Mon agrégateur de flux RSS déborde de billets nous interpellant sur l’arrivée de la « Loppsi 2 » (Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, 2e du genre), qui n’aurait ni plus ni moins que les mêmes dessins que « l’Hadopi » … mais en pire. Cette approche du sujet me parait, pour l’instant, très incertaine. Voilà quelques points de détails qui me font m’en désolidariser :
1/ La Loppsi n’est pas un projet de loi spécifique à l’Internet. C’est un projet ultra sécuritaire, dans la lignée de ceux déjà adoptés depuis 2007, dans lequel Internet est inclus.
2/ L’Hodopi est née de la pression du lobby des industries du divertissement (afin de protéger des rentes aujourd’hui indues), alors que la Loppsi est revue pour répondre l’utilisation délictueuse des NTIC au profit des crimes les plus graves. Même si je n’ai pas une confiance sans faille dans ces fonctions régaliennes de l’état, la démarche semble néanmoins plus logique. Ca n’empêche bien évidemment pas de fustiger la posture sécuritaire absolue du pouvoir en place.
3/ La police et la justice avaient besoin des mêmes prérogatives avec l’Internet et l’informatique qu’avec le téléphone et le domicile : écoute et perquisition. Pour « écouter » une connexion Internet, le « mouchard » semble la meilleure solution, et pour perquisitionner des données informatiques (parfois stockées physiquement à plusieurs milliers de kilomètres de l’ordinateur) il est nécessaire d’avoir une vue permanente de l’utilisation du/des ordinateur(s) utilisé(s). Même si on peut considérer ces preuves comme infiniment plus à charge qu’à décharge, on ne peut nier que dans ces affaires, l’absence totale de données compromettantes et d’utilisation illicite de l’informatique sera un vrai outil à décharge en faveur de l’avocat de la défense. A un moment où l’IP tend à devenir une preuve, pouvoir s’en défendre ne me semble pas de mauvais augure.
4/ Cette évolution des possibilités offertes à la police se fait obligatoirement sous le contrôle d’un juge et ne porte atteinte à aucun droit fondamental, tel la présomption d’innocence. Le droit à la vie privée et à la confidentialité des données tombant bien évidemment lors que l’on devient suspect dans des affaires visées par ce projet.
5/ Les rédacteurs de ce projet n’ont pas grand chose à voir avec ceux de l’Hadopi. D’un coté, on avait à faire à des incompétents de l’Internet, simplement là pour faire plaisir aux amis du patron, de l’autre on a des spécialistes de la cyber-délinquance qui passent tout leur temps à traquer des pervers et des fous furieux sur le réseau. Encore une fois, je n’aime pas du tout le coté sécuritaire et le flicage de notre société, mais je respecte le travail des ces personnes et leur laisse le bénéfice du doute quant à leur besoin. Il est de toute manière bien trop tôt pour anticiper quelles seront les modifications apportées au projet suite aux objections diverses et variées qui s’amoncellent déjà.
Pour autant, en l’état, ce projet n’est pas exempt de lourds reproches sur son adéquation avec l’Internet. Je pense notamment à l’article IV qui modifie les fondements de la LCEN dans le cadre des responsabilités et des devoirs des éditeurs/hébergeurs/FAI. Le fait d’imposer aux FAI le blocage de l’accès à certains sites sur présentation d’une liste (non publiée) crée par décret du ministère de l’intérieur va créer à la fois une contrainte importante dans les infrastructures du réseau et un précédent qui risque de faire tâche d’huile pour d’autres crimes et délits. Le dernier point spécifique à l’Internet dans la Loppsi concerne la caractérisation du délit d’usurpation d’identité sur Internet me laisse perplexe. Soit on le lie clairement aux activités suspectes d’adultes sur des sites réservés aux mineurs et c’est, en effet, nécessaire, soit on le généralise et on ouvre, là aussi, une boite de pandore dont on ne peut préjuger de ce qu’il en sortira ultérieurement.
Au final, que l’on soit d’accord ou pas avec la Loppsi ou la politique sécuritaire du gouvernement, force est de constater qu’elle ne peut être associée aux lois précédentes concernant l’Internet (Dadvsi et Hadopi). En dehors du « i » final (qui n’a, d’ailleurs, pas la même signification) elles ne s’appuient absolument pas sur les mêmes bases et n’auront sûrement pas les mêmes conséquences : la Dadvsi est obsolète, l’Hadopi risque de le devenir encore plus rapidement que sa grande sœur alors la que Loppsi fera partie de notre paysage pendant longtemps. La proximité calendaire semble plus liée à une coïncidence qu’à une filliation bien définie.