L’Auguste et le clown blanc
Chaque cirque qui se respecte se doit de proposer un numéro de clown : le clown blanc, celui qui est dans les normes, rationnel, et l’Auguste, un outrancier, désordonné, qui n’en fait qu’à sa tête et qui amuse le bon peuple. vidéo
Mais les deux sont complices… dans le monde politique affligeant qui nous est proposé chaque jour, c’est le même cirque…et c’est plus grave, parce qu’involontaire…
Le numéro hilarant que nous ont proposé récemment la fille et le père Le Pen a emporté tous les suffrages.
« On fera une fournée la prochaine fois » a-t-il déclaré au sujet de Patrick Bruel, et de quelques autres. lien
Sous les applaudissements enthousiastes des médias traditionnels, lesquels n’ont cessé de nous rabâcher que « le père avait dérapé », mais que la fille « l’avait recadré », les électeurs ont avalé l’asticot avec l’hameçon. lien
En réalité, si on creuse un tout petit peu, on s’aperçoit que bien au contraire, la fille de son père n’a rien fait d’autre que d’affirmer que les médias avaient déformé les propos du père, avaient sorti une phrase de son contexte, voire avaient volé une parole qui n’était pas destinée à faire une carrière médiatique, en donnant au mot fournée un autre sens que celui voulu. lien
Le but final étant de passer un gentil message aux plus extrémistes du front…tout en tentant de rassurer une majorité de français, dans la droite ligne de cette volonté de « dédiaboliser le FN ».
En attendant un prochain numéro, les numéros de cirque ne se trouvent pas que dans ce parti, puisqu’à la lumière de l’affaire Bygmalion, l’UMP est à la limite de l’implosion, et qu’en haut lieu, on essaye de rassurer les adhérents qu’il reste à ce parti des possibilités sérieuses de redresser la barre.
On a donc l’Auguste en la personne de Copé, qui a bien amusé la galerie avec ses petits pains au chocolat… (vidéo) et le clown blanc, voire les clowns blancs et tristes Juppé et Fillon, qui clament en cœur que « tout va bien, tout est sous contrôle ».
« On est sorti de la crise » ont lancé les animateurs de l’UMP, Raffarin ajoutant avec la plus ferme conviction : « on a sauvé l’UMP »…lien
On ne demande qu’à le croire, mais la réalité est cruelle.
L’ardoise était déjà lourde, 108 millions d’euros, (lien) plombée par le non remboursement des frais de campagne, auquel s’est ajouté les frais de communication, à coup de conférences fantômes pour financer la campagne 2012 de Sarközi, facturées par Bygmalion, dirigée par un proche de Copé. lien
Après avoir kidnappé le pouvoir, en bourrant les urnes, puis accepté de le partager, tout en le gardant, Copé a bien amusé la galerie, pas dupe un seul moment, mais qui aime bien ces numéros d’équilibristes.
Quant à l’ex président, longtemps considéré par quelques observateurs comme un quasi sosie de Le Funès, (photo) il avait annoncé, après son échec, en avoir fini avec la politique, (lien) mais ne songe qu’à y revenir. lien
Avant lui, le couple Balkany, accusé, mais jamais condamné, avait proposé pendant des années un numéro de duettistes assez réussi se disant blanc comme neige, pour finalement avouer avoir fraudé le fisc. lien
Amar, Bouglione, Pinder, Fratellini, et compagnie ont du souci à se faire.
Au centre, celui qui faisait sourire avec une certaine commisération la droite et la gauche est de nouveau convoité par ceux-ci…
Il joue les vierges effarouchées sur l’air de « je ne mange pas de ce pain là ! », et affirme ne vouloir rien d’autre que gérer sa jolie ville de Pau, ville que lui a pourtant été offerte en cadeau de fiançailles l’UMP. lien
A gauche, ce n’est guère mieux.
Après la farce du premier prétendant à la tête de l’état en train de courir la soubrette, se retrouvant menottes aux poings, son successeur est pris en flagrant délit vaudevillien, casqué, roulant incognito en vespa, porteur de croissants pour la dame cachée de son cœur.
Mais depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et les numéros de cirque proposés s’accumulent.
Après le numéro hilarant d’un ministre du budget, censé traquer l’exil fiscal, et finalement dévoilé comme l’un de ceux qu’il était censé combattre, une autre affaire vient de surgir : un conseiller de François Hollande est soupçonné de fraude fiscale. lien
Il marquait à la culotte un autre conseiller, Aquilino Morelle, qui, collaborait sur la pointe des pieds avec un laboratoire pharmaceutique, alors qu’il travaillait à l’inspection générale des affaires sociales. lien
Quand l’on sait que c’est lui qui aurait rédigé le fameux discours du Bourget, dont le lyrisme, l’appel à la solidarité, au partage, avait permis l’élection du président socialiste, on ne peut que sourire, au lieu d’en pleurer.
Alors que, chômage aidant, la misère continue à grignoter la population française, le président de la république continue les manœuvres de diversion : exit le mariage pour tous, voici venu le temps de la refonte des régions.
Quelle sera la prochaine mesure présidentielle ?
Il serait bien capable d’imposer, emboitant le pas du nouveau maire de Béziers, soit un couvre feu pour les moins de 13 ans dans quelques quartiers agités, soit interdire le linge aux balcons…(lien) et peut-être même un jour, imposer une couleur identique pour tous les volets des fenêtres des habitations du pays… de quoi créer quelques emplois.
L’une des rares mesures qui pourrait « inverser la courbe du chômage » (donnée mathématiquement impossible d’après Etienne Klein), (lien) était de mettre en place la transition énergétique.
Les mois passaient et sœur Anne ne voyait rien venir… alors Hollande, jamais à court d’imagination, met son ex à la tête du ministère de l’environnement, laquelle s’empresse d’affirmer haut et fort : ça y est, la transition est en route.
Il était grand temps, 25 mois s’étaient écoulés depuis l’élection présidentielle, et le chômage continuait son inexorable chute.
Mais c’était sans compter sur les saltimbanques qui dirigent les ministères, lesquels viennent tout juste d’annoncer que la transition énergétique était remise à plus tard…2015…peut-être…lien
C’est dans la droite ligne du non cumul des mandats, tout comme la fermeture de Fessenheim, repoussées à la fin du mandat présidentiel.
Le public en redemande.
Pas étonnant dès lors que l’on puisse trouver dans le commerce du papier Q aux couleurs de notre drapeau national. photo
Alors au delà des numéros désopilants, et souvent involontaires, que nous offre chaque jour le petit monde politique, on en vient à se demander s’il ne serait pas plus productif de confier aux professionnels de la profession les rênes de tout ça ?
Fellini avait un penchant affiché pour les vrais clowns, issus de la commedia Dell’arte, Carlo et Alberto Colombaioni, et il les invitait systématiquement dans ses films.
Leur numéro sur « la reine des abeilles » n’est-il pas une critique déguisée visant le monde du pouvoir ? vidéo
En Italie, un comique professionnel, Beppe Grillo, a franchi le pas, et vient de faire une rentrée fracassante sur la scène politique avec un succès certain, en proposant aux électeurs fatigués le mouvement 5 étoiles.
En raflant 25,5% des voix en 2013, il s’enracine durablement en Italie. lien
Les nouveaux élus sont tout, sauf des politiciens, et ces « grillinis » sont évidemment regardés avec commisération, voire mépris, par les autres députés, mais ils font le job, ils sont au service de leurs électeurs.
Au programme, entre autres, faire voter une baisse drastique du revenu des hommes politiques, la participation directe des citoyens, et l’un d’eux, Luca Frusone, 27 ans, affirme « je connais le parlement mieux que ceux qui en font partie ». lien
Il n’y a pas si longtemps, un autre clown professionnel nommé Michel Colucci, Coluche pour les intimes, avait largement fait le tour de la question, se prenant au jeu en se proposant aux présidentielles, semant la panique à gauche, comme à droite…avant de renoncer : les menaces de mort et les difficultés à trouver les 500 signatures n’y étaient pas pour rien. lien
Etonnamment, il avait même prédit l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012…alors que le septennat était la règle, allant jusqu’à suggérer que Mireille Mathieu aurait soutenu le président précédent. lien
Dans un sketch, il avait clairement déterminé les contours de ce monde politique qui entend déterminer nos orientations, seulement porté par la volonté de « garder le pouvoir », et de se servir, plutôt que de se mettre au service de ceux qui l’ont élu.
Extrait : « on a les hommes politiques les plus balèzes que le monde entier nous envie, d’ailleurs ils pourraient venir les prendre, mais personne ne vient les chercher ». vidéo
Comme disait ce même Coluche, remplaçant pour une fois mon vieil ami africain : « la France va mieux… pas mieux que l’année dernière, mais mieux que l’année prochaine » ajoutant « le mois de l’année où le politicien dit le moins de conneries, c’est le mois de février… parce qu’il n’y a que 28 jours ».
L’image illustrant l’article vient de « meltybuzz.fr »
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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