Je vote inutile, je vote Hollande, je vote sans espérance
C’est le moment de vérité. Dans l’isoloir de mon écran, face au lecteur, je confesse mes intimes convictions politiques et suis venu vous dire, non pas que je m’en vais, mais que je vote inutile. Contrairement à la vulgate politicienne orthodoxe, ce vote inutile sera bien accordé à François Hollande. En vérité, je pense que tous les votes sont inutiles et même que certains sont néfastes pour le pays. Mais parmi les votes inutiles, le meilleur choix est selon moi François Hollande. Un candidat dont je ne prends même plus la peine d’écouter les propositions et les bonnes paroles. Le choix est fait et la campagne est pliée. Aucun intérêt à suivre les meetings, passer son temps derrière le poste de télé ou le transistor. C’est juste un oral où chacun modèle son image et façonne l’opinion pour l’incliner à voter dans le bon sens. Un candidat, c’est un bon commercial. Il vous convainc de lui accorder un suffrage comme un vendeur vous persuade d’acheter une auto ou un écran plat, en vantant les équipements, les gadgets. Et comme il est d’usage dans la profession, vendre un produit nécessite souvent de dénigrer la concurrence. Les phrases ironiques ou assassinent fusent mais c’est la démocratie. Rien n’impose une quelconque excellence à la vie démocratique. Strauss nous dirait que c’est un trait moderne, lié à la distinction des faits et des valeurs. Néanmoins, il n’est pas besoin d’étudier les savantes pensées philosophiques pour comprendre ce qui pose problème dans ces élections.
Progressons pas à pas. D’abord, la forme. Des mesures, des chiffres, des calculs et des disputes sur les chiffrages dont personne ne peut garantir la pertinence car comme on le sait depuis des années, tout dépend de la croissance. Hélas, la dominante chiffrée des débats politiques traduit la présence d’un ressort devenu essentiel et ce, de plus en plus. Ce ressort c’est l’argent. Les Français s’intéressent à leurs sous et les politiciens qui s’intéressent aux voix doivent se préoccuper des sous, ceux qui vont dans les services publics et ceux qui finissent dans la poche des citoyens. Bien souvent, les petites mesures ne représentent que de l’argent de poche. Dans une famille, c’est le chef, en général le père, qui distribue l’argent de poche aux enfants. Dans un pays, le plus habilité à parler d’argent de poche, c’est le petit père de la nation, le président en place. Les candidats demandent aux Français d’examiner des comptes publics prévisionnels que même les experts ne peuvent évaluer. Et ce n’est pas vraiment le but d’une élection. Certes, les candidats aux comptes fantaisistes doivent être rejetés mais pour le reste, on n’ira pas prendre une calculette avant de passer dans l’isoloir.
Pourquoi au fait cette tournure ennuyeuse prise par la campagne électorale en 2012 ? Eh bien pour une raison dominante, la dette. On en revient toujours aux comptes publics qui ne laissent aucune marge de manœuvre pour budgétiser un grand dessein. Cela étant établi, on peut progresser au stade suivant du raisonnement. Pour faire espérer et proposer un nouveau dessein à la France, il faudrait ou bien un chambardement de la finance et de la fiscalité, ou bien inventer un projet inédit qui ne repose pas sur une augmentation des coûts publics. Ce n’est pas impossible mais peu accessible au vu de l’idéologie régnante. Parmi les Français disposant de revenus corrects, peu conçoivent l’invention d’une vie meilleure en dépensant la même somme. Le terrain socio-idéologique est ouvert pour le petit père de la nation et son thème de campagne sur le pouvoir d’achat, seul rêve du Français moyen. Il eut fallu dire, le terrain était ouvert, en 2007, mais plus en 2012. Les candidats savent bien quelles sont les limites économiques qui réduisent d’autant leurs promesses de campagne et ça les agace et c’est pour cette raison qu’ils sont fébriles, agressifs et même parfois méchants. Les Français qui aiment le petit père devraient se méfier. Quand un père devient méchant et nerveux, ce n’est jamais un signe encourageant.
La France politique de 2012 ressemble à un quadrimoteur. A gauche, un puissant moteur, le PS, et un moteur d’appoint, le FG. A droite, un moteur puissant, l’UMP, et un moteur d’appoint, le FN. Au centre de cette farce politicienne, il y a un type qui veut entrer dans la cabine de pilotage et veut prendre les commandes. Il s’appelle François Bayrou. Sur le tarmac, il y a une petite dame avec des lunettes rouges, elle calcule le bilan carbone de l’appareil ; elle s’appelle Eva Joly. Dans la tour de contrôle, Nicolas Dupont-Aignan essaye de modifier le plan de vol afin de ne pas survoler l’Allemagne. A gauche du quadrimoteur, on voit deux ULM qui essayent de suivre le gros avion, chacun avec un sigle, LO et NPA.
Et maintenant, que faire ? Et avant, une autre question, pourquoi en est-on arrivé là ? La France, ce pays conquérant, allant de l’avant, lancé comme une locomotive surpuissante dans la modernisation sociale et industrielle, est maintenant enlisé. Sans doute, une accumulation d’erreurs et une absence de débats philosophiques et idéologiques. Avec un consensus mou sur le modèle social qui a failli pour diverses raisons. Mauvais choix, mauvaises gestions, gaspillages, doublons, cupidité de certaines catégories de fonctionnaires, gabegie, corruption. Bref, la France a coulé son modèle social dans un environnement économique dominé lui aussi par la corruption et la cupidité. L’impasse politique dans laquelle se trouve le pays, au sein d’une Europe qui ne va pas mieux, est due à un problème de civilisation*. C’est pour cela qu’il n’y a pas de solution politique conventionnelle. La France, c’est un pays malade depuis deux à trois décennies et qui, grâce à un contexte de croissance pas trop mauvais, a pu financer des soins républicains permettant d’effectuer des corrections plus rapides que la vitesse de développement du mal social. Actuellement, le schéma semble s’équilibrer, voire s’inverser. La maladie s’étend. Alors, nous n’élirons pas un président mais un médecin chef. Qui sera politiquement inutile mais saura soigner le pays pour qu’il ne sombre pas dans les soins palliatifs. Et donc, tout vote sera forcément inutile du point de vue politique.
Alors pour bien voter, je vous suggère d’imaginer cette scène. Vous êtes atteint d’un mal étrange, pas bien identifié, avec des symptômes connus mais supposant un diagnostic précis et une thérapie très soignée avec une possible opération chirurgicale. Vous entrez dans le cabinet du médecin et vous avez en face l’un des candidats à la présidentielle. Lequel vous inspire le plus la confiance ? Bayrou, trop éthérique, Mélenchon et Sarkozy, trop nerveux, Le Pen, inquiétante, Joly, absente, alors il reste Hollande. Prêt pour entrer dans la cabine de pilotage. Bref, le médecin volant. Toujours la même comédie française depuis Molière !
* Je reproduis un commentaire de Voxien placé sur un précédent billet. Une illustration des maux contemporains en quelque sorte.
L’homme, lui même, étant une expression de la nature, cette lutte pour le contrôle de la nature inclus donc l’être vivant dans sa globalité (OGM, Homme augmenté, etc.). Pour faire accepter l’homme augmenté il faut libérer l’homme insatisfait et aux désirs illimités. Il faut que l’homme finisse par ne plus se faire confiance à lui même, il faut qu’il commence à se soupçonner en personne, il faut qu’il finisse part avoir peur de lui même comme il a peur de la nature. La confiance sociale souffre, il ne reste plus que la confiance individuelle qui est facile à éliminer. L’artificialisation (comprise la déshumanisation) est le projet directeur scientifique implicite du progrès technique. Comme dit par Epicure, l’homme (l’individu), dans l’hibris et l’insatisfaction permanente, se rendra compte de son impuissance parce qu’il n’arrive pas à maîtriser ses pulsions, ses envies et ses désirs. Ceci est du sans doute au fait qu’il commence à ignorer qu’il a les capacités de s’autolimiter. La cause en est que la société de consommation et du gaspillage fait de la sollicitation permanente
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