance pour
accompagner son enfant dans l’école qui est à 10 km
ou à deux stations de métro...
Le choix sera donc laissé à ceux qui ont les moyens (à tous points de vue) et à eux seuls...
De nombreuses études et rapports montrent que notre école est “reproductrice” des inégalités. Souhaiterait-on que cette reproduction s’accentue encore et creuse encore les inégalités ?
L’évaluation peut être une bonne voire une
très bonne chose, dès lors que l’on se demande ce
que l’on souhaite évaluer, et que l’on se donne le
temps de réfléchir aux critères pertinents pour
évaluer ce que l’on souhaite évaluer.
Ce n’est visiblement pas le cas en la matière et cela
pourrait donner lieu à des dérives dangereuses et
avaliserait “officiellement” des pratiques qui existent
déjà.
L’évaluation peut avoir un sens et une efficacité.
En l’occurrence, tout comme l’évaluation des ministres, elle n’en a pas (de sens) et pourrait même se révéler néfaste.
Tant va la cruche à l’eau qu’elle se casse, Monsieur notre président !
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