Femmes politiques : l’autre victoire de Martine Aubry et Ségolène Royal
Incarnant la victoire du PS au régionales, Martine Aubry et Ségolène Royal témoignent du chemin parcouru par les femmes en politique. Le temps où Edith Cresson, Dominique Voynet ou Elisabeth Guigou essuyaient des insultes sexistes semble bien loin.
En politique comme ailleurs, les femmes reviennent de loin. Pendant longtemps, elles sont un petit nombre à faire carrière sur le nom de leur mari. Les autres – et elles sont de très loin la majorité – doivent assumer les sous-entendus, les quolibets et les insultes. Première Premier ministre de l’histoire de France, Edith Cresson croit pouvoir briser les stéréotypes. Celle qui se refuse à reprendre les habits de Simone Veil et que l’on accuse d’être la Pompadour de Mitterrand choisit de se comporter comme un homme… en usant d’un langage de charretier. Erreur fatale. La communication d’Edith Cresson enclenche une surenchère verbale qui va très vite la dépasser et dont elle sera la première victime. Dominique Voynet et Elisabeth Guigou (entre autres femmes politiques) seront à leur tour prises à parti et injuriées, la première se faisant insulter par les chasseurs, la seconde se voyant traitée de « putain » en 1992 puis surnommée « 3615 Tonton » deux ans plus tard. L’impasse est flagrante et le résultat catastrophique. Entre la figure de la madone et celle de la catin, la voie n’est pas étroite : elle est tout simplement nulle. Sous couvert de modernité, l’épisode malheureux des Jupettes confirme que si la question des femmes en politique est désormais posée, la réponse ne va toujours pas de soi. En tout cas pour la plupart des hommes politiques. Il faudra donc en passer par la parité. Mais le changement prendra du temps.
Le tournant de 2007
La campagne de 2007 permet de mesurer le chemin parcouru. Pour la première fois, trois grands partis désignent des femmes pour les représenter à une élection présidentielle. Outre le PS, les couleurs du PC sont défendues par Marie-George Buffet et celles des Verts par Dominique Voynet. Même à l’UMP, une femme, Michèle Alliot-Marie, se porte candidate à la candidature. Bien sûr, l’ambition de Ségolène Royal réveille de vieux réflexes. Jean-Luc Mélenchon tient à préciser que « l’élection présidentielle n’est pas un concours de beauté ! », Laurent Fabius se demande « qui gardera les enfants ? » et un journaliste de France Info demande à la candidate « si elle sollicitera l’autorisation de François avant de se présenter ». Sans oublier l’éternelle question de la compétence qui ne cessera d’empoisonner sa campagne… Mais le fait que le candidat socialiste soit une candidate constitue également un atout de premier ordre. Le changement majeur dont Ségolène Royal se veut porteuse, c’est d’abord elle-même. C’est sa personnalité de femme qui lui permet de bénéficier de l’intérêt et de la sympathie des médias mais aussi d’un a priori favorable de l’opinion publique.
L’heure de la libération est venue
La candidature de Ségolène Royal témoigne d’un processus de normalisation. Celle-ci ne signifie pas l’abolition de toutes les différences entre hommes et femmes en politique. Dans ce domaine, comme ailleurs, les femmes sont condamnées à faire preuve d’une compétence sans faille pour accéder aux plus hautes responsabilités. Faute de quoi, leur image risque de rapidement se réduire à des considérations secondaires, pour ne pas dire sexistes, tant sur leur apparence vestimentaire que sur leur personnalité ou leur vie privée. Rachida Dati est bien placée pour le savoir, elle qui s’est vue accuser d’avoir usurpé ses diplômes. Nommée Garde des Sceaux sans avoir jamais été élue, son exemple confirme la règle non écrite qui veut que plus une femme est jolie et plus elle exerce une fonction élevée, plus elle est sous surveillance et doit adopter une tenue et une attitude respectant un minimum les codes du monde politique. Mais derrière cette constante, le changement est indéniable. Les insultes lancées à Edith Cresson, Elisabeth Guigou ou Dominique Voynet seraient inconcevables aujourd’hui. Plus encore : les femmes luttent désormais à armes égales avec les hommes. Pour ne prendre que ces seuls exemples, la liberté de parole de Rama Yade lui vaut une popularité qui rivalise avec celle de DSK et même si Rachida Dati énerve et déçoit, la fascination et la passion qu’elle suscite aussi bien en France qu’à l’étranger lui permet de disputer ouvertement la conquête de Paris à François Fillon. Pour cette nouvelle génération, une chose semble ne faire guère de doute : pour réussir, une femme politique n’a vraiment plus besoin d’être un homme.
Franck Gintrand
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