L’affaire Clearstream : un corbeau, des dindons de la farce et les pigeons que nous sommes !
Depuis 2004, l’affaire Clearstream nous conduit, de lettres anonymes en témoignages contradictoires, en passant par des fichiers falsifiés, à accréditer la thèse d’un règlement de comptes politiques, on devrait dire « politicien », entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin. Or, n’oublions pas l’origine première de l’affaire et cherchons vraiment à qui profite le crime... Et si le fichier des noms détenteurs des comptes avait été volontairement falsifié afin de tout simplement invalider tout le fichier, détournant l’attention des enquêteurs sur un autre mobile que le véritable ?

Récapitulons.
L’affaire est apparue au printemps 2004, alors que le juge Renaud Van Ruymbeke enquêtait depuis juin 2001 sur l’affaire des frégates de Taïwan. La signature de la vente pour 2,8 milliards de dollars US par la France (Thomson-CSF, aujourd’hui groupe Thales) de six frégates de la classe La Fayette (nom de code de l’opération : « Contrat Bravo » ), fut l’objet de plus de 500 millions de dollars US de commissions et rétro-commissions, alors qu’elles étaient contractuellement interdites (article 18 du Contrat Bravo), incitant Taïwan à engager une procédure pour se faire rembourser cette somme qui forcément avait fait gonfler le prix.
Ces commissions étant réparties entre trois réseaux (lobbying auprès de Taïwan, un autre auprès des autorités chinoises réfractaires à cette vente, et enfin en ciblant Taïwan et la France, l’homme d’affaires Edmond Kwan et Alfred Sirven, dirigeant d’Elf).
Ce sont les doutes de Thomson-CSF sur la destination des commissions versé à ce troisième réseau, soupçonné de financer le PS, qui l’ont conduit à porter plainte. Eva Joly, juge chargée de l’affaire, envoie au tribunal correctionnel, pour « abus de biens sociaux » au détriment d’Elf, Roland Dumas et son ex-amie Christine Deviers-Joncour (qui avait sa part et sur le compte de laquelle ont été payés 8,25 millions de dollars), en détournant finalement l’attention sur les frégates elles-mêmes... Eva Joly ayant reçu des menaces de morts explicites, peu avant le suicide de son mari.
500 millions de dollar ont pu être bloqués sur les 46 comptes suisses de l’intermédiaire Andrew Wang (réseau de Taïwan), mais on ne sait exactement quelles autres commissions ont été versées et sur quelles destinations. Les juges estiment qu’environ 458 millions d’euros de commissions auraient été versés à l’occasion de ce marché.
Renaud Van Ruymbeke reprend le dossier, difficile car sous le sceau du secret défense, malgré les demandes renouvelées, mais non accordées, de levée du secret sur cette affaire auprès des gouvernement successifs jusqu’en 2007.
Un ancien banquier français explique au juge Renaud Van Ruymbeke que l’argent des commissions avait dû passer par des comptes Clearstream qui auraient servi d’écran.
Le livre de Denis Robert explique déjà à l’époque (Révélation$ en 2001 et La Boîte noire en 2002) qu’il existait un système de comptes non publiés, mis en place dans les années 1970, et généralisé après son départ. Ce système de comptes, en se servant du système (légal) de compensation inter-bancaire permettant l’effacement des traces des transactions, pourrait ou aurait pu faire de Clearstream une plate-forme mondiale de l’évasion fiscale et du blanchiment d’argent.
On se souvient ensuite des deux lettres anonymes et d’un CD-Rom, envoyés au juge Renaud Van Ruymbeke en mai et juin 2004, contenant des listings de comptes chez Clearstream (affaire « Clearstream 2 »). Ces listes se sont avérées être en partie des faux, parmi les titulaires de comptes cachés, des noms de responsables politiques français y ont été glissés, dont celui de Nicolas Sarkozy (sur les pseudonymes « Stéphane Bocsa » et « Paul de Nagy » issus de l’extension de son patronyme de Nagy-Bocsa )... Or en avril 2006, les investigations judiciaires ont montré que le ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie et le ministre des Affaires étrangères de l’époque Dominique de Villepin, auraient été au courant de la circulation de ces listes falsifiées dans les milieux du renseignement avant même la réception des lettres anonymes par le juge Ruymbeke. Il apparaît aussi que Nicolas Sarkozy était au courant de l’affaire dès septembre 2004, mais a gardé le silence sans chercher à se défendre jusqu’à début 2006, vraisemblablement afin de retourner le soupçon de conspiration contre lui à son avantage, jouant sa victimisation.
Il s’en est suivi une focalisation de l’affaire sur fond de rivalité politique médiatisée, en oubliant les fameuses frégates, la menace d’amende de 600 millions de dollars sur l’Etat français, et les commissions occultes qui ont profité à on ne sait qui sous le sceau du secret défense toujours pas levé. En attendant, le juge Renaud Van Ruymbeke s’est vu retiré l’affaire. Début février 2007, le garde des Sceaux Pascal Clément a renvoyé le magistrat devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par un courrier exposant que le magistrat avait "manqué aux obligations de prudence et de rigueur", de "loyauté" et de "discrétion professionnelle".
De nombreux protagonistes ont trouvé la mort, souvent suspecte (souvent par défenestration), depuis la signature du contrat (9 à tout le moins !). Les enjeux semblent être tout autres qu’une simple bataille politicienne...
De plus, l’Etat français a dû se trouver fort embarrassé non seulement de la demande de remboursement de 600 millions de dollars de Taïwan, mais surtout car l’armée taïwanaise s’est rendu compte qu’elle n’avait pas vraiment besoin des frégates ultra sophistiquées et avait plus besoin de patrouilleurs. En 2004, la France tentait de négocier le rachat des frégates vendues en août 1991 à Taïwan en essayant de les revendre à un pays tiers (peut-être le Qatar)... L’enjeu portant sur la totalité des 2,8 milliards de dollars...
Le corbeau des lettres anonymes s’est avéré être Jean-Louis Gergorin, vice-président d’EADS, aidé par Imad Lahoud, informaticien directeur scientifique au centre de recherche d’EADS, dont le frère est Marwan Lahoud, nouveau DG d’EADS défense et sécurité.
Alors que l’on connaît les conflits au sein de l’industrie française de l’armement depuis la fusion Airbus-Matra-Dassault au sein d’EADS et les luttes d’influence des géants de l’électronique militaire Thales (ex Thomson-CSF) et Alcatel avant leur possible fusion. Au sein d’EADS (avant le récent changement de direction en 2007), deux clans issus de l’ancien groupe Matra s’affrontent : celui d’EADS animé par Philippe Camus et Jean-Louis Gergorin d’une part, celui d’Airbus dirigé par Noël Forgeard et Philippe Delmas d’autre part.
Si on cherche à qui profite le crime, on peut donc légitimement soupçonner que J. L Gergorin a voulu compromettre des concurrents génants en livrant un listing les compromettant sur l’affaire des commissions occultes (il était également obsédé par une conspiration d’un réseau international d’affairistes composé de Français, d’oligarques russes et de narcotrafiquants, menaçant notamment le groupe Lagardère et même responsable de la mort de Jean-Luc Lagardère, l’ancien patron de Matra aujourd’hui fusionné dans EADS).
On peut aussi imaginer que les personnes visées et listées sur de vrais comptes dans le listing peuvent avoir eu connaissance de la manœuvre et volontairement fait glissé d’autres noms compromettants en vue d’invalider toute la source une fois la falsification dévoilée... détournant ainsi l’attention sur une médiatisation politique impliquant Nicolas Sarkozy... Comme chacun sait, plus la farce est grosse, plus elle prend !
On peut aussi se demander si ces derniers sont complices de ce détournement médiatique, acceptant les atteintes à leur réputation en sacrifiant cette dernière sur l’autel de la raison d’Etat, de la protection des secrets défense si bien sauvegardés (ce serait peut-être ouvrir une boîte de pandore sur tous les commissionnements occultes de l’armement, le risque de voir arriver des demandes de remboursement d’autres pays, ou de voir s’écrouler un marché d’exportation jusqu’ici rentable pour la France...).
Ou bien s’ils ne sont que des pantins, les ficelles étant tirées plus par le pouvoir de grands groupes industriels, ou de réseaux internationaux d’affairistes comme le suppose J. L. Gergorin, que par un pouvoir politique devenu fantoche.
Saurons-nous un jour la vérité ?
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