Il est interdit d’interdire les OGM : le retour annoncé du mon68
Quarante après, le gouvernement français sous l’égide de l’idéologie du développement durable joue à l’Assemblée Nationale, au Sénat, et dans les Ministères, un remake écolo et élitiste de mai 68, en souhaitant imposer par la force politique des Organismes Génétiquement Modifiés dont personne ne veut réellement.
Le Grenelle de l’Environnement, le maïs mon810 et la loi de la jungle
Après maintes tergiversations sur la nature des risques liés au maïs mon 810 et après les concertations du Grenelle de l’Environnement, le gouvernement français a opté pour le gel des semences de cet OGM en ce début d’année et ce jusqu’au vote au Parlement d’une proposition de loi sur les OGM. La teneur de cette dernière, remaniée subtilement dans le fond depuis les prises de direction du Grenelle, a provoqué très vite le retrait des principales associations non gouvernementales (membres de l’Alliance, Confédération Paysanne...) à ce sujet. Outre le caractère inutile et purement symbolique ou communicatif, avant les élections municipales, du gel du maïs mon810, dont les semences ne se cultivent pas en hiver, la proposition de loi visant à permettre aux agriculteurs de « produire librement avec ou sans OGM » n’a amené aucun élément nouveau quant à la problématique des OGM elle-même, et ce qu’elle implique dans la société. En effet, la loi sur les OGM agricoles apparaît comme une vision purement libérale et écologiste d’accompagnement de ces technologies, alors que la traçabilité et la séparabilité des filières n’existent réellement que sur le papier. La création d’une Haute Autorité Scientifique sur les OGM semble de plus ne pas apporter de garanties de multiplicité et d’indépendance des avis sur la question, de part l’unicité de l’organisme, qui se présente comme une nouvelle Commission du Génie Biomoléculaire (CGB), ouverte aux politiques. La constitution d’un délit de fauchage venait conclure un projet de loi tout entier tourné à la résolution d’une crise unique pour le gouvernement : comment faire passer dans la loi un texte accréditant le développement de tous les OGM sans distinction, qui pour les leaders décisionnels, est nécessaire et obligatoire. Le débat houleux à l’Assemblée Nationale sur cette loi ayant marqué l’explosion du camp UMP en fragments indivisibles s’est conclu par la réfutation in extremis de ses fondements, par l’adoption d’une motion de procédure permise par les représentants de la majorité eux-mêmes, dépositaires de la loi par leur gouvernement. Transformé en lutte pour la survie des idéologies, le débat sur la loi OGM s’est transformé en véritables joutes verbales où tous les coups sont permis, dignes de la loi de la jungle. Le sénateur Jean-François Legrand se voyait ainsi attaqué par les propres membres de son parti, le député UMP Jean Bizet déclarant alors : "On l’a exécuté, mais il bouge encore", plaçant la barre assez haute dans le déni symbolique des valeurs démocratiques et républicaines. Le rejet, approuvé selon un récent sondage par 67% des citoyens français, du texte de loi sur les OGM ne semble pas avoir d’effet sur les leaders décisionnels de la majorité, qui entendent garder leur cap sur cette question, sans considérer l’avis de la population. Et c’est aussi en faisant fi de l’avis des citoyens, que le Canada, fidèle aux directions prises par les Etats-Unis en la matière, vient tout récemment de confirmer le refus d’un étiquetage obligatoire sur les produits OGM, et ce malgré le souhait grandissant de la population pour plus de traçabilité des produits. Les démocraties occidentales auraient-elles perdu le sens de ce qu’est la démocratie ? Pas toutes, du moins sur cette question, la Suisse venant quant à elle de décider le prolongement du moratoire sur les OGM jusqu’en 2013, suivant l’avis d’une majorité de sa population.
Une fièvre verte du « développement durable » des OGM commerciaux au plus haut sommet de l’état
Le compte-rendu numéro 33 du 29 janvier 2008 de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, présidée par Patrick Ollier est sans appel. Selon le rapport de cette commission, état des lieux des OGM, ces technologies, notamment agricoles, sont présentées comme un moyen de « relever un défi démographique et un défi environnemental ». Se calquant sur les positions européennes en la matière, dont la commission a établi une directive favorable au développement des OGM agricoles, il y a de cela sept ans, le gouvernement français entend transposer cette directive favorable aux OGM agricoles dans la loi française. Tel est le but avoué de cette entreprise politique. Pour ce faire, tous les moyens sont bons : faire passer les produits OGM pour de la recherche scientifique, exalter le sentiment de culpabilité écologique en brandissant le spectre de la famine mondiale, amalgamer la technique avec le produit fini, amalgamer les questions agricoles avec des questions médicales, jouer avec le sentiment écologique de l’opinion publique qui commence à s’éveiller sur les dangers des pesticides, promettre monts et merveilles aux agriculteurs, promettre la normalisation de règles industrielles dans une optique de développement durable par le biais de ces technologies : bois de peuplier qui permettrait de moins polluer l’eau lors de l’extraction du papier, ou plants permettant de fabriquer du plastique biodégradable, ou encore promouvoir l’idéologie de la moléculture en plein champ à grande échelle, et celle sous-jacente de la production d’alicaments (comme des vaccins dans du riz transgénique), sans bien sûr jamais évoquer les risques incontrôlables relatifs à la biosécurité de tels développements techniques, ou en éludant les questions de fond concernant les risques environnementaux et sanitaires.
« En 2001, cela faisait déjà quinze ans que des tests étaient menés dans plus de 400 laboratoires européens, sans qu’aucun risque supérieur à ceux inhérents à la création variétale conventionnelle n’ait jamais été détecté. » Cette étrange déclaration est faite durant la table ronde sur les OGM par le directeur de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Georges Pelletier. Pourtant tout indique le contraire ; nombreux sont les chercheurs se plaignant des difficultés à obtenir des informations complètes sur les produits OGM, et ce autant ceux qui ont des a priori positifs que des ceux ayant des a priori négatifs sur la diffusion de ces technologies dans l’environnement. D’autre part, dès 1996, Manuela Malatesta, chercheuse à l’université d’Urbino en Italie, a essayé de reconduire une étude toxicologique de Monsanto, à propos du soja Round Up Ready, qui constitue en 2007, plus de 64% de la production mondiale d’OGM agricoles dans le monde selon le rapport de l’ISAAA, organisme probiotech. Après une étude préliminaire montrant des différences statistiquement significatives dans les noyaux des cellules du foie, du pancréas et des testicules entre des rats nourris avec du soja transgénique et du soja conventionnel, les financements du laboratoire ont été arrêtés et la chercheuse a finalement dû quitter son université pour rejoindre celle de Pavie. Effectivement, la littérature scientifique indique que dans toutes les études réalisées à ce niveau, y compris celles réalisées par les multinationales productrices d’OGM elles-mêmes, il est impossible de trancher sur la présence d’effets toxiques des OGM dans la consommation animale ou humaine sur le long terme. Le dogme de l’équivalence en substance étant installé, cette chercheuse a vu ses financements arrêtés car il n’est donc plus utile, selon certains membres de la communauté scientifique, de continuer dans cette voie de recherche à l’intérieur de ce cadre. Mais ce consensus, érigé sous la pression économique et politique, n’en demeure pas moins très fragile dans ses fondements, car éludant tout questionnement sur la technique elle-même, contrairement aux recommandations effectuées dès 1975 aux Etats-Unis par plusieurs scientifiques de renom, lors de la conférence d’Asilomar sur l’ADN recombinant. Cette position, assez incroyable d’anti-scientificité et contraire à toute prévention sur la question, est aussi celle du directeur de l’INRA Georges Pelletier qui, sur la question de la recherche concernant la dangerosité et les risques des plants génétiquement modifiés (PGM), interroge : « Et on continue aujourd’hui encore à les chercher –est-ce bien nécessaire ? »
Un best of d’arguments tous plus infondés et superficiels les uns que les autres
Le compte-rendu de la table ronde d’information sur les OGM de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire montre bien le niveau non scientifique et non transdisciplinaire, dans lequel s’est déroulé le débat sur les OGM au niveau des instances décisionnelles. Quelques citations prises au hasard du texte sont assez interpellantes et méritent quelques commentaires :
*Marc Fellous président de la Commission du Génie Biomoléculaire (CGB) affirmait lors de la table ronde : « Qu’est-ce que le gène ? C’est tout d’abord un promoteur, en quelque sorte le point de démarrage de la lecture. Vous avez ensuite un élément de régulation en fonction duquel le gène s’exprimera plus ou moins. C’est ainsi qu’a été modifié le régulateur dans un riz pour que la vitamine A s’exprime davantage. »
Anti-OGM.info : La définition ici délivrée par Marc Fellous n’a rien à voir avec le gène : c’est celle d’un transgène, c’est-à-dire d’un insert biosynthétique, artificiellement construit pour opérer la manipulation génétique. Le fonctionnement génétique d’un organisme ne peut se réduite à l’activité d’un gène, car l’ADN représente un réseau génétique complexe (cf les publications de recherche du projet ENCODE sur le génome humain de 2007).
*Bernard Debré, membre du comité consultatif national d’éthique (CCNE) déclarait : « les hommes étaient eux-mêmes des OGM en raison de leur adaptabilité au milieu, laquelle a pris des milliers d’années. »
Anti-OGM.info : Bernard Debré semble n’avoir aucune connaissance de la technique à l’origine de l’obtention des OGM pour dire une bêtise pareille. Pour sa gouverne, voici un résumé pédagogique de la technique de l’ADN recombinant, à la base de la technique dénommée (à tort ou à raison) : « transgénèse ».
*Jean-Yves Le Déault : « il n’y a pas un OGM, mais autant d’OGM qu’il y a de transformations possibles. C’est d’ailleurs ce qui implique de travailler au cas par cas, comme pour le Monsanto 810 »
Anti-OGM.info : Monsieur Le Déault semble ne pas avoir idée de ce qu’est un principe catégoriel : le fait qu’il y ait plusieurs classes d’OGM implique en toute logique de définir les classes de ces transformations, et non de raisonner sur les objets de ces classes de transformation. Raisonner au cas par cas n’est donc pas raisonner sur le mon810, le mon863 ou le nouveau maïs Delicious TM de chez Monsanto -tous ces objets appartiennent à la même classe, celle des OGM agricoles-, mais tout d’abord et avant toute chose, définir et questionner les classes de ces transformations.
*En matière de santé et de risque sanitaire, Christian Ménard déclarait : « les États-Unis ont un recul de dix à quinze ans ».
Anti-OGM.info : Aux Etats-Unis, depuis un réglement institué par la FDA en 1992, sous la présidence de Georges Bush Senior, aucune distinction n’est effectuée entre aliments de consommation GM et aliments de consommation non GM : il est donc strictement impossible d’effectuer quelque observation que ce soit, ou de tirer quelque conclustion valide que ce soit au niveau scientifique par rapport à l’impact des OGM alimentaires dans la consommation animale ou humaine pendant cette période.
*André Chassaigne, initiateur du très médiatisé amendement 252, et promu par les journalistes comme l’un des plus fervents personnages anti-ogm de l’opposition, déclaraient être « convaincu de la nécessité des essais en plein champ afin que la recherche soit exhaustive. »
Anti-OGM.info : Mais quelle recherche demande monsieur Chassaigne ? Dépenser tout l’argent des laboratoires et faire perdre le temps et l’énergie des chercheurs pour le contrôle d’applications commerciales d’intérêts privés ? C’est assurément une drôle de conception de la recherche scientifique, que celle qui entend uniquement se consacrer au service après-vente de produits finis, dénommé de manière très chevaleresque mais trompeuse : « biovigilance ».
*Jacques Lamblin, évoque quant à lui "le côté irrationnel de la situation : l’homme accepte les organismes génétiquement modifiés lorsqu’il s’agit de médicament, mais pas lorsqu’il s’agit de plantes."
Anti-OGM.info : Des plantes, des animaux génétiquement modifiés, en tant qu’organismes à part entière, n’ont rien à voir avec la synthèse de molécules issus d’OGM, qui se fait en laboratoire depuis des décennies. Un médicament issu de la biotechnologie n’est pas un OGM, ce que ne semble pas avoir bien compris ce monsieur.
Il serait très long de revenir sur toutes les paroles de tous nos élus politiques sur la question des OGM, tant les avis divergent, présentant souvent des arguments sans fondement, dignes de la croyance. Alors qu’en mai 2008, se construit l’idée au sein des instances décisionnelles qu’il est interdit d’interdire les OGM agricoles, laissons pour conclure cet article, la parole à Bernard Accoyer, député favorable à la dissémination de ces technologies, et actuel Président de l’Assemblée Nationale, dont les arguments sur la question en ce qui concerne l’agriculture mondiale sont très proches de ceux de l’actuel Président des Etats-Unis, George Walker Bush, dont la politique sur ce sujet est très explicite :
« La science, tout comme les arts et les lettres, a élevé l’homme, elle l’a sorti de l’état de nature pour le faire naître à l’état de culture. Ne sombrons pas dans l’ignorance et l’obscurantisme. Ne faisons pas nôtre cette dangereuse croyance selon laquelle pour avoir mangé le fruit de la connaissance nous serions passés de l’état de grâce à l’état de pollution. Restons les enfants de Galilée, les enfants de Pasteur. Soyons à la hauteur de leur précieux héritage. Ce n’est que dans cet esprit, ouverts à l’autre et guidés par la recherche de la vérité, loin des anathèmes, des tabous, des tyrannies idéologiques, que nous pourrons relever ces défis. »
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