La France : excès de verticalité, défaut d’horizontalité
D’où viennent les multiples dysfonctionnements quotidiens auxquels se heurtent les Français ?
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Cet article fait suite à une série d’observations concrètes concernant les dysfonctionnements récurrents auxquels se heurtent quotidiennement les Français, et au constat que certaines de ces situations se "débloquent" à l’occasion de relations individualisées. Pourquoi ?
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Une première idée est que dans ce pays les gens souffrent d’un déficit de reconnaissance. (D’où que, bien souvent, seul l’appel, non à ce qui est légitimement attendu d’un professionnel, mais à sa "solidarité compassionnelle", à son intervention "particulière", puisse débloquer une situation. N’est-ce pas parce que, dans ce cas, l’importance de sa mission lui est soudainement rendue ?)
D’où peut bien venir un tel déficit de reconnaissance ?
Une seconde idée s’impose :
Dans un pays si fortement sensible à la hiérarchie institutionnelle, aux statuts officiels, aux diplômes universitaires, n’est-ce pas d’évidence "d’en haut" — des "grands"— que doit venir la reconnaissance * (des salaires entre autres) ?
Mais si "en haut" ne reconnaît pas, que faire pour être reconnu, si ce n’est en ne faisant pas, justement ? En marquant sa place en creux, par défaut ?
En tout cas, moi, lorsqu’enfant j’étais injustement traitée, mal considérée par les "grands", je traînais des pieds pour faire ce que j’aurais effectué avec allant dans un contexte relationnel juste...
Ce pays souffrirait-il d’un attachement un peu trop prolongé au principe hiérarchique ? Autrement dit, d’une sorte de fixation psycho-sociologique générale au stade relationnel enfant-parent, petit-grand ? Bref d’un excès de verticalité ?
Ce qui est sûr c’est que face aux gué-guerres (manifestations, revendications, grèves) qui opposent régulièrement, et en vain semble-t-il, les "petits" (salariés, travailleurs, syndicats, corporations) et les "grands" (gouvernement, patronat and co), j’ai vraiment l’impression d’assister à ces conflits enfants-parents que l’on peut ça et là surprendre dans la rue. Pas vous ?
"C’est injuste !" crie le petit qui — vlan — se prend une claque pour "caprice" sans que l’on sache jamais en quoi consiste l’injustice de départ. Ce qui soulage l’assistance plus avide de calme que de vérité. Enfin, sauf quand certains gamins se mettent à gueuler de plus belle (manière de prendre la foule à témoin, "le public en ôtage" comme l’on dit), au grand dam du parent (gouvernement), alors obligé de céder ou de sévir plus violemment encore.
Sans qu’on en sache d’ailleurs jamais plus sur la vraie raison du litige. Caprice de gamin ou irresponsabilité de l’adulte ? Ou les deux ?
(Ce ne sont évidemment pas les litanies creuses et fadasses du type "conditions de travail" ou "grilles salariales" des "grands" médias qui vous l’expliciteront !)
D’où cette troisième idée :
La culture de l’horizontalité ne fait pas partie de notre patrimoine.
En effet.
Lorsque nous réclamons de l’égalité, nous la réclamons à "en haut", au gouvernement, au patronat, etc. Nous la réclamons pour être aussi bien traité par "en haut" que le voisin, pas pour tisser des liens de fraternité.
Et lorsque nous en appelons à notre "droit" d’exercer notre liberté, c’est encore à "en haut" que nous en référons, et pas du tout à nos pairs. Le plus souvent, nous réclamons à "en haut" qu’il impose notre "liberté" aux autres par "en haut" justement : par la loi, par décret (le mariage gay, l’interdiction de fumer dans les bars …).
Il suffit d’ailleurs de suivre quelques fils de commentaires web de la presse en ligne, pour se convaincre qu’en lieu et place d’une société civile digne de ce nom, nous sommes rongés par des querelles et des jalousies de cours d’école ! Et les fonctionnaires ceci et les patrons cela, et les privés ceci et les assistés cela !
Evidemment, avec de telles divisions intestines, "en haut" a tout loisir de régner !
Comme l’écrit Patrick Mignandr, "de la manifestation classique, jusqu’à la « retraite, de nuit, aux flambeaux », en passant par la « ronde des obstinés », les pique-niques dans les supermarchés, les « cercles de silence », les grèves de la faim, les séquestrations de cadres et de PDG, sans parler des occupations d’usines et d’universités,… nous finissons d’épuiser notre imagination en vaines trouvailles,… pour rien. (...) Ces manifestations n’ont plus aucun impact sur le pouvoir."
A croire que, psychologiquement, la décapitation du roi dont nous nous glorifions tant n’a été que du vent ou, pire, que, depuis, le roi s’est vengé et nous tient sous sa coupe !
Dans un tel contexte, quid de la fraternité, par définition horizontale, c’est-à-dire, en vérité, de la démocratie ?
Quid de notre capacité d’échanger les uns avec les autres, de nous informer des réelles conditions (ou orientations) de travail et de salaire dans un autre domaine que le nôtre par exemple (au lieu de nous contenter de préjugés éculés et jaloux ou des litanies creuses et fadasses — conditions de travail, grilles de salaires — administrées "d’en haut" par les médias dominants ) ?
Quid de notre désir de débattre les uns avec les autres jusqu’à trouver un terrain d’entente ? Jusqu’à trouver, au sens fort du terme, un lieu commun ? Ce terme – "commun" — serait-il trop plat pour notre soif de distinction par le haut ?
De toute façon, rétorquera-t-on, vu l’état d’éclatement social actuel comment se réunir "fraternellement" sans être menés par les leaders institués ? D’ailleurs comment rassembler tout le monde ? Dans quel lieu (à part la rue) ?
Et puis, qui aurait encore la force, le temps et le désir de travailler in situ au lent travail de concertation qu’implique la démocratie vu la morosité ambiante ? C’est un trop gros travail, un travail de gouvernement justement.
Alors quoi ? Il n’y aurait rien à faire pour se sortir de ce marasme ?
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