L’homme qui mentait à perpète
Bon, au bout de 12 mois d’exercice, les journalistes de l’écrit en sont toujours à essayer de cerner la personnalité véritable d’un président qui prend un malin plaisir à les désarçonner et les rouler dans la farine à la première occasion, à savoir sa première conférence de presse. Ces mêmes journalistes qui ont tenté jusqu’ici de le comparer qui à Tony Blair, son nouvel ami, qui à W. Bush, qui à Silvio Berlusconi, avec lequel, c’est étrange, il ne semble pas avoir eu beaucoup d’échanges. Mais il est vrai aussi que Silvio était à la retraite il n’y a pas si longtemps... Si bien qu’on ne sait toujours pas quel est le modèle que s’est choisi notre président pour justifier sinon une politique, du moins un comportement, qui, pour l’instant, laisse plutôt pantois. George Bush, peut-être, mais ce dernier est tellement fade que ça ne cloche pas. Il se couche depuis trente ans avec les poules, qu’il y ait la guerre ou pas, nous, notre président tient jusqu’à la seconde mi-temps d’un match de rugby et fait même la java après. Nous-mêmes avons eu du mal à cerner, il faut bien l’avouer, l’animal politique qui sommeille en lui. Pour ce qui est de l’animal pur, nous laisserons les journalistes de "Voici" en parler. Difficile de lui trouver un modèle ou une personne sur laquelle il aurait pu calquer ce comportement si étrange qui ne cesse de surprendre. Et puis, finalement, au fil du temps, des interviews et des saillies de ses ministres à son égard, une idée est venue... Elle est disons en même temps très révélatrice, et en même temps très effrayante. L’homme n’est pas forcément celui qu’on voit. A l’occasion du Festival de Cannes, qui débute tout juste, la lumière est venue. Notre homme qui se prend pour un président est un acteur de cinéma, et non un président véritable. C’est aujourd’hui une évidence, et ce n’est pas Sean Penn qui va me contredire. Voyons donc à qui il ressemble...

Aldo Maccione ?
Les gens qui le croisent le plus souvent donnent pourtant de sérieuses pistes... Prenons son ex-compagne, par exemple. "Nicolas, il ne fait pas président de la République, il a un réel problème de comportement. Il faut que quelqu’un le lui dise, j’ai fait cela pendant dix-huit ans, je ne peux plus le faire, je suis désormais la dernière à pouvoir le faire." Tout le monde l’avait remarqué lors de la cérémonie d’intronisation. Sa démarche de vilain canard, cette façon de poser la main sur la première épaule au passage, ce baiser sur la bouche dont il sait aujourd’hui qu’il faisait partie d’une mise en scène, rien qui ne cloche correctement, rien qui évoque la dignité présidentielle jusque dans son allure générale. Le problème de comportement est évident, le problème de la démarche évoque lui des acteurs qui en ont fait leur image de marque. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Le Canard enchaîné qui le relevait dans un de ses numéros de janvier dernier. Un "député ami de longue date", choqué lui aussi par son attitude provocante en Egypte avec Carla, confiait alors aux journalistes présents : "on espérait avoir à l’Elysée un chef d’Etat, et on se retrouve avec Aldo Maccione"... Et celui-là, effectivement, on n’y avait pas pensé. A le voir, effectivement, il y a bien des similitudes, pourtant, dans la façon de remonter les épaules, même si "l’Aldo attitude" n’y est pas encore totalement. Et même si le Maccione de La 7e Compagnie pourrait annoncer sans fou rire l’envoi de troupes françaises en Afghanistan... Quoique je m’avance, là, avec notre ancien Brutos. Le nôtre, il faudra qu’il fasse des efforts pour emballer avec succès à la plage (en dehors de s’y balader avec Madame). Non, l’allure seule ne fait pas... le comédien. Exit Maccione. Dommage, il était très sympathique notre Aldo la classe. Plus beau que lui, on meurt.
En Bigard Gentilhomme ?
Nicolas, le Bourgeois Gentilhomme... peut-être... Il y a beaucoup de M. Jourdain chez Nicolas Sarkozy. L’époque qui le veut surtout : au temps de Molière, on se moquait des "turqueries" de Soliman le Magnifique, aujourd’hui, Nicolas collectionne les sabres d’Arabie. M. Jourdain, encore marié rêve d’épouser Dorimène comme notre non-prince divorcé sa Clara, chose faite depuis. Une Mme Jourdain qui reproche son manque de manières comme Cécilia le "comportement" de Nicolas. Un Jourdain entouré de flatteurs, presque autant qu’à la cour élyséenne (sans journalistes, remarquez, au temps de Molière, à moins qu’on ne case La Fontaine comme envoyé de Marianne). La cérémonie d’investiture de Nicolas Sarkozy ressemblant comme deux gouttes d’eau à la représentation de la pièce de Molière, une comédie-ballet... où s’est illustré récemment un des grands amis présidentiels, ce grand mystique qu’est Bigard. Un Bigard qui s’est entiché un jour de jouer du Molière, la prétention chez certains n’ayant souvent pas de limites. Une mise en scène signée Alain Sachs et c’est fait, le public vient en masse, mais les critiques l’assassinent : "Les personnages se modernisent à tour de rôle : un maître de musique gothique, un maître de danse rappeur… autant d’anachronismes qui font de ce parti pris une originalité… douteuse. Certaines scènes, comme celle du maître de philosophie, perdent tout leur sens tant Bigard et ses partenaires parasitent le jeu de l’autre dans de sempiternelles pitreries qui ne réussissent guère plus qu’à nous essouffler. Lully en prend également pour son grade et se voit remis au goût du jour : était-ce nécessaire ? Pourquoi toujours vouloir se distinguer ?" Ereinté par la critique, mais avec un public enthousiaste... celui de Bigard, bien entendu. On croirait la période précédant les élections : les foules sont enthousiastes vis-à-vis du candidat Sarko, alors que les observateurs politiques s’en défient. Bigard a lui ses enthousiastes, dont fait partie le président, qui s’est rendu sur place le vérifier au temps où il était encore ministre de l’Intérieur : « Moi, quand quelqu’un remplit le Stade de France, ça m’intéresse, confie-t-il à L’Express en se défendant de tout opportunisme. Et puis son Bourgeois est plus fidèle à l’esprit de Molière que celui de la Comédie-Française. » Ah bon, on ne savait pas notre homme fan de théâtre à ce point, lui qui n’a jamais été vu à une seule représentation (sauf récemment)... Comme quoi entre Jourdains.... Nicolas pourrait donc bien être un de ces fameux M. Jourdain. Mais ce n’est pas encore ça non plus : M. Jourdain est certes plus bête, mais il ne ment pas autant.
Le "Tartarin des tarterets ?"
Nicolas Sarkozy, qui se targue de construire une base navale dans le Golfe, alors que rien l’y oblige, à part les sirènes d’un ami président qui affirme que c’est là que ça va se passer, le prochain conflit, par certains aspects, pourrait être taxé de va-t-en guerre. Plusieurs de ses sorties oratoires le laissent penser : à la cérémonie de vœux des ambassadeurs, relayé par son ministre de l’Extérieur, puis lors d’une visite éclair en Afghanistan, l’homme est tenté de recourir s’il le fallait à l’usage des armes. En croyant aux chimères énoncées par son collègue américain à propos du danger iranien. Comme un certain... Tartarin de Tarascon, à propos d’un lion inexistant. De Tartarin, il a la verve et la posture : le haut du corps en arrière pour apostropher un marin vindicatif, ou pour tenir tête à un technicien SNCF. Aux tarterets, le toujours juste Plume de presse aussi avait remarqué un côté Tartarin prononcé, par son côté bonimenteur de foire et vendeur au parapluie. 500, puis, 209, puis 57 visites annoncées en banlieue pendant la campagne électorale, mais combien d’effectives ? Nicolas Sarkozy ne serait qu’un Raimu ou un Francis Blanche à chéchia ? Même pas, l’original était bien plus ravageur. Fort heureusement pour la France, il ne porte pas gibecière en bandoulière, façon Giscard en Afrique. Mais laisse quand même ses invités massacrer des animaux sans défense, même si ce ne sont que des pauvres faisans achevés à terre, comme le stipule un autre article du Canard enchaîné à propos des faisans d’élevage massacrés par Khadafi. Un autre volatile, bien plus difficile à abattre celui-là. Non, ce n’est peut-être pas du côté cinématographique qu’il faille chercher, en définitive. Revenons-en donc à la politique...
Nicolas su eminencia ? Ou Carlos ?
Nicolas Sarkozy en Berlusconi, on en a déjà parlé, mais ce n’est pas ça non plus. Non s’il y a bien un homme politique auquel il pourrait ressembler, en raison de ses frasques amoureuses et de quelques détails de vie privée, c’est Carlos Menem. Oui, le président-dragueur d’origine syrienne aux tempes grises et à la nouvelle femme (Miss Monde, excusez du peu, qui s’appelle aussi Cécilia) à balconnets proéminents et aux cheveux décolorés. Surnommé de ce côté de l’Atlantique le "mégalo libéral". Au début de sa carrière un petit "marlou frimeur" dit L’Express, puis un"péroniste impétueux", "qui ressemblait tant alors, avec ses bottines à talonnettes, ses cheveux longs et ses énormes favoris, au célèbre caudillo Facundo Quiroga"... Arrivé au pouvoir avec un programme de gauche, il fit un programme de droite. Sans que ça ne le gênât pour autant : « Menem, selon le journaliste politique Oscar Cardoso, n’avait pas d’idéologie, juste le sens du pouvoir », enfonce L’Express. Un chef d’Etat qui avait tout compris très vite, le lendemain même de son accession : "Menem l’homme d’Etat ne fait plus peur aux nantis - il les a bien servis." Un président à la vie amoureuse un peu perturbée, son épouse à ressorts Zulema l’ayant forcé au divorce, l’homme étant un cavaleur de première, mais qui est resté deux mandat de suite à pouvoir, avec "ses faux amis et ses vrais ennemis, tous candidats, (qui) dénoncent d’une même voix la corruption des siens, son enrichissement suspect, ses amours tumultueuses, ses amis douteux, ses indulgences coupables et les problèmes sociaux qu’il n’a pas su régler. Pour arriver à se maintenir au pouvoir, il arpentait le pays en costume blanc, passant pour un nouveau messie à bord d’une luxueuse limousine. Supprimant à chaque passage 30 % des fonctionnaires, en bon libéral, fort peu regardant sur les dessous de table du pouvoir, laissant à son départ l’Argentine comme "le pays de l’impunité, de la barbarie et du crime organisé", dit le journaliste Gabriel Michi dans Noticias. On espère que ce ne sera pas le bon modèle à suivre... Non, là ça paraît un peu trop à charge et, en France, il n’y a pas de Lama (sauf un chanteur ringard qui se prend pour Napoléon depuis qu’il a porté son costume).
Nicolas en prince Rainier ?
Dès l’intronisation, de vaillants et courageux journalistes, dont ceux de l’AFP, ont osé comparer notre nouveau président et sa famille à celle de la principauté de Monaco. Chez les uns, on se drogue, on divorce ou on enregistre des disques... chez les autres, on enregistre aussi des disques tient au fait, c’est vrai. Chez les uns, on tue la mère en accident de voiture, chez les autres, on n’en est qu’à un banal accident de scooter. Chez les uns, on se marie et on divorce, chez les autres, tiens il y a une des filles de Cécilia qui se marie aussi, tiens. Chez l’un, on a régné 56 ans... chez l’autre euh... un an, ça paraît déjà très long à tout le monde. Le premier a son Onassis, l’autre a son Bolloré pour faire des balades en yacht. L’un épousera une actrice blonde, l’autre une mannequin brune. Le premier aura une Mercedes landaulet avec bar, le second un prototype Renault spécial. L’un passera sa vie sur un bout de rocher, l’autre ira fort peu à Brégançon, sur un autre bout de rocher. Au premier succédera son fils... Heu, hélas, ça se présente pareil à Neuilly... mais bon, ça fait un peu trop de différences. Revenons-en au cinéma où nous n’avons peut-être pas épuisé tous les héros. Reste Charlton Heston dans Ben-Hur, le film préféré du président, mais, à le voir faire des discours récents comme celui sur l’esclavage, avec ses inutiles gesticulations, on se dit qu’il ressemble davantage à Ben Hur Marcel joué par Coluche qu’à autre chose. Non, ce n’est pas encore ça. Le cinéma, on y revient, donc.
Nicolas en Romand
Exit donc ses comparaisons : pas un ne convient vraiment... Nicolas Sarkozy, c’est donc autre chose. Il n’est pas toujours là où on l’attend, s’amuse à faire des escapades mémorables au Maroc ou à Disneyland et aujourd’hui au cap Nègre (Brégançon semble inutilisé depuis l’ère post-Cécilia), raconte n’importe quoi à n’importe qui, insulte entre deux micros, fait croire aux Français qu’il travaille après une séparation douloureuse alors qu’il roucoule le soir chez Séguéla, à peine de retour du Maroc où il avait été vu en autre compagnie. Quelqu’un qui ne fait pas ce qu’il dit, ou qui n’est pas là où il devrait être. Qui nous ment perpétuellement, en insistant sur le contraire : "je ne vous mentirai pas, je ne vous trahirai pas", comme le claironnait pourtant son slogan de campagne.
Exactement ce qu’avait dit Jean-Claude Romand à sa famille, et ce pendant des années. Mais, si vous savez bien, cet homme incarné à l’écran avec justesse par Daniel Auteuil, qui avait passé une bonne partie de sa vie (près de vingt ans !) à faire croire qu’il travaillait comme chercheur réputé alors qu’il n’avait aucun diplôme, et qui a aussi passé son temps à faire la cavalerie avec la fortune familiale pour faire vivre sa famille, n’ayant aucun travail réel. Pour réussir à vivre comme ça pendant vingt ans, il faut sacrément savoir mentir. Il y était parvenu, jusqu’au jour où ça a dérapé, et il a trucidé toute la famille, un matin de janvier 1993, avant de tenter de se suicider et de se rater. Et là, ça y est, on se dit, ça colle déjà nettement mieux : pour Nicolas, c’est en cours, ce schéma mortifère : autour de lui, il n’ y a déjà plus que des cadavres. Le PS est déjà mort, le MoDem tout comme, même le RPR y est passé pour devenir l’UDF, où il y a déjà plusieurs morts politiques également dans les rangs. Des ministres sont en sursis, certains ont déjà été rétrogradés. Boeckelérisés. Et qu’on ne nous dise pas que cette fois nous n’avons pas été prévenus. Personne n’avait vu voir venir Romand. Nous, heureusement on a François Léotard, qui nous a averti que "tout cela allait mal finir." Sa conduite actuelle ressemble en effet à un véritable suicide politique, chaque jour annonçant soit un couac de sa majorité, soit une bourde d’un des ministres, soit un sondage encore pire que les précédents. Il a déjà tué en quelques mois la fonction présidentielle en en faisant seulement une sorte de saltimbanque ou de VRP à avions, en armements ou en centrale nucléaire. La cavalerie, il l’a faite avec les promesses de pouvoir d’achat, renouvelées encore et encore alors que l’économie ou la vitalité des entreprises ne s’y prêtent pas, et les cadeaux aux plus riches pour déshabiller les plus pauvres. Comme Romand, qui venait régulièrement dans sa famille pour ponctionner les fonds dont ils avait besoin, il vient voir un jour des pêcheurs pour leur dire qu’il pensera à eux pour qu’ils puissent quand même pêcher en janvier pour ne pas s’en rappeler en mars. Bref, notre président ressemble comme deux gouttes d’eau au héros du film L’Adversaire : le matin on croit qu’il part au travail, et en fait il emprunte un Falcon pour passer tout le week-end auprès de sa nouvelle compagne. On l’imagine partant avec des dossiers sous le bras, en fait, il part avec sa montre et ses habits neufs. Il promet de s’occuper de tous les Français, mais en réalité laisse d’autres se charger du sort des ouvriers de Mittal, trop occupé à sélectionner le meilleur titre du prochain album de Madame. La seule différence, en fait, pour l’instant c’est que Roman avait une maîtresse, à qui il venait raconter tous ses malheurs, ce mythomane complet. Qui s’en est pris pour perpète, lui.
Références : L’Affaire Romand : le narcissisme criminel, par Daniel Settelen et Denis Toutenu, ou l’odyssée d’un pervers narcissique.
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