La démarche du MoDem (2) : une audacieuse mais nécessaire remise en cause de l’union de la gauche
Le bipartisme est-il une donnée intrinsèque, une conséquence mécanique des institutions, ou simplement, le résultat d’un processus politique qui n’est pas forcément définitif ? Seconde partie sur les conséquences.
Dans le premier article, nous avions cherché à cerner les causes de la bipolarisation du paysage politique français. Voyons-en maintenant les conséquences.
Conséquences de l’union de la gauche
L’union de la gauche a rendu très perplexes de nombreux centristes anti-gaullistes (notamment dans le Nord). Car ces derniers étaient aussi anti-communistes. Or, ils devaient maintenant choisir entre la gauche socialo-communiste ou l’autre camp (et donc, principalement gaulliste).
Cette union de la gauche est, à mon avis, la réelle cause de la bipolarisation du paysage politique français.
Prenez, par exemple, le sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin. Dans le premier septennat de François Mitterrand, il était un opposant très ferme des socialistes. Comme adversaire malheureux de Gaston Defferre à la mairie de Marseille et comme président du groupe UDF à l’Assemblée nationale.
Pourtant, Jean-Claude Gaudin avait été élu la première fois conseiller municipal de Marseille à 25 ans sur la liste centriste… de Gaston Defferre, qui se situait au centre gauche, contre une liste UDR. Defferre a finalement accepté une alliance municipale avec les communistes (par discipline nationale) alors que Jean-Claude Gaudin l’a refusée.
Des socialistes menés par Max Lejeune avaient également refusé l’alliance avec les communistes et ont fondé ce qui allait devenir le PSD (plus tard dirigé par André Santini) qui se rassembla au sein de l’UDF (le PSD fusionna avec le CDS en 1995 pour former Force démocrate sous la houlette de François Bayrou).
Quant aux radicaux, ils se divisèrent en deux partis, les radicaux valoisiens actuellement dirigés par Jean-Louis Borloo (mais aussi André Rossinot et Laurent Hénart), et les radicaux de gauche (MRG puis PRG après la période Tapie-Kouchner) dirigés historiquement par Robert Fabre et maintenant par Jean-Marie Baylet et qui avaient fait le choix de l’union de la gauche.
Une division artificielle de la classe politique
L’union entre les socialistes et les communistes a divisé artificiellement une partie de la classe politique en deux ailes opposées.
On imagine aujourd’hui, en 2008, trente-six ans après le pacte conclu entre François Mitterrand, Georges Marchais et Robert Fabre, la totale incongruité doctrinale d’une telle division, et encore plus d’une union entre les socialistes qui veulent gouverner et les communistes réduits à s’opposer à tout.
Cette union a bien fonctionné pour le PS puisqu’il a récupéré la majeure partie de l’électorat, ce qui lui permet de prétendre gouverner. Mais les stéréotypes restent toujours archaïques. C’est sans doute l’enjeu du prochain congrès du PS à Reims.
Le Sénat toujours de droite ?
Les conséquences de cette bipolarisation, c’est aussi cette prétendue impossible alternance au sein du Sénat. Pourtant, le candidat le mieux placer pour devenir le président du Sénat craint lui-même que la gauche ne gagne en 2011 la majorité. Ce risque est sans doute plus fort pour 2014, mais il est clair avec la réduction du mandat sénatorial de neuf à six ans, et le renouvellement par moitié du Sénat et plus par tiers va brusquer un peu la traditionnelle continuité sénatoriale et va rendre plus directement dépendante la composition de la haute assemblée aux résultats des élections municipales (qui furent un succès pour la gauche en mars 2008).
En fait, le Sénat a toujours été une instance en dehors de cette bipolarisation. Pour preuve, les sénateurs issus de l’ancienne UDF (celle d’avant 1998) étaient dispersés dans au moins trois groupes politiques (Union centriste, Républicains indépendants et RDSE-Gauche démocratique). Jusqu’aux années 1990, les gaullistes ne constituaient qu’un groupe partenaire sans grande influence. La preuve, d’ailleurs, étant l’étiquette politique du président du Sénat : Alain Poher et René Monory, de 1968 à 1998, provenaient du Centre démocrate, puis CDS, l’aile la plus à gauche de l’UDF.
En 1992, Charles Pasqua n’avait pas réussi son OPA sur le Sénat, mais, finalement, Christian Poncelet y parvint en 1998. Et aujourd’hui, on n’imagine pas le prochain président du Sénat en dehors de l’UMP.
Pourtant, au début de la Ve République et jusqu’en 1981, le Sénat était surtout anti-gaulliste, et ce fut sous l’impulsion de Jacques Chirac, prenant le leadership de l’opposition après 1981, que le RPR et l’UDF furent des partenaires très liés. Le Sénat devint une chambre d’opposition très dure contre les gouvernements socialistes, mettant en échec en août 1984 le fameux référendum sur le référendum de Mitterrand.
Pourquoi y a-t-il encore des alliances socialo-communistes ?
Aujourd’hui, les socialistes sont déboussolés, car ils ne voient plus l’intérêt de continuer une union de la gauche qui n’a même plus d’efficacité électorale (les communistes ne représentant plus grand-chose).
C’est là l’intérêt de la démarche du MoDem, celle de trouver une voie entre une UMP vaguement libérale (qui n’est plus guère gaulliste) et un PS sclérosé par les archaïsmes du passé.
C’est une démarche audacieuse car elle rompt avec trente-six ans d’habitudes politiques et de pratiques électorales. Mais elle n’est pas déraisonnable dans le sens où elle n’est pas incompatible avec les institutions actuelles.
Au contraire, le MoDem pourrait s’installer confortablement dans ces institutions en reprenant le rôle de premier parti s’opposant à l’UMP (même si le MoDem ne rejette pas la possibilité de transfert de certains membres de l’UMP à lui).
Si les socialistes étaient malins en novembre prochain, ils arrêteraient cette marche bayrouïste en proclamant l’anti-union de la gauche, quitte à perdre quelques plumes au passage, pour ensuite reprendre à leur compte la démarche du MoDem.
Et c’est parce qu’il est convaincu qu’ils ne le feront pas que François Bayrou croit qu’il a une chance sérieuse en 2012 dans une élection pourtant bipolaire.
La modernité, c’est de faire évoluer la bipolarisation vers une segmentation qui aurait enfin, en 2008, une véritable signification politique.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (17 septembre 2008)
Pour aller plus loin :
Bayrou contre la bipolarisation (vidéo).
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