La France est endettée jusqu’au cou !
Bien souvent, les parlementaires font part de la faiblesse de leur pouvoir devant l’exécutif. Mais qu’en est-il vraiment ? N’est-ce pas l’utilisation du pouvoir qui, au contraire, n’est pas faite ? Monsieur Debré disait : « le Parlement n’est pas faible, le Parlement manque de parlementaires ».
Vous êtes-vous demandé pourquoi la France depuis trente ans
meurt petit à petit ? Vous êtes-vous demandé pourquoi les Français font grève
sur grève ? Vous êtes-vous demandé pourquoi l’exécutif est de plus en plus
perçu comme une sorte de monarchie ? Vous êtes-vous demandé pourquoi les
journalistes vont plus souvent au « château » qu’à l’Assemblée ?
Vous êtes-vous demandé pourquoi aucune majorité n’est
reconduite depuis trente ans ? Vous êtes vous demandé pourquoi l’abstention est
de plus en plus frappante aux législatives ?
Vous pourriez vous dire que c’est parce que la France est
irréformable.
Vous pourriez vous dire que c’est parce que les temps
changent, et que les Français refusent le changement.
Vous pourriez vous dire que c’est parce que les présidents
de la République qui se sont jusqu’ici succédé, avaient tous des caractères
bien trempés, mais qu’ils ne comprenaient pas forcément le pays qu’ils
prétendaient incarner
Vous pourriez enfin vous dire que les Français s’intéressent
moins à la politique qu’auparavant, et que par conséquent, ils s’abstiennent de
plus en plus de voter.
Et si la véritable raison, la vraie cause de ces nombreux «
désamours » était... le Parlement ?
Nous avons 577 députés, qui sont élus par les Français. Nous
avons une dizaine de ces mêmes députés qui viennent, très irrégulièrement, dans
l’Hémicycle (hors pendant les questions au gouvernement qui « attirent » un peu
plus les parlementaires).
Il est évident que ces absences, permanentes ou presque, ont une
incidence forte sur le travail des parlementaires, et sur la France.
Il n’est pas difficile de faire une comparaison avec nos
amis européens. Proportionnelle ou pas, il se trouve que si l’on compare la
France à l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre, pour ne citer que les
plus proches de nos voisins, on s’aperçoit que chez nous... les députés sont
des fantômes ! Ailleurs, les hémicycles sont toujours vivants, remplis.
Et comme par hasard, on se rend compte que tous ces pays
dont j’ai parlé précédemment ont réussi à réformer leur pays, à éviter grèves
et révoltes, sont tous considérés comme des démocraties et non comme une « monarchie sans le nom », voient leurs médias partagés entre l’exécutif et le législatif, ont des députés connus des habitants et en qui ces derniers ont
confiance, n’ont jamais eu trop de problèmes à voir leur majorité reconduite,
et jamais vu non plus le parti de l’extrême droite arriver au deuxième tour
d’une présidentielle et obtenir des bons scores à toutes les élections.
Les absences des députés ont bien évidemment de lourdes
conséquences sur leur mission de législateur. En effet, un Parlement, et tous
les textes de droit constitutionnel le disent bien, notre Constitution au
premier plan, a pour mission de proposer des lois, et de les voter.
Bien évidemment, pour pouvoir proposer une loi, qui fasse
l’unanimité, il faut pouvoir la présenter lorsque les députés sont présents.
Visiblement, ils doivent être très souvent absents, sinon comment comprendre
qu’il arrive que vers minuit une dizaine de députés se donnent rendez-vous pour
voter une loi pendant la nuit, moment ô combien judicieux pour réaliser des
lois républicaines ! Ajoutons à cela que l’absence récurrente du Parlement
produit deux autres conséquences à portée négative.
La première c’est que cela semble profondément énerver le
gouvernement qui, sans doute dans un souci d’efficacité, décide d’abréger les
discussions, pour faire de plus en plus de passages en force (alors que le 49.3,
et c’est la Constitution qui le dit, ne doit être utilisé qu’en dernier recours
!)... avec la bénédiction du Parlement... Puisque la plupart de ses membres font
l’école buissonnière ! Pourtant, les lits de justice sont interdits depuis
1789. Ce genre de « complaisance » a malheureusement, comme par le passé, le
fâcheux résultat de provoquer grèves et mouvements de manifestations. Que voulez-vous ? Quand le Parlement ne fait pas son travail, il faut bien que le peuple se
défende.
L’autre conséquence tout aussi pénible, c’est que les
parlementaires en oublient leur mission de législateurs et de garants de la
Constitution. Il est assez incroyable de constater l’indifférence qui a entouré
les « débats » sur le TCE au Parlement, si l’on en croit la faible présence de
nos dignes élus, incapables de faire le déplacement jusqu’au pauvre VGE, qui
pourtant avait fait l’effort de bien préparer son dossier.
L’un des parlementaires, monsieur Bayrou, a au cours de la
présidentielle, fait part de sa « honte » de voir que les parlementaires
n’étaient même pas fichus de donner de leur temps, pour poser des questions sur
le devenir de nos institutions actuelles, sur les modifications provoquées par
l’introduction d’un texte européen supérieur même à notre Constitution, ou
encore pour s’inquiéter de la moralité de faire adopter par des parlementaires
un texte définissant les règles d’un régime, qui ne peut, et ne doit, être
ratifié que par le peuple. Puisque c’est lui, le souverain ! On appelle cela la démocratie !
La dramatique conséquence de ce genre de comportement, c’est
qu’on se retrouve avec des parlementaires allant les yeux fermés à la pêche au
« oui ». Et quelques mois plus tard, un peuple lucide qui leur répond, de
manière très majoritaire : « non » ! Et on aura beau dire, en démocratie, c’est
le peuple qui est réputé avoir raison. Il en résulte forcément que le Parlement
devient dès lors moins « crédible » auprès de ceux qu’il est censé représenter,
et que dès lors qu’une loi « sort », la France la regarde avec méfiance. Voire
avec défiance.
Et le Parlement devient dès lors « chambre d’enregistrement
».
Alors il y a bien sur les traditionnelles « bonnes excuses »
pour ne rien faire : Bercy fait l’omerta. Le président décide de l’essentiel.
La haute fonction publique a confisqué le pouvoir du Parlement.
Merveilleux. Les parlementaires pensent-ils donc que tout va
leur tomber comme ça, dans le bec ?
Les parlementaires de 1789 sont allés demander gentiment
demander à Louis XVI de clarifier ses propos ? Non. Ils l’ont exigé. Les
parlementaires de 1789, ils sont allés chercher ce qu’ils voulaient. Ils n’ont
pas entendu qu’on le leur amène.
Bercy fait l’omerta ? Mais Bercy, il faut l’apprendre aux
parlementaires, est un ministère. Et ce ministère utilise l’argent public. Vous
savez, ce même argent public que doivent, en principe, contrôler les
parlementaires. Eh bien ! A quand des parlementaires se prenant par la main, et
se rendant dans le ministère, et menaçant de ne pas partir tant qu’ils n’auront
pas obtenu satisfaction ? Les parlementaires penseraient-ils donc que le
service d’ordre va menacer la « représentation » nationale ? Les «
représentants » du peuple ? Il ne faut pas être stupide dans la vie. Bien sûr
que non !
Le président décide de l’essentiel. Et le roi de France de
1789 ? Il faisait quoi ? Il dansait peut-être ! Ca n’a pas empêché des
parlementaires, bien plus assidus à leurs tâches que nos parlementaires
actuels, de taper du poing sur la table. Les parlementaires ont une arme. Cela
s’appelle la Constitution (Cette arme, en 1789, ils ne l’avaient pas. Et ils
risquaient bien plus pour leur audace, que nos actuels « représentants »
directs ou indirects. Eux, c’est leur vie qu’ils jouaient ! Et aucun d’eux n’a
hésité !). Et au cas où les parlementaires l’ignoreraient, le président en est
garant. Il suffit donc que les parlementaires fassent un effort sur eux-mêmes :
respiration, photocopie de la Constitution, rencontre avec le président (ou
alors ils lui écrivent une belle lettre), soulignement de l’article 14 et de
l’article 15. C’est au président de garantir les droits des parlementaires. Et
en son absence, aux ministres. Or, que dit l’article 15, sinon que tout citoyen
peut demander à n’importe quel agent public (que sont donc les ministres, sinon
des agents publics ?!) de lui rendre compte ? A plus forte raison, à ses élus !
Et le plus fort pour terminer : la vilaine fonction publique, qui aurait, rien de moins que ça, confisqué son pouvoir au Parlement.
La dernière visite d’un parlementaire à un service public, c’est quand ? La
dernière enquête du Parlement, elle date de quand ? Le suivi ferme des
recommandations de la Cour des comptes, quand est-ce qu’il se fait ? Jamais !
Les conséquences de l’absence des parlementaires sur leur
mission de contrôle de l’utilité de la dépense publique :
Soyons clairs. Ce « contrôle » est à l’heure actuelle
inexistant. Il est peu de dire que là encore nous avons des parlementaires qui
sur ce sujet font preuve d’une absence totale. En témoigne l’augmentation
calamiteuse de la dette publique.
Pourquoi cette situation ? On dit souvent que le Parlement
français est le plus faible d’Europe. C’est vrai et c’est faux. Le Parlement
est le plus faible d’Europe, voire peut-être du monde, parce que les
parlementaires n’ont pas de volonté d’accomplir leur mission, non à cause
d’improbables difficultés, mais par simple désir de ne rien faire. C’est dire
le sens aigu de nos parlementaires pour l’intérêt général ! Défenseurs émérites
de leurs électeurs, sans conteste !
Qu’on en juge. Le Parlement a l’obligation de « rendre
compte » comme le dit bien la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
(Articles 14 15.) Ai-je précisé que cette déclaration est le « squelette » de
la démocratie française, et reconnue comme telle par les membres du Conseil constitutionnel, et les constitutionnalistes du monde entier ! Les citoyens
aimeraient par exemple bien savoir la provenance de l’augmentation fulgurante des
dépenses de l’Elysée, et de Matignon, ces vingt-cinq dernières années, chose
qu’il est, pour nos élus, tout a fait possible de savoir, étant donné que dans
une République digne de ce nom, dans un pays démocratique comme je l’espère le nôtre
peut l’être, les lois (et notamment la Constitution) sont plus importantes que
la... tradition ! Nous sommes en République, pas sous l’Ancien Régime. Le «
patron » du Parlement ce n’est pas le président, ce n’est pas le gouvernement.
C’est le peuple. Alors le « devoir de discipline » va en contradiction
avec... la Constitution ! « Tout mandat impératif est nul ».
Il semble donc qu’il manque une chose très importante aux
parlementaires. Le courage. Un(e) élu(e) ne doit pas avoir pour seule ambition
de se faire réélire. N’est-ce pas un comble que les législateurs soient ceux
qui semblent le moins connaître le texte fondamental qui régit notre pays ! Si
Colbert ne se gênait pas pour dire à Louis XIV (qui se prenait pour Dieu) : «
Sire, vous dépensez trop. Il faut que vous fassiez ceci et cela », je suppose
que les parlementaires sont capables de faire preuve d’un peu de lucidité, et
de sérieux, dans leur mission et de dire de temps en temps « chers ministres,
vous dites des sottises. Voilà ce que nous, parlementaires, voulons pour la
France. »
L’autre « bonne excuse » du Parlement, c’est de se plaindre
de ne pouvoir mettre en place les outils nécessaires pour contrôler
correctement l’utilité des dépenses publiques, conformément à la Constitution.
Encore une manière de se désengager de leur mission.
Qu’attend le Parlement pour exécuter sa mission ? La
Constitution lui donne le pouvoir nécessaire (il peut ainsi élaborer des
outils, sans avoir rien à demander au gouvernement !), et l’Assemblée comme le
Sénat possèdent assez d’argent (800 millions qui leurs sont propres, sans
compter le personnel mis à leur disposition) pour mettre en pratique les actes
théoriques que leur donne la possibilité de faire la Constitution.
Actuellement, seuls les chiffres sont donnés au Parlement... Pas la mise en
œuvre des missions, ni les résultats obtenus les années précédentes, ceux
attendus. Puisque le Parlement, du fait des pouvoirs qui lui sont conférés par
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (c’est écrit noir sur blanc
dans la Constitution, et elle passe avant tout « règlement », « tradition », et
autre), se doit normalement de contrôler l’ensemble des transferts d’argent
public, le président lui-même ne devant pas s’y soustraire (Je le rappelle
quand même, ce dernier est censé être le garant de la Constitution !), est-il
possible de voir prochainement des élus faire leur travail ? A se demander !
En attendant, les régulières absences du Parlement ont
permis au gouvernement d’endetter sans problème notre France. Les
parlementaires semblent en effet se satisfaire de la « légalité » des dépenses,
et ne pas comprendre que celles-ci doivent aussi être « utiles ». Leur rôle
n’est pas de contrôler la « légalité » de telle ou telle dépense, mais de
vérifier l’utilisation de cette dépense, et les tenants et les aboutissants,
afin de savoir si au moins celle-ci est efficace. Ainsi, quand la Cour des comptes dit au Parlement « cette dépense est complètement à côté de la plaque
», le Parlement doit dire au gouvernement : nous ne renouvellerons pas cette
dépense. Au lieu de ça, le Parlement se contente de dire amen à tout ! Le sens
de la responsabilité ? Le Parlement ne connaît pas !
Victime consentante, le Parlement ?
Rien d’étonnant dans ces conditions si la France est endettée
jusqu’au cou !
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