Indignés contre la corruption
Le mouvement "Occupons Wall-Street" prend de l'ampleur : "Nous sommes les 99% qui ne tolèreront plus longtemps la cupidité et la corruption du 1% restant", peut-on lire sur leur site.
Ils rejoignent en cela le mouvement des Indignés espagnols qui avaient mis en tête de leurs revendications l'élimination des privilèges de la classe politique et l'imprescriptibilité des délits de corruption
Ces mouvements témoignent d'une forte sensibilité des citoyens à la corruption, qui s'est déjà manifesté dans bien d'autres circonstances.
Dans les contextes politiques les plus difficiles, les peuples ont su réagir. Le Brésil a destitué pour corruption le président Collor de Mello, le Pérou a poursuivi et condamné le président Fujimori, le Costa Rica le président Miguel Angel Rodriguez, la Thaïlande le président Thaksin Shinawatra. Trois présidents ont été poursuivis pour corruption en Corée du Sud, dont deux ont été condamnés. Une partie des fonds Marcos (Philippines), Abacha (Nigéria), Salinas (Mexique) ont été récupérés. La corruption a été un facteur important de mobilisation contre les présidents Ben Ali et Moubarak en Egypte, jusqu'à leur chute.
Et l'activisme anti-corruption se développe. En Inde, Anna Hazare a entamé cet été une grève de la faim afin que le gouvernement promulgue des lois anti-corruption efficaces. Il a suscité un mouvement de masse qui s'est achevé par une triomphe en août dernier.
En septembre, des marches contre la corruption ont eu lieu au Brésil, contraignant quatre ministres soupçonnés de corruption à démissionner. Ces marches avaient le soutien de la Confédération nationale des évêques du Brésil, de l’Ordre des avocats du Brésil et de l’Association brésilienne de presse (ABI), trois entités qui avaient montré leur engagement civique dans la lutte contre la dictature militaire (1964-1985).
L'Europe aussi est concernée. En 2009, d'importantes manifestations de rue avaient été organisées à Valence, en Espagne, pour protester contre la corruption du gouvernement de la Communauté autonome. Celui-ci a démissionné en juillet 2011.
La protestation peut aussi prendre d'autres aspects. En Italie, cela faisait 16 ans que le quorum n'avait pas été atteint pour organiser un référendum. En juin dernier, ce fut le cas et environ 90% des Italiens ont rejeté la loi "d'empêchement légitime" permettant au président du conseil de refuser de se présenter en justice. Ils ont également rejeté l'ouverture au privé de la gestion et de la distribution de l'eau.
De même, les citoyens islandais ont refusé en 2010, par référendum, de payer le prix des fautes d'une banque, qui, après avoir proposé des rémunérations considérables des fonds prêtés, avait fait faillite.
En France, l'association CCFD-Terre solidaire, relaxée le 30 septembre dans la plainte en diffamation déposée par un dictateur africain corrompu, observe une montée en puissance de la mobilisation citoyenne : 450000 personnes se sont jointes sur Internet à la campagne : "Stop paradis fiscaux".
D'autres associations prennent les armes du droit face à l'inaction d'un parquet aux ordres du pouvoir en place. Sherpa et Transparence International ont ainsi permis des enquêtes sur les "biens mal acquis" de dirigeants africains manifestement corrompus. Les premières saisies, encore très modestes, viennent d'avoir lieu.
Dans le procès de Jacques Chirac, le parquet s'est ridiculisé en demandant la relaxe de tous les prévenus. Cette attitude a donné à l'association Anticor, qui avait demandé à se constituer partie civile, un succès d'estime qui s'est confirmé par un record d'adhésions.
Pierre Lascoumes, universitaire connu pour ses travaux sur la lutte contre la corruption considère qu'on ne peut désormais s'en remettre à la seule représentation parlementaire. Il appelle à constituer des Etats généraux de la probité publique, et à organiser une délibération publique par étapes, sur le modèles de conférences de citoyens. Il en espère un consensus sur des mesures à prendre et un nouveau rapport de forces pour contraindre le législateur.
Des liens internationaux se construisent sur le plan européen, à partir notamment du réseau FLARE. Libera, membre du réseau pour l'Italie, a obtenu l'adoption d'une loi pour restituer à la société civile les biens mafieux saisis (autrefois mis aux enchères, ils étaient vendus à des prête-noms).
Ce mouvement est embryonnaire à l'échelle mondiale, où l'Alliance des ONG contre la corruption doit encore s'appuyer sur l'ONU. Cependant, ces initiatives donnent toute leur importance à l'universalisme des droits de l'homme pour lutter contre les abus.
En effet, comme le rappelle l'introduction de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, le mépris des droits de l'homme est la cause de la corruption des gouvernements. Face à ce mépris, l'article II de la Déclaration rappelle que la résistance à l'oppression demeure un droit naturel et imprescriptible. Tout pouvoir ne vit que de ceux qui s'y résignent. L'esprit de corruption tire sa force de la résignation, de l'indifférence, de la soumission... Mais il arrive que le pouvoir se délite par ses abus et que le peuple se refuse à l'oligarchie corrompue.
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