François Bayrou dans « A Vous De Juger » : médiocre
Le président du MoDem était ce soir l’invité d’Arlette Chabot dans l’Emission d’A vous de juger. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme fort du centre a manqué une occasion en or de lancer la campagne pour les élections européennes qui se dérouleront l’année prochaine.
Bayrou était attendu au tournant. Bien en vue dans les médias, il lui était cependant reproché -à tort - de ne pas assez s’exprimer sur les sujets qui font l’actualité. France 2 lui a accordé une heure d’antenne, et surtout une tribune à grande écoute. Balayant la plupart des sujets, le leader du MoDem s’est montré étrangement peu offensif, campant sur ses positions qu’il défend depuis plusieurs semaines. Une attitude prudente, mais particulièrement contre-productive puisque la formation centriste aborde les prémisses de la campagne pour les européennes en difficulté, avec 11% d’intentions de votes, soit le niveau de la défunte UDF lors du précédent scrutin.
Bayrou commente l’actualité
Pourtant d’entrée de jeu, François Bayrou se montrait offensif. Interrogé sur les propos de Bernard Kouchner à propos des droits de l’homme, le béarnais a souligné la "contradiction" entre l’homme qui "sac de riz sur l’épaule à Médecins sans frontières prônait le droit d’ingérence" et l’homme actuel, le ministre qui tient des propos hostiles au droits de l’homme. L’invité d’Arlette Chabot en a même profité pour glisser une pique au ministre, en ressortant une ancienne citation de l’actuel ministre des affaires étrangères "camarades socialistes, si un jour je perds mes idéaux, réveillez moi", et de faire le lien "je crois qu’il est temps de le réveiller". Il en profite alors pour s’en prendre directement à la gouvernance du pays, dénonçant "la Cour", faisant l’opposition entre la "grâce, avec les couvertures de magazines et les projecteurs" et la disgrâce "par le signe discret du souverain et on lâche la meute des hyènes". Une allusion à peine voilée aux mésaventures que connaît actuellement Rama Yade. Et de rajouter "je déteste ça".
Une belle entrée en matière, mais c’était sans compter Arlette Chabot, dont l’antagonisme qu’elle exprime vis-à-vis de Bayrou n’est plus à démontrer. Profitant d’un reportage où Bayrou se compare volontiers à De Gaulle, la journaliste l’écorche "vous êtes gonflé de vous comparer à De Gaulle". Et le béarnais qui répond en toute sérénité, et qui termine par "c’est avec la politique qu’on refait l’histoire". Il fait alors le lien avec 2012 en parlant "du seul moyen pour changer les choses, de bouger les lignes", avant de modérer son jugement "mais c’est encore loin", évoquant le travail à faire en amont par "des dizaines de milliers de militants". La présentatrice revient à la charge et assène "A quoi sert Bayrou ?", le président du MoDem rétorque "c’est quelqu’un qui a une parole libre, il sert à être pour quand ça va, et contre quand ça va pas". Jamais deux sans trois, Arlette Chabot assène une nouvelle charge à François Bayrou "vous êtes seul...". Une occasion en or pour le centriste qui marque son opposition aux "héritiers de partis politiques solides", et en se posant "non pas comme un héritier" mais comme "un constructeur". Il avait auparavant précisé qu’il "était seul au niveau parlementaire seulement", une rectification non dénuée de sens.
Commentant l’actualité, en particulier la crise, le centriste a dénoncé un pouvoir "qui manque aux attentes" et une opposition "qui défend des thèses absurdes". Il a souligné le besoin pour les Français "de cette voix qui dit les choses". En outre, il en a profité pour tacler le PS qui a choisi "la fermeture, un mauvais choix". Soulignant ensuite sa proximité avec Jacques Delors pour qui il a "beaucoup d’admiration", il aura distribué des bons points à Royal "qui a eu raison de faire bouger les lignes" et des mauvais points à Besancenot "dont on ne sait pas où il va". Tout ceci avant de s’en prendre violemment au chef de l’Etat, se déclarant hostile à "la manière dont il gouverne ; je n’aime pas la France qu’il essaie de construire". Avant de donner -quand même-, un bon point pour la présidence de Sarkozy de l’Union Européenne, qui s’achèvera fin Décembre. Avant d’adresser de nouvelles attaques, soulignant la contradiction entre le projet de Nicolas Sarkozy et ce qu’a bâti la république "pendant plus d’un siècle".
Bayrou et les socialistes
A propos du parti socialiste, François Bayrou a souligné l’absurdité du bipartisme "s’il n’y a que deux partis, vous êtes assurés à un moment de gagner, même si vous êtes mauvais ; ça arrange tout le monde, sauf la France".
Attaqué par Montebourg sur le prétendu flou autour de son positionnement politique, en ressortant l’exemple des élections municipales. Au lieu de souligner l’absurdité des propos du socialiste, qui prône une alliance aveugle avec le PS, sous-entendant ainsi que tous les candidats de gauche dans toutes les villes de France sont super bons, et tous les candidats de droite dans toutes les villes de France sont super mauvais, le béarnais botte en touche et souligne l’hypocrisie de Martine Aubry, qui, quelques semaines après avoir été l’égérie des anti-Bayrou, organise une réunion dans le Nord pour obtenir le soutien du MoDem dans des élections partielles. Le président du MoDem va une nouvelle fois utiliser sa désormais célèbre métaphore du "nez de Pinocchio". Monterboug déstabilisé tranche alors "le congrès a tranché la question des alliances", sous-entendant que le MoDem ne serait pas allié au PS, et se livrant ensuite à des accusations mensongères contre le vice-président du MoDem, Jean Peyrelevade qui oppose un démenti catégorique en direct, au grand dam du député socialiste.
Retour sur l’actualité
Le sujet du débat se replace alors sur la crise économique. François Bayrou en profite alors pour de nouveau souligner l’activité bénéfique du chef de l’Etat sur la scène européenne. Il nuance cela dit ses propos au sujet du couple franco-allemand, en froid selon lui à cause du président de la république.
A propos du plan de sauvetage des banques, le président du MoDem a souligné sa pertinence et a déclaré "qu’il a sauvé l’épargne de 50 millions de Français". Il s’attaque ensuite au programme de relance présenté il y a quelques jours par Nicolas Sarkozy, qu’il juge très insuffisant sur les moyens : "dans ce plan, moins de 4 milliards d’euros sont consacrés à l’investissement, soit 0.20% du PIB seulement !" Étrangement, le centriste se fait ensuite le chantre de la défense du pouvoir d’achat, déplorant l’absence de soutien à la consommation. Une remarque en contradiction avec ses propos de Dimanche dernier dans le Grand Journal de Michel Denisot, sur Canal +, où il soulignait justement l’absurdité d’une relance par la consommation. Après cette pointe de démagogie, chose rare chez l’homme, François Bayrou a proposé "un compte épargne crise de 1000€" pour "les étudiants, les retraités, les apprentis et les salariés modeste", soulignant que "Bush en avait fait de même aux Etats-Unis, c’est dire". Attaqué par Arlette Chabot sur la maîtrise des déficits, le président du MoDem a souligné le fait "que les finances publiques ça sert à passer les coups durs" avant de prendre pour exemple la présidence de Clinton marquée par une réduction drastique des déficits publics accumulés sous Reagan et Bush père et qui ont conduit le gouvernement américain à dégager des excédents qui d’après lui "servent maintenant à payer les plans de relance américains qui mettent beaucoup plus de moyens que nous". Il conclut alors "quand il y a de la croissance il faut mettre de l’argent de coté, n’importe quel économiste vous le dira".
A propos du travail le Dimanche, François Bayrou a souligné l’absurdité de cette mesure : "si une famille dépense 300€ en semaine, le fait qu’elle puisse les dépenser le Dimanche ne changera rien", avant d’ajouter "qu’il y avait même un risque de montée des prix, car travailler le Dimanche coûte plus cher qu’en semaine".
Au sujet de Xavier Darcos, le professeur agrégé de lettres n’a pas caché son inquiétude vis-à-vis de la situation de l’Education Nationale qu’il juge "grave". Il rajoute que l’on devrait "honorer les enseignants et pas les cibler". Il s’en est ensuite pris au dépistage de la délinquance dès la maternelle qu’il juge "choquant". Il dénonce la suppression de 3000 postes dans les RASEP comme "une incohérence" avant de s’en prendre à la réforme du Lycée qu’il juge mauvaise. "Je ne veux pas d’une éducation zapping" assène-t-il avant de rajouter "Il faut changer de cap". Bayrou tacle alors le ministre de l’éducation Nationale l’accusant de vouloir "plaire". Nouvelle charge d’Arlette Chabot "il ne fait qu’appliquer le programme". Le président du MoDem rectifie alors "le dépistage dès la maternelle, la supression des RASEP, la réforme du lycée telle qu’elle est menée, tout ceci ce n’était pas dans le programme de Nicolas Sarkozy. Il faut arrêter de dire le contraire".
Débat avec Jean-François Copé
Face au président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, François Bayrou a été peu en vue. Il a montré toutes ses limites dans l’exercice du débat. Copé n’aura eu de cesse de le rapprocher de la droite. Le président du MoDem aura eu beaucoup de mal à le contredire, et bottera même plusieurs fois en touche, notamment à propos de similitudes entre Nicolas Sarkozy et lui-même sur la question des impôts. Peu à l’aise également à propos de la réforme de l’Audiovisuel où Bayrou aura tenté d’apparaître comme le chantre de la démocratie face à "une dérive autoritaire du pouvoir". Le président du MoDem aura même du mal à s’engouffrer dans des boulevards que lui laisse le leader de la majorité, en parlant notamment du prétendu garde-fou du Parlement (droit de veto par une majorité de 3/5, excusez du peu) et du CSA (dont les membres sont nommés par le président de la république, de l’assemblée nationale et du sénat, tous sous contrôle de l’UMP actuellement). Très décevant sur cette question, le président du MoDem se livre même à un mensonge éhonté, dénonçant le fait que ce soit toujours Nicolas Sarkozy qui décide de l’ordre du jour au parlement "malgré la réforme constitutionnelle". Copé lui rétorque alors "qu’on enfume pas les gens comme ça, la réforme constitutionnelle n’entrera en vigueur que le 1er Mars 2009". Copé conclue en dénonçant le fait que le président du MoDem "en rajoute des tonnes", et en soutenant que cette réforme de l’audiovisuel allait "renforcer les droits du parlement". Bayrou, décidément peu en vue ne réagira pas à cette remarque pourtant tout à fait burlesque.
Et finalement, le vent monstrueux que lui asséna le maire de Meaux, lorsque ce dernier parlait de ses "concitoyens qui ont régulièrement recours aux heures supplémentaires" et qui les plébiscitent, et lorsque François Bayrou rétorqua "c’est faux", le maire en profita pour lui glisser cette attaque du reste bien placée "c’est sans doute parce que vous n’êtes pas maire". Finalement cette attaque sera l’illustration de ce débat. On en attendait beaucoup du président du MoDem, et finalement on reste sur notre faim. Plutôt bon dans les trois premiers quarts d’heures, il s’est littéralement vautré face à Jean-François Copé et s’est montré particulièrement mal à l’aise. Une bien mauvaise façon de lancer la campagne pour les européennes, et il le sait le béarnais, qu’il aura aussi besoin de convaincre sur sa droite pour gagner les prochains scrutins qui seront décisifs pour l’avenir de son parti, et donc de sa noble démarche politique. Reste maintenant à François Bayrou de se ressaisir et de combler ses importantes lacunes en communication, un point primordial, essentiel même quand on se prétend présidentiable.
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