Interview de Ségolène Royal
Plusieurs
discussions avec Ségolène Royal ou son entourage nous ont amené, la
semaine dernière, à convenir d’un passage, ce jeudi matin, dans les
studios de RTL, de la candidate à l’investiture du Parti socialiste.
Nous avions également évoqué la possibilité d’un dialogue avec les
auditeurs, entre 8h30 et 8h50. Des contraintes d’agenda semblaient
rendre la chose difficile. Et puis ce matin, avant d’entrer dans le
studio, Ségolène Royal a demandé à l’un de ses accompagnateurs de
vérifier la possibilité de décaler quelques rendez-vous. Ainsi, juste
avant d’entamer notre dialogue, elle m’a indiqué qu’elle était
disponible pour rester plus longtemps qu’elle ne l’avait prévu afin de
pouvoir dialoguer avec des auditeurs de RTL.
Je lis, dans l’espace
de commentaires, quelques critiques à ce propos. Je les enregistre à
défaut de les partager. Dans un pays démocratique, organiser la
possibilité d’un dialogue direct entre des citoyens et ceux qui
postulent à de hautes fonctions, même si ce dialogue est imparfait
et parfois réducteur, me semble à la fois utile et nécessaire.
Notre dialogue a d’abord porté sur la réforme des retraites. Chacun sait qu’elle est, à nouveau, inéluctable. Chacun sait aussi que les prévisions financières obligeront, cette fois, à tout mettre sur la table.
Ségolène Royal n’a pas abordé de front la question posée sur les régimes spéciaux, mais sa réponse indique tout de même que le statut quo lui paraît complexe. Certes, il était de bonne guerre pour elle de commencer par attaquer François Fillon et de noter que la majorité n’avait pas apporté de réponse au problème. Dans le même esprit, elle a emprunté ce chemin obligé qui consiste à mettre en garde ceux qui dressent l’une contre l’autre diverses catégories de salariés. Hier, Dominique de Villepin a dit la même chose.
En même temps, elle a évoqué la nécessité d’une harmonisation des différents régimes de retraite. Décodé, ceci veut dire qu’au moment où il faudra demander, pire, faire accepter, des sacrifices supplémentaires, cela ne pourra se faire qu’à partir d’une situation relativement égalitaire dans la répartition des charges et des sacrifices. La prudence de la formulation, que Ségolène Royal elle-même n’a pas observée sur d’autres dossiers, ne doit pas cacher, m’a-t-il semblé, la logique de sa réflexion.
Certains, dans l’espace de commentaires, critiquent mes questions sur le sujet et les jugent illégitimes de la part d’un journaliste qui, lui-même, jouit d’un avantage fiscal, un peu plus de 7000 euros étant déduits des revenus avant déclaration.
Cet avantage est historique. Je n’ai pas milité pour l’obtenir. Je ne me battrai pas pour le conserver. Il a été beaucoup réduit durant ces dix dernières années. Sa suppression totale n’a pas été opérée, notamment pour ne pas pénaliser des journalistes qui, travaillant hors des rédactions, on les appelle des pigistes, financent parfois eux mêmes les frais qu’occasionnent leurs travaux professionnels. Il faudrait donc trier entre les journalistes, les salariés et les autres, ce qui n’est pas fait pour l’instant. Ceci est une réponse sur le plan des principes. Sur celui des sommes en jeu, nous parlons de quelques piècettes au regard des 37 milliards d’euros nécessaires pour tenter de redonner quelques couleurs à la Sécurité sociale. Mais comment vivre harmonieusement une vie collective sans partir des principes, et sans marquer la volonté de les respecter ?
La deuxième partie de notre dialogue avec Ségolène Royal a porté sur le Parti socialiste.
Lionel Jospin tente de faire mûrir sa décision de se porter ou non candidat en recevant notamment tous les postulants du Parti socialiste, ainsi que son premier secrétaire. Bizarrerie : il n’a pas reçu, ou chercher à rencontrer Ségolène Royal. Elle-même l’a confirmé ce matin. Pourquoi ? Mépris de sa part ? Hostilité à ce qu’elle est ou à ce qu’elle représente ? Ségolène Royal certifie ne pas avoir la réponse et renvoie au principal intéressé pour en savoir davantage. Cela tombe bien : Lionel Jospin sera l’invité du Grand Jury, dimanche.
Sans préjuger de ce que dira l’ancien premier ministre, on peut tout de même noter l’étrangeté de cette situation. Parler avec tout le monde sauf avec Ségolène Royal quand on est un dirigeant socialiste, cela suggère que les sentiments l’emportent sur la raison. Voilà, pour le moins, une manière périlleuse de faire de la politique, à un moment où toute la lucidité doit être rassemblée pour gérer les évènements.
J’ai
aussi interrogé Ségolène Royal sur son éventuelle protection policière.
Des images l’ont montrée, le 20 août, à Frangy-en-Bresse, au milieu
d’une foule qui lui était acquise mais qui, par sa masse et ses
mouvements, pouvait représenter un péril pour sa sécurité.
L’entartage
dont elle a été victime, en juin, à La Rochelle, a aussi montré que
quelqu’un animé d’intentions malveillantes pouvait facilement passer à
l’acte. Bref, prenant en compte ce qu’elle est devenue, et qui a
surpris tout le monde dans cette société rigide où il est rare que les
gens sortent des cases qui leur sont assignées, il serait légitime que
la puissance publique lui offre une protection qui lui permette de
poursuivre son travail dans une sécurité qui aujourd’hui ne semble pas
acquise.
Ségolène Royal n’a pas voulu répondre à la question, jugeant qu’une communication sur le sujet desservirait ses intérêts.
Il y a ainsi des moments d’une vie publique où ceux qui s’engagent représentent tout à coup tant de choses qu’ils se trouvent dépassés dans leur propre vie par leur volonté de partiticiper à l’écriture de l’histoire.
Photo AFP
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