L’Union fédérale européenne : l’espoir !
Une Union fédérale pour l’Europe : un projet défendable pour que l’Europe politique, sociale et démocratique puisse enfin voir le jour.
L’Union fédérale européenne : l’espoir
Fédéralisme ?
Une union où chacun reste souverain est une simple coopération, dans laquelle les décisions communes ne peuvent être prises qu’à l’unanimité. Cette gouvernance statique est la confédération.
A l’inverse, une union où les décisions sont prise à la majorité est dynamique : on peut toujours décider, sous réserve des seules compétences dévolues à l’union (subsidiarité), conçue pour renforcer l’identité de chacun de ses membres (y compris les langues nationales et « l’exception culturelle ») vis-à-vis de l’extérieur. Cette gouvernance est la fédération.
Subsidiarité ?
Le principe de subsidiarité consiste à réserver uniquement à l’échelon supérieur ce que l’échelon inférieur ne pourrait effectuer que de manière moins efficace.
Ce principe a été introduit dans le droit communautaire par le Traité de Maastricht (art. 5 du Traité instituant la Communauté européenne-TCE). Cependant, son existence est plus ancienne : on en retrouve déjà l’esprit chez Aristote ou Saint Thomas d’Aquin. Il régit par exemple les rapports entre l’État et les Länder en Allemagne.
Le principe de subsidiarité ne s’applique qu’aux questions relevant d’une compétence partagée entre la Communauté et les États membres, qui posent fréquemment des problèmes d’attribution. Il ne concerne pas les domaines relevant de la compétence exclusive de la Communauté, ni ceux qui demeurent de la seule compétence des États.
Ce principe, d’un côté, protège les compétences des États, mais de l’autre, permet l’intervention de la Communauté si « les objectifs [d’une] action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante » par les États mais peuvent davantage l’être à son niveau (art. 5 TCE).Enfin, il répond à un souci de démocratie, les décisions devant « être prises le plus près possible des citoyens » (art. 1 du Traité sur l’Union européenne).
Une obligation de proportionnalité commande de ne pas excéder ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs (ex : éviter des législations trop détaillées).
Compétences fédérales ?
Elles doivent (sous réserve de subsidiarité) être universelles : économiques, sociales, diplomatiques et militaires. Une fiscalité fédérale (subsidiaire) doit en permettre la gestion.
Institutions fédérales ?
Outre une Constitution garantissant les droits fondamentaux des citoyens fédéraux et, par subsidiarité, les droits des Etats fédérés, il faut donc :
- Un exécutif (subsidiaire), ici un président s’entourant librement des ministres nécessaires à la gestion des seules compétences fédérales (nécessairement défense, diplomatie, administration fédérale, commerce extérieur, solidarité et sécurité intérieures assurant un espace unique de citoyenneté fédérale) proposant les lois et les exécutant après approbation par le législatif.
- Un législatif bicaméral : une assemblée représentant les citoyens au prorata des populations fédérées et un sénat représentant paritairement leurs Etats respectifs légiférant conjointement.
- Un judicaire assurant le respect de la subsidiarité.
Cet ensemble sera plus ou moins stato-fédéral ou démo-fédéral, selon que les membres des institutions seront désignés par les Etats fédérés ou par les citoyens fédéraux.
L’Union européenne actuelle est doublement hybride.
- Au plan économique (le communautaire), le Parlement européen est démo-fédéral parce qu’élu par tous les citoyens. Mais le Conseil des ministres nationaux (sénat économique) échappe à toute désignation ou tout contrôle direct par les citoyens, il est donc stato-fédéral. Quant à la Commission (l’exécutif), si elle peut être déposée par le Parlement, elle est désignée par les Etats.
- Mais au plan de la politique étrangère (l’essentiel de toute identité collective dans le monde), de la défense, de la fiscalité, de la solidarité sociale, l’Union n’est à aucun titre fédérale, mais confédérale (l’intergouvernemental). Elle est entre les mains exclusives du Conseil européen de chefs d’Etat ou de gouvernement. Même désignés démocratiquement dans chaque Etat, ils ne le sont que pour défendre bec et ongles les prétendus intérêts nationaux, non l’intérêt commun. D’où les pitoyables marchandages d’Amsterdam et surtout de Nice, d’où le lamentable coupage en deux de l’Union lors de l’affaire irakienne.
Quelle stratégie pour une Europe fédérale ?
De toute évidence, une Europe fédérale à 25 ou plus est, jusqu’à nouvel ordre, impossible.
D’une part, le primat du marché sur la personne (les tenants d’une économie anglo-saxonne). D’autre part, le primat de la personne sur le marché (les tenants d’une économie sociale).
Donc l’idée d’un « noyau dur » fédéral démocratique au sein de l’Union, ouvert à tous évidemment : une Europe sociale (cherchant l’harmonisation fiscale et sociale, sans quoi il y a non marché unique mais simplement marché commun, où la concurrence est non entre les citoyens mais entre les Etats). Elle serait représentée par un président fédéral élu, parlant d’une seule voix au Conseil européen, qui pèserait de tout son poids dans l’Union pour secouer le carcan d’un pacte de stabilité absurde (dixit Romano Prodi, ex-président de la Commission) ; pèserait aussi face à une Banque centrale européenne indépendante de tout pouvoir politique, dont l’unique mandat, qui consiste à prévenir toute inflation, étrangle toute velléité d’investissement communautaire productif (grands travaux d’infrastructure, une recherche de pointe européenne dynamique). En la matière, le financement de l’Union par le Conseil européen (1 % du PIB cumulé) ne permet pas d’économies d’échelle, condition de ces objectifs.
Or si les traités en vigueur prévoient des « coopérations renforcées » soumises au contrôle de l’Union, rien en revanche ne saurait interdire à des nations de se fédérer librement sans pour autant renier leurs engagements communs à l’égard des autres.
Seul un tel noyau dur fédéral ferait enfin émerger une Europe-puissance, seule capable d’affirmer dans le monde nos valeurs humanistes dans un environnement uniquement mercantiliste, à mesure que s’y rallieraient les Etats de l’Union qui en partageraient la vision.
Alors nous nous trouvons aujourd’hui dans une phase intermédiaire. Les principaux États membres ont perdu de leur influence, mais il n’existe pas encore suffisamment de synergie pour permettre à l’Europe de s’exprimer ou de défendre ses positions d’une seule voix. Il est urgent de définir un projet précis, avec un objectif clair, auquel chaque citoyen européen puisse s’identifier.
On ne commencera pas la Fédération européenne à vingt-cinq. Il est souhaitable que le noyau fédéral de l’Union européenne qui décidera de se constituer en une communauté politique restreinte soit formé d’un groupe pionnier partageant la même vision d’une Europe sociale, démocratique et humaniste. Cette Fédération naîtra dans le cadre et à l’intérieur de l’actuelle Union européenne, sans se confondre avec elle. Mais alors quels seront les critères d’éligibilité pour pouvoir entrer dans la Fédération ?
Pour ma part, j’en vois deux. Le premier critère serait l’adhésion à la zone euro, de façon à rendre possible, à l’échelle de la Fédération, la gouvernance économique et la défense de notre modèle social. Le second critère serait l’appartenance à l’espace Schengen, de façon à garantir la protection des frontières extérieures de la Fédération, en particulier la maîtrise des flux démographiques, financiers et économiques.
Ainsi, loin de s’opposer aux autres États membres de l’Union européenne, la Fédération sera le moteur politique de l’Union et le garant de sa crédibilité au regard du monde. Loin d’être recroquevillée sur le seul couple franco-allemand, la Fédération sera composée des pays les plus volontaires et les plus dynamiques de l’Union européenne. Loin de contribuer à faire disparaître les nations, la Fédération garantira leur pérennité et leur rayonnement international.
Unissant concrètement leurs forces, les pays de l’Union fédérale se doteront alors naturellement d’une politique commune leur permettant d’appréhender efficacement les problématiques majeures de notre temps : économie et social, défense, politique étrangère, environnement, etc., tout en nous dotant des moyens pour anticiper et relever les défis du futur.
Conclusion
A cette stratégie il ne semble alors manquer que les nouveaux Monnet, Schuman, Adenauer et autres nouveaux pères fondateurs capables de proposer cette relance et de rendre l’Europe au peuple. En leur absence, c’est sans donc à lui que revient l’initiative, en indiquant clairement ses aspirations et en en montrant la voie.
L’absence de volonté de la classe politique de notre pays pour faire avancer l’Europe avec un projet clair est évidente. Quelques voix s’élèvent toutefois en dehors de nos frontières afin de reprendre la main, dont celles de l’actuel Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, de Bronislaw Geremek, ancien ministre des affaires étrangères polonais, ou de Jean-Claude Junker, Premier ministre luxembourgeois, entre autres.
L’Europe a disparu des préoccupations des finalistes potentiels de la course à l’Elysée, qui font semblant de ne pas comprendre où se situe le bon niveau pour régler les problématiques toujours plus complexes auxquelles les Etats seuls ne peuvent plus faire face.
Face au travail de sape des souverainistes et des « Européens » honteux, il est nécessaire de lancer la contre-offensive. D’une part, en défendant l’acquis d’un demi-siècle de construction européenne. D’autre part, en proposant aux Français une sortie de crise 100% fédéraliste.
Difficile de dresser un bilan objectif de l’œuvre accomplie tant l’Union européenne n’a pas toujours été au niveau de nos espérances. Mais elle ne correspond en rien à la caricature qu’en font souverainistes et nationalistes. Leur bilan, en revanche, nous ne le connaissons que trop bien : un continent fragmenté, suicidaire, porté à ébullition par la fièvre nationale et, pour finir, réduit à un vaste champ de ruines. N’en déplaise à certains, il est incontestable que, certes imparfaite et ingouvernable en l’état, l’Europe a déjà apporté en plus d’un demi-siècle paix et prospérité sur le continent, et non le contraire ! Ce n’est déjà pas si mal, alors que nos champs étaient jonchés de cadavres... Depuis, là ou elle n’était pas présente, l’histoire a bégayé.
Nous ne devrons jamais nous éloigner de ces objectifs de paix, car nous y trouverons l’énergie nécessaire pour bâtir une société plus juste, plus humaine, plus solidaire et respectueuse des équilibres. L’Europe sera alors en capacité de réguler les effets pervers de la mondialisation, tout en prenant ses responsabilités au sein d’un monde en perpétuelle évolution, et toujours plus troublé.
Non seulement la dynamique européenne a pansé les plaies meurtries de l’Europe et garanti la paix, mais elle a indéniablement tiré les pays vers le haut. Il suffit de regarder vers l’Espagne ou l’Irlande par exemple. A ceux qui bêtement disent nous payons pour les autres, la réalité est tout autre : l’Espagne est devenu notre premier client. L’Espagne, c’est plus de 50 000 emplois directs dans notre pays. En investissant dans leur avenir via l’Europe, nous garantissons le nôtre.
Plus globalement, l’Europe est devenue la première puissance économique mondiale et pèse de tout son poids dans les négociations commerciales. Elle est devenue un modèle pour de nombreuses régions du monde : l’Amérique andine, le Maghreb, le Moyen-Orient... jusqu’aux Etats-Unis, qui parlent d’un « European dream ».
Notre monnaie unique, si critiquée en France, est malgré tout de plus en plus convoitée. Le Royaume-Uni s’interroge. L’Islande, qui vient d’essuyer une grave crise monétaire, frappe à la porte. Face au flottement du dollar et à l’incertitude concernant la valeur réelle de la monnaie américaine, de nombreux pays misent sur l’euro, et nous sortons progressivement du système instauré en 1946 par les accords de Bretton-Woods qui consacraient le dollar comme étalon mondial.
En matière de défense, le prochain sommet de l’OTAN, chargé de redéfinir les objectifs de l’Alliance atlantique, pourrait déboucher sur la possibilité d’une défense continentale indépendante de celle des États-Unis.
Sans anti-américanisme, l’Europe dispose donc de tous les atouts pour affronter les défis de ce siècle, pour proposer au monde un contre-modèle social, économique, environnemental. En effet personne ne peut se satisfaire d’un monde dans lequel l’ensemble des normes et les modes de vie seraient imposés par une unique hyper-puissance comme les Etats-Unis.
Pourtant, malgré ces acquis incontestables et certaines perspectives encourageantes, il faut reconnaître que les peuples européens ont été laissés à l’écart et sont dépossédés de leur destin par des élites éloignées de leurs préoccupations.
L’Union européenne s’est élargie aux pays d’Europe centrale et orientale sans concertation, rendant obsolète et inefficace son mode de fonctionnement. Géant économique, l’Europe apparaît encore comme un nain politique à côté des Etats-Unis. Divisée, elle semble incapable de faire entendre une voix unique.
Face à ces enjeux, et à la suite du vote négatif du 29 mai 2005, qu’est-ce qui a été accompli et proposé par les responsables politiques européens pour tenter de sortir l’Europe de l’impasse et de la paralysie ? En France, quelques partisans du non commencent à reconnaître que le plan B était un gadget électoral, et qu’il n’y avait pas d’alternative sérieuse au traité proposé.
Quant aux très mauvais avocats du oui, ils n’ont rien d’autre à proposer qu’un « temps de réflexion » ! Pourtant, ce n’est pas une réflexion dont l’Europe a besoin, mais une action concrète d’envergure pour l’extraire de la crise.
Inutile, dans ces conditions, de s’étonner du vote négatif du 29 mai 2005. Plus qu’un vote anti-européen, ce fut un nouveau « vote de rejet » du système, les élites n’ayant pas su tirer les leçons du terrible avertissement donné par les Français le 21 avril 2002. Les politiciens de droite comme de gauche ont été à la fois sourds et aveugles : sourds devant les attentes des citoyens, et aveugles face aux grands défis qu’il convient de relever avec courage.
Toujours est-il que les Français et les Néerlandais ont refusé démocratiquement le Traité constitutionnel européen. Lucides, d’autres pays ont abandonné le processus de ratification. Le Traité est mort-né, et l’Union européenne demeurera pour longtemps une vaste zone de libre-échange, sans armature politique. Alors, que faire ? Comment sortir de cette situation ?
Dans le fond, ce n’est pas l’Europe qui est en panne, mais une certaine vision de celle-ci. Cette vision a montré ses limites (blocage institutionnel, faiblesse par rapport à la Chine et aux Etats-Unis, absence d’une gouvernance économique continentale).
Le projet européen aujourd’hui n’est pas suffisamment motivant et ambitieux pour attirer la jeunesse européenne. Cette Europe-là semble être une fatalité, une sorte d’immense supermarché, dont les contours restent flous.
L’urgence consiste donc aujourd’hui à cesser de « tourner autour du pot ». Si l’on souhaite réellement unir les peuples du continent, il n’y a pas d’autre voie possible que l’Europe fédérale. Soit on est fédéraliste, et on continue à avancer, soit on a l’honnêteté d’assumer des positions nationalistes, et on arrête le processus européen engagé depuis 1950.
Cet idéal d’une Europe politique, démocratique et sociale, régie selon le principe de subsidiarité, est à notre portée à condition de le vouloir, et que ce projet soit résolument tourné vers l’avenir. Pourvu qu’il soit compréhensible, porteur des valeurs d’une société à laquelle chaque citoyen puisse s’identifier, et dont chacun sera dépositaire. Un projet porteur des garanties d’un avenir meilleur pour nos enfants.
C’est tout le sens de l’Union fédérale européenne.
Christian CHAVRIER
Président du Parti fédéraliste
Président fondateur du club « Besoin d’Europe »
Candidat à la présidence de la République en 2007
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