L’impopularité du Président Nicolas Sarkozy
Petit historique du quinquennat de Nicolas Sarkozy sur son impopularité et les "élections intermédiaires".
À la veille du second tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy ne semble pas le favori des sondages. Bien pire pour lui, il paraît avoir concentré contre lui une certaine détestation de la personne qui vont bien au-delà des clivages politiques.
Pourtant, l’impopularité qu’il subit n’était pas inéluctable. Rappelez-vous, lors de son élection, quasiment tous les médias avaient fait allégeance au nouveau Président de la République et même si la première critique d’un pouvoir monarchique avait été timidement émise par Laurent Joffrin lors de vœux présidentiels en janvier 2008, il n’y a pas eu beaucoup de journaux qui excellaient dans la contestation. Au contraire de maintenant, où, depuis plusieurs mois, les médias ont "acté" qu’il valait mieux changer de lumière et s’en remettre à François Hollande, même David Pujadas le 26 avril 2012 était prêt à mettre Nicolas Sarkozy le nez dans le déni de réalité, ce qui fut chose assez étonnante.
Ce phénomène médiatique est bien connue. En fait, les médias ne suivent que les courbes de popularité qu’ils croient parallèle à l’audience que pourraient avoir leurs journaux. En clair, ils ne songent pas électeurs mais lecteurs, auditeurs, téléspectateurs. Ce n’est pas nouveau, et on peut se rappeler à quel point les médias étaient pour Édouard Balladur entre 1993 et 1995 et à quel point… ils s’étaient finalement trompés.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait pourtant mal débuté. Une soirée provocante au Fouquet’s, une "retraite" qui n’était pas en Chartreuse mais sur le yacht d’un ami industriel au large de Malte, cela donnait déjà le ton de cette droite décomplexée, américanisée, fière de sa réussite sociale (alors qu’il a reçu un mandat du peuple). Insolente insouciance de communication renforcée par l’apathie des médias. Pas question pour eux de guerroyer pendant cinq ans contre le pouvoir en place qui intimidait.
Quelques mois plus tard, c’était un Président qui adoptait le langage de charretier, tant auprès des pêcheurs qu’au Salon de l’Agriculture qui commença à perturber la bienveillance d’origine des médias. Il faut dire aussi que les nouveaux moyens de communication (smartphones qui peuvent filmer à l’improviste, facebook, twitter etc.) sont des relais redoutables et exigeants qui nécessitent la plus grande vigilance (celle de François Fillon par exemple).
On a dit que l’UMP, le parti présidentiel, avait perdu toutes les élections intermédiaires entre 2007 et 2012, mais c’est complètement faux.
Revenons aux cinq élections au suffrage universel direct dont quatre furent des élections locales et donc dépendantes aussi des contextes locaux et personnels particuliers.
Il y a d’abord eu les municipales des 9 et 16 mars 2008 où l’UMP et ses alliés ont fait 44,4% des voix au premier tour et 40,7% aux cantonales le même jour, ce qui est plutôt honorable (le 11 mars 2001, c’était aussi 40,7%) même si cela s’est traduit par la perte de six présidences de conseils généraux.
Il y a ensuite eu les européennes du 7 juin 2009 qui furent un grand succès électoral pour l’UMP (eh oui) malgré une abstention record (59,4%) avec 27,9% (+11,2% par rapport au 12 juin 2004 !), gagnant 12 sièges (de 17 à 29) tandis que le PS a sombré à 16,5% (perdant 17 sièges), rejoints par Europe Écologie qui, avec 16,3%, ont obtenu le même nombre de sièges que leur partenaire socialiste. Le FN a lui été très médiocre avec 6,3% avec seulement 3 sièges rescapés (sur les 7 sortants). Il faut rappeler qu’entre 2004 et 2009, il y a eu 6 sièges en moins dans le nombre total de sièges réservés à la France (78 à 72).
Tout s’est véritablement gâté à partir de l’été 2009. Il y a d’abord l’effet de la crise financière de septembre 2008 avec ses conséquences terribles sur l’économie, sur le chômage et la précarité. À partir de cette époque, la plupart des dirigeants européens ont échoué dans leur réélection.
Mais il y a aussi des causes intérieures très franco-française.
Il y a eu l’affaire Polanski en septembre 2009 qui s’est enlisée en affaire Frédéric Mitterrand en faisant resurgir le dernier livre du Ministre de la Culture vieux de plusieurs années où il a reconnu son attirance pour les jeunes hommes.
Il y a eu quelques semaines après cette première polémique l’affaire de Jean Sarkozy, fils du Président, qui voulait devenir président de l’EPAD (l’établissement de La Défense) en tant que conseiller général de Neuilly (élu en mars 2008) qui a considérablement choqué les "honnêtes gens" ainsi que les postulants surdiplômés à des emplois à responsabilités bien plus réduites.
Les élections régionales des 14 et 21 mars 2010 ont été un calvaire pour l’UMP dont l’étiquette est devenue contreproductive (encore aujourd’hui). L’UMP et ses alliés n’ont réussi à reconquérir aucune région et n’ont totalisé que 27,2% (avec 53,7% d’abstention), soit le plus mauvais score depuis le début de la Ve République et une baisse de 6,5% par rapport au 21 mars 2004. Europe Écologie a perdu des plumes avec 12,2% et le FN a été en progression avec 11,4%.
À l’issue de ces élections, le processus de la réforme des retraites a été enclenchée sous la houlette du nouveau Ministre du Travail, Éric Woerth, ancien Ministre du Budget, et très vite, l’affaire Bettencourt éclatait puis de nombreuses manifestations obscurcirent le ciel de l’automne 2010, ce qui allait le conduire à démissionner après la mise en place de la réforme, en mars 2011, et l’affaire Bettencourt mine toujours l’entourage présidentiel.
Les élections cantonales des 20 et 27 mars 2011 ont été un désastre pour l’UMP et ses alliés avec seulement 31,7% au premier tour et une forte fièvre du FN monté à 15,1%, profitant d’une abstention massive (55,7%) et même si l’UMP et ses alliés n’avaient guère fait pire que le 21 mars 2004, où ils avaient obtenu 32,4%, cela s’est traduit par la perte de trois présidences supplémentaires de conseils généraux.
Peu après, une nouvelle bombe est survenue avec l’affaire Karachi et de possibles financements occultes de la campagne d’Édouard Balladur en 1995 puis de celle de Nicolas Sarkozy en 2007 dont les retombées sont encore très mal appréciées actuellement.
Finalement, il est clair que les seulement 500 000 voix d’écart entre François Hollande et Nicolas Sarkozy sont presque un exploit pour le Président sortant avec une telle désolation tant médiatique qu’électorale dans la dernière moitié de son quinquennat.
Le tout est de savoir comment les électeurs hésitants du second tour de l’élection présidentielle vont interpréter la forte hausse du chômage, l’aggravation de la dette de l’État et le déficit monstrueux de la balance commerciale : comme la simple conséquence d’une politique inapproprié du Président Nicolas Sarkozy… ou comme la conséquence directe des crises mondiales qui secouent la France depuis quatre ans et dont le Président Nicolas Sarkozy a tenté tant bien que mal à amoindrir les effets néfastes ?
La réponse va vite arriver.
Et il est probable que, quel que soit l’élu du 6 mai 2012, il sera impopulaire dès la fin de l’année. Et qu’il y aura autant de déçus qu’avant l’élection. Un bon terreau pour un certain parti…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (30 avril 2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le bilan Sarkozy.
Élections municipales 2008.
Élections européennes 2009.
Élections régionales 2010.
Élections cantonales 2011.
Premier tour de l’élection présidentielle 2012.
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