Il n’y a plus de travail, de retraite, de soins. Votez FN puisque le pacte républicain est rompu !
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Il fut un temps, pas si reculé, où par on ne sait quel miracle social, moral, politique, industriel et conjoncturel, les pays avancés parvenaient à intégrer presque toute la population en élevant son niveau de vie. Cette période a été appelée les Trente glorieuses, appellation trompeuse car on ne voit pas trop de gloire ni d’héroïsme mais plutôt une sorte de conjonction qui ne reviendra plus, avec des pays avancés ne subissant pas la concurrence, une profusion d’emplois disponibles et un monde à bâtir et à équiper. Les ouvriers ont vu leur niveau de vie s’améliorer considérablement. Aux Etats-Unis, les familles composées d’un travailleur dans l’industrie et d’une employée de bureau accédaient à un pavillon et pouvaient même offrir à leur progéniture une automobile pour aller s’encanailler au ciné drive ou bien aller squatter le festival de Woodstock. J’ai le souvenir d’avoir pris en stop (ça se faisait beaucoup à l’époque) un jeune de Saint Etienne qui me raconta un peu de sa vie. Ses parents, tous deux ouvriers, étaient devenus propriétaires et avaient même acheté un T2 du côté de la Grande Motte pour les vacances. Ce processus d’ascension sociale s’explique très bien et je n’ai pas l’intention de me substituer aux sociologues patentés. Ni d’ailleurs pour expliquer la suite qui arrive. Car 1980, le rideau est tombé. Déjà deux « chocs pétroliers » et la rigueur de Raymond pendant un été 76 caniculaire.
Entre 1980 et 2010, le modèle de l’ascension social s’est effrité. Le pacte républicain est pour ainsi dire déchiré. Juste quelques éléments pour aider à comprendre. La technique est inversée, elle « bouffe » nos énergies et notre argent. La morale s’est estompée. La politique a perdu de vue le pacte républicain. L’économie est globalisée. C’est simple, les facteurs vertueux et complémentaires des Trente glorieuses se sont inversés, d’où le constat qui va suivre.
I. Plus de travail. Ce constat ne signifie pas que le travail a disparu mais qu’il n’y a plus assez d’emploi pour absorber les chômeurs, qu’ils soient jeunes ou vieux. Les écarts de revenu et de situation se sont aggravés progressivement pour atteindre des niveaux insupportables. Parmi les trentenaires, une partie s’en sort (cadres, professions libérales, fonctionnaires) alors que d’autres n’ont enchaîné que périodes de stage, de chômage, de formation et de CDD. Il y a des écarts énormes dans le départ de la vie professionnelle et vers 50 ans, les écarts se sont accentués. On peut raisonnablement penser qu’il n’y a plus de travail. Et la globalisation ne va pas arranger l’affaire, pas plus que la technique et la bureaucratie européenne. Les pays de l’Europe ont créé un véritable boulet qui s’appelle commission européenne et qui en plus coûte de l’argent. Le chômage massif a une cause structurelle. Il ne pourra pas être résorbé en l’état actuel du système.
II. Plus de retraites. Le gouvernement peut s’afficher socialiste sans que ses membres ne soient saisis d’un quelconque remord ou plus sérieusement, d’un fou rire, en annonçant que la piste des 44 ans de cotisation est envisagée comme étant juste et équitable. Pour un taux plein à 62 ans, il faut commencer à travailler à 18 ans. Et ne pas connaître le chômage durable. La mesure la moins injuste aurait été de repousser l’âge de la retraite, à 63 ou 64. D’ailleurs, les Français qui parfois sont moins cons qu’on ne l’admet iraient dans cette voie. Néanmoins, on peut comprendre le choix du gouvernement car reculer l’âge de la retraite risque de créer un embouteillage pour l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi. Vous avez donc compris. Quand François Hollande parle de chercher la réforme la plus juste possible, il faut traduire par : qu’est-il préférable de sacrifier, l’entrée dans la vie active des jeunes ou alors les pensions de retraite ? Parce c’est ça qui nous pend au nez. C’est fini l’époque où le contrat social(iste) se signe avec des clauses cachées. Augmenter la durée de cotisation, c’est réduire, pour ceux qui n’auront pas assez d’annuités (et dieu sait si leur nombre va augmenter, avec les anciens d’Arcelor, de Virgin, de Petit-Couronne, de Continental, de la Fnac…) le montant des pensions. Cette politique a un principe, celui du sacrifice et du délestage.
III. Plus de soins. Là aussi, il faut lire en filigrane ce qui se trame derrière cette terrible sentence. La Sécu tient encore et on peut se faire soigner. Sauf que cet accès aux soins est très inégal et que de plus en plus de Français sont obligés de reporter voire d’annuler des soins. Ces faits concernent notamment les soins dentaires, la correction visuelle et sans doute, selon les situations, des soins allant de la simple visite chez le médecin généraliste jusqu’à une opération. Faut-il rappeler que les soins ne sont pas remboursés à 100 %, excepté les cas prévus au titre des ALD, affections de longue durée, ou alors avec une mutuelle mais sachez que des millions de Français n’ont pas de mutuelle. Exemple, une couronne dentaire vous en coûtera entre 400 et 500 euros alors que la Sécu ne rembourse que sur la base de 107 euros, tarif de base auquel vous devez soustraire 30 %. Pour les lunettes de correction, la situation prêterait à rire si elle n’avait pas de si funestes conséquences. Pour des corrections moyennes ou fortes, le tarif sécu de base va de 2 à 4 euros par verre (retranchez en plus 40%). Demandez à votre opticien si un fabriquant peut fournir à ce prix un verre classique, corrigeant astigmatisme et myopie à 7 dioptries. Même pas en Chine ce serait possible. Je n’ose même pas évoquer le remboursement de la monture. Oui, car il faut bien une monture sinon les verres correctifs, ça ne sert à rien. Le tarif n’a pas changé depuis quarante ans. C’est 2.85 euros et au final, un peu moins de deux euros pris en charge par la sécu.
Néanmoins, comme le clament dans la pub les mutuelles, vous n’avez rien à débourser, même pour des verres progressifs, tout aussi progressifs que les tarifs des lunettes et le prix des mutuelles. Selon votre âge, il vous en coûtera entre 60 et 120 euros par mois pour une mutuelle. Faites le calcul, ce n’est pas avantageux sauf si votre boîte en paye la moitié. Ce qui crée des inégalités. Madame ou Monsieur qui travaille et dispose d’une mutuelle peut changer tous les deux ans sa paire, sans rien justifier si ce n’est une ordonnance, même si sa vue n’a pas changé. Et choisir dans les produits griffés, avec même une paire offerte pour le fun. Tchin tchin, les opticiens se réjouissent et les recalés du système trinquent. Ceux qui n’ont pas de mutuelle peinent à acheter une paire qui elle, s’avère nécessaire. Un conseil pour ceux qui n’ont pas de mutuelle, négociez 25 % sur les verres et la monture, un opticien sérieux vous l’accordera au vu des marges. Pour une opération chirurgicale, c’est pareil, parfois 500 voire 1000 euros ou plus de dépassement, avec une mise doublée car il y a le chirurgien et l’anesthésiste. Le forfait hospitalier, une paille à côté ! Après, vous pouvez toujours tenter l’Inde. Même avec le voyage et l’hébergement, vous rentrez dans vos frais. Soyez quand même prévoyant, si vous clamsez sur place, le rapatriement de la dépouille est hors de prix et n’est pas remboursé par la sécu alors pensez à vos héritiers. Cela dit, la question des mutuelles se pose et il faudra bien un jour songer à supprimer ces officines qui ont favorisé le dévoiement du système de santé et vivent le dos des assurés avec des tâches non pas médicales mais bureaucratiques.
On ne peut plus se mentir, sauf quand on dîne en ville entre journalistes parisiens et élus de la république. L’accès au travail, à la retraite décente, aux soins nécessaires, n’est plus assuré pour une bonne minorité de la population française, autrement dit autour de dix millions d’âmes. Les solutions tirées d’une boîte de bricolage ne peuvent pas fonctionner. Sans changement radical du contrat social, il n’y aura point de salut. Car pour l’instant, le pacte républicain se déchire et pour un nombre croissant de Français, le pacte républicain est rompu. On se demande ce que deviendra une société si des millions d’individus pensent qu’il n’y a plus de pacte et que la société n’est pas pour eux. Nous sommes entrés depuis plus d’une décennie dans une zone périlleuse. La rupture du pacte républicain ne se résume pas à ce théâtre de petites affaires de fraude fiscale et autres arbitrages douteux qu’on veut bien nous faire croire comme explication du vote FN. C’est la société entière qui se fracture. Les élus pratiquent souvent le déni. Mais l’affairement des gouvernants du G8 sur l’évasion fiscale traduit une prise de conscience de la gravité de la situation.
Finalement, le vote FN pourrait devenir la seule solution pour les recalés du pacte républicain. Oui je sais, ce n’est pas correct mais comme ni le PS ni l’UMP n’ont pris les mesures radicales pour restaurer le pacte républicain et ont même aggravé la situation, alors il n’y a pas d’autres solution que de faire honte à la politique française en votant FN, non pas par espoir mais par la volonté de faire entendre un sentiment de désespoir et de colère. Surtout contre ces élus, ces intellocrates et ces gouvernants qui pratiquent le déni et vivent à l’écart des gens. Un remake du 21 avril 2002, ça pourrait faire du bruit. Au cas où les citoyens voudraient changer le pacte, le vote FN peut-être utile du point de vue stratégique car il met la « pression démocratique » sur des dirigeants pour l’instant sourds et enfermés dans le déni. Rendez-vous en avril 2017.
Les verrous idéologiques sautent. Le vote FN n’est plus une faute morale. Il est même devenu un outil stratégique pour les vrais démocrates. La fin justifie les moyens. Ce sujet aurait pu être proposé au bac philo, tant il est d’actualité. Et puis ce n’est pas en considérant les sympathisants du FN comme des malades qu’on fait avancer la société, n’est-ce pas Monsieur Stiegler ? Dans les rouages du pouvoir n’il y a-t-il point d’autres malades, des fous, des pervers narcissiques ? Ce sont peut-être ces « malades du pouvoir » qui vous assurent un confort matériel Monsieur Stiegler, alors on comprend pourquoi vous êtes si docile pour jouer les mercenaires d’un moralisme républicain qui est devenu impossible parce que le pacte républicain est rompu. Il n’y a aucune honte ni crainte à voter pour le FN. Peut-être devrais-je songer à m’adresser à François Hollande pour lui expliquer la situation depuis la France qui bien que profonde pourrait s’avérer être plus éclairée que les salons élyséens enfumés depuis des lustres.
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