José Bové : « Banzaï ! »
Sarko et Ségo n’ont qu’à mieux se tenir : le moustachu du Larzac a le ventre qui le picote et annoncera le 1er février prochain son départ en fanfare. Rond ?

Grolandaises, Grolandais, vous qui vous ennuyez depuis quelques semaines déjà au spectacle navrant de la campagne présidentielle lancée comme un TGV contre une vache, vous allez enfin pouvoir chausser vos moon boots, enfiler un gros pull en laine des soldes et vous précipiter au premier troquet venu : la campagne présipautaire va démarrer le 1er février prochain avec l’apparition sur la liste des prétendants au trône du moustachu roquefortin le plus populaire de la gaulle, José Bové.
Faut-il encore présenter l’animal ? Un casier plus long que celui de Tapie, des moustaches plus bacchantes que celles de Noël Mamère, un accent d’ici, enfin de là-bas, mais un peu plus au fond, une pipe dont on aurait pu faire un chêne, un bon sens près de chez vous et des amis solidement organisés. Ces amis qui ont mis en place, il y a quelques semaines de ça, une pétition de soutien qui a rapidement recueilli plus de 15 000 signatures sur le Net. Des signataires qui ont donc emmené cet Astérix enveloppé à « sans doute » se présenter à la prochaine présidentielle.
José Bové est né au monde des médias, de la popularité et de la politique durant le mois d’août 1999, quand il eut avec ses copains de la Confédération paysanne l’étrange idée en passant par le Lot de démonter le Mac Do de Millau. Sur les ruines de ce morceau d’empire préfabriqué, les mains menottées et levées avec "bravitude" devant l’objectif des photographes qui n’en demandaient pas tant, José Bové venait d’un coup d’un seul de s’inventer un personnage, de se dessiner un costume, de s’écrire un rôle. Lui dont le père, scientifique, avait mis au point un riz transgénique à destination du tiers monde, allait devenir le pourfendeur de la « mal bouffe », le porte parole des altermondialistes, la figure de proue de cette gauche qu’on qualifie aujourd’hui d’antilibérale, et qu’on qualifiait encore alors d’ « extrême ». Bové, c’était l’ère d’avant Besancennot, avant Clémentine Autain, ces autres figures d’un monde meilleur, ou du moins différent, qui tentent aujourd’hui de s’offrir quelques suffrages.
Quelques années, quelques voyages en Amérique et quelques arrachages sauvages plus tard, José Bové n’est plus aujourd’hui le poil à gratter de cette autre gauche-là. Les organismes génétiquement modifiés, son combat d’alors, son combat d’aujourd’hui, font moins d’audience que l’autre grand enjeu qui secoue le cocotier des programmes en tout genre : l’écologie. Le Bové d’aujourd’hui s’appelle Nicolas Hulot. Il vient expliquer que les banquises fondent, que les ours blancs dérivent, que des dizaines d’espèces animales disparaissent chaque jour, que la forêt amazonienne maigrit à vue d’œil, que nos voitures nous tuent à petit feu, qu’il faut signer son pacte et le nommer vice-Premier ministre chargé de l’environnement sinon la planète est foutue. José Bové, aujourd’hui, n’a ni moustache ni pipe, il voyage en montgolfière, descend des rapides et vend du shampoing Ushuaia, a débuté chez Dorothée et emmerde les écolos de toujours, Voynet et les autres, en leur piquant la vedette à la vitesse d’un tsunami.
Mais si José Hulot ne sait pas s’il va y aller, hésite, Nicolas Bové lui, n’hésite plus. Ou le contraire. Hulot devrait se prononcer ce lundi (sans doute non) et Bové le fera dix jours avant que la reine des pommes socialistes n’annonce son redoutable programme de bataille.
José Bové et Nicolas Hulot se ressemblent. Ils ne sont pas vraiment taillés pour la politique mais ils drainent un tel courant de sympathie qu’ils en viennent à se dire que, ma foi, pourquoi pas après tout. Après tout, en effet, la politique est de plus en plus une affaire d’image, de communicants, d’effets de manche qui n’ont pour but que de se faire aimer. Et ces deux-là s’y connaissent. Malgré eux peut-être. En tout cas, ils possèdent ce que ni Royal ni Sarkozy n’ont encore acquis, et qu’ils n’obtiendront peut-être jamais : un capital populaire hors norme. Qui dit du mal de Hulot aujourd’hui, qui peut se prétendre insensible à son combat ? De la même façon, quand il lutte contre la « mal bouffe », qui peut en vouloir à José Bové, ou le contredire ? Ils n’enfoncent pas des portes ouvertes, ils mettent les gens face à des réalités incontestables. Ils leur promettent le pire. Et les moyens de l’éviter.
Les deux se ressemblent, donc, et les deux n’ont aucune chance d’être élus, un jour, président de la République. Comme Besancenot, comme Laguiller, oui, mais ces deux derniers basent leur idéologie sur des croyances passées, ou passéistes, sur des certitudes d’une autre époque, persuadés qu’on ne peut changer les choses qu’en revenant en arrière, parce qu’avant, c’est bien connu, c’était mieux. Ni Bové, ni Hulot n’attendent ni n’espèrent le grand soir. Hulot n’est pas dupe, on le lui souhaite en tout cas, des soutiens affichés aujourd’hui, mais il croit à son poste de vice-Premier ministre. On verra. Bové, lui, ne demande aucun ministère. Il offrira bien quelques meules de Roquefort à tout candidat qui osera s’afficher avec lui, mais ça en restera là. Il se lancera dans la campagne, pour s’en retirer dès qu’il sentira le vent tourner. Il n’est pas d’ici, mais un peu de Groland. De chez les saouls.
La présipauté de Groland n’existe pas, bien sûr. Ce n’est que de la poilitude potache de grandes oreilles et de cheveux gras. Mais il existe au pays du président Salengro (dont le Premier ministre répond au doux nom de Pinpin) certains accents qu’on reconnaît d’emblée, certains travers qu’on identifie sans peine. Une insolence, une liberté de ton, une légèreté grossière qui ne courent plus trop la campagne. Qui n’encombrent pas vraiment la démocratie participative. Qui ne transpirent pas l’ordre juste. Les cacahuètes luisent, le verre n’est pas très net, le rouge tache et la couille gratte, c’est pas Neuilly, c’est pas le Poitou, c’est des amis de Gustave de Kerven et le dernier bastion d’une irrévérence certaine. Qu’un citoyen de cet épicé pays ait décidé d’envoyer le bousin pour les présidentielles est une grande nouvelle, un peu de légéritude made in Groville. Banzaï !
80 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON