Il y a du JJSS chez François Bayrou
Jean-Jacques Servan Schreiber avait une culture scientifique (Polytechnique), François Bayrou est un littéraire (professeur de lettres classiques) mais ils ont des points communs.
Après avoir réussi un score très honorable au premier tour des élections présidentielles, soit 18%, avoir tenu la vedette de la première semaine du second tour avec le débat avec Ségolène Royal, François Bayrou connaît un revers avec ses députés et plus généralement ses élus. Il avait été clair, il voulait changer la politique, ne pas entrer dans l’éternel combat des blocs de gauche et de droite. Il avait déjà amorcé ce « combat » en votant la motion de censure. Les électeurs étaient donc là, les élus aussi. Dans la logique de cette nouvelle politique, il ne donne pas de consigne de vote et exprime qu’à titre personnel, il ne sait pas comment il votera mais qu’il savait déjà pour qui il ne votera pas. Les élus prennent peur, Gilles de Robien, seul ministre UDF, lance une croisade anti-Bayrou. A la veille de créer le Mouvement démocrate, François Bayrou est quasiment seul.
Il a peu de chance de pouvoir créer un groupe parlementaire car 18% de voix ne veut pas dire 18% des députés de l’hémicycle. Les sondages connus à ce jour fixent à 15% les voix de l’UDF - que veut dire UDF aujourd’hui ? Tout cela me rappelle Jean-Jacques Servan Schreiber : homme politique visionnaire qui après avoir écrit avec Michel Albert, le Manifeste radical, prend la tête du plus vieux parti politique de France - le parti radical socialiste, plus communément appelé le parti valoisien (le siège est place de Valois à Paris). Ce Manifeste était « révolutionnaire », il voulait vaincre la fatalité, lutter contre l’archaïsme de l’Etat, le manque de dialogue social, il prônait un système éducatif obligatoire pour tous les enfants dès deux ans, un pouvoir régional fort, dans l’entreprise le pouvoir au management et non plus aux détenteurs de capitaux. Après une élection brillante comme député de Nancy, il créait avec Jean Lecanuet en 1973, le Mouvement réformateur : marier les anticléricaux rad-soc avec la fine fleur de la démocratie chrétienne française, quel défi ! Aux législatives des candidats dudit Mouvement réformateur dans un grand nombre de circonscriptions et puis la chute, la discorde et la fin du mouvement.
Lorsque je dis "il y a du JJSS chez François Bayrou", ce n’est pas pour faire un parallèle entre le Mouvement réformateur et le Mouvement démocrate (quoique !) mais ce sont leurs personnalités. Des talents personnels forts, du charisme, des visionnaires mais une grande solitude dans le pouvoir, désarmant les plus fidèles des fidèles. Ce refus d’expliquer sa vison : JJSS avait un grand slogan sur les sujets politiques : la France sera réformatrice ou ne sera pas. Dans leurs discours publics, ils sont pédagogues, François Bayrou a incontestablement gardé un ton professoral mais cette même pédagogie est parfois omise dans le dialogue avec les proches collaborateurs.
Il faut suivre, il faut les suivre. Beaucoup d’élus expliquent leur désarroi de la stratégie entre les deux tours, comme s’il y avait eu un manque de communication. JJSS attirait par Giscard d’Estaing mais furtif ministre de Mitterand car inflexible sur les essais nucléaires. Ce ne sont pas des contradictions, des changements irrationnels de cap - ce sont des personnages qui pensent plus vite que leur entourage, qui ont une vison à trop long terme. En fait, François Bayrou vit déjà en 2012 et fait campagne comme on le fera en 2012. Entre-temps, il y a les législatives ?
Il y a vraiment quelque chose de JJSS en François Bayrou.
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