Après le débat sur l’identité nationale, transformé en panel islamophobe, l’UMP récidive aujourd’hui avec un nouveau « débat sur la laïcité ». Nul doute qu’il aboutira aux mêmes dérapages nauséabonds contre l’islam. La capacité de la laïcité républicaine à permettre l’épanouissement de l’islam de France, désormais deuxième religion pratiquée dans notre pays, méritait pourtant des échanges constructifs. Dans cette note, François Loisy, Samuel Pommeret et Loïc Roche montrent que le cadre juridique de la loi de 1905 autorise et facilite activement la construction et l’entretien des mosquées. Un seul élément pose problème : le financement direct de la construction des édifices, laissée à la charge des associations cultuelles. Pour assurer le nécessaire rattrapage du culte musulman, certains proposent la suspension provisoire de la loi de 1905 mais des « accommodements raisonnables » permettent de contourner la loi sans la remettre en cause.
SYNTHÈSE
Fort d’une communauté de près de six millions de musulmans, l’islam est désormais la deuxième religion pratiquée en France après le culte catholique. Entre tous les aspects qui structurent la pratique de l’islam, la question des édifices du culte est extrêmement importante. La mosquée et ses minarets cristallisent toutes les défiances, les craintes et les rejets : le culte musulman semble se poser en défi pour la loi de 1905 et la laïcité.
Est-ce vrai ?
Premier élément de réponse : la laïcité française ne s’oppose en aucun cas à la pratique du culte musulman sur notre territoire.
La loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat, avec les jurisprudences qui l’ont précisées, n’est pas une loi anti-religieuse. C’est une loi de compromis, qui vise à la normalisation des cultes. La loi de 1905 « assure la liberté de conscience » : il s’agit d’une liberté individuelle, un droit de l’homme reconnu par la République. Pour permettre l’exercice effectif de cette liberté, la loi de 1905 « garantit le libre exercice des cultes » et le place au rang de liberté publique fondamentale (au même titre que la liberté de la presse, des syndicats et des associations), ce qui implique une visibilité publique des cultes.
La laïcité à la française, telle qu’inscrite dans notre droit, est donc une construction libérale, qui vise à faciliter le déploiement harmonieux du culte musulman. Certains élus invoquent la loi de 1905 pour refuser l’accès à une salle municipale pouvant servir de lieu de culte, alors qu’elle garantit le contraire. D’autres l’invoquent pour empêcher la délivrance d’un permis de construire pour la construction d’un édifice du culte, alors que là encore elle n’impose aucune contrainte spécifique autre que le droit de l’urbanisme. Le problème n’est donc pas de « permettre légalement », ce que fait la loi de 1905, mais de « laisser construire » : il est illégal en France d’entraver l’exercice du culte musulman - les élus doivent respecter la loi.
Deuxième élément de réponse : non seulement la loi de 1905 permet en droit la construction des édifices du culte musulman, mais elle la facilite en pratique.
La loi de 1905 et sa jurisprudence prévoient une batterie de mesures en ce sens :
- La mise à disposition des terrains. Rien n’empêche une municipalité de signer un bail avec une association cultuelle. Mieux, elle peut mettre à sa disposition un terrain pour une longue durée (jusqu’à 99 ans), en vue de la construction d’une mosquée, dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif. Le loyer peut être « modique », selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, ce qui revient à subventionner partiellement la construction.
- Les aides financières indirectes. La loi de 1905 donne des avantages fiscaux aux associations cultuelles : déductibilité des dons des personnes physiques ou morales (ce qui revient à faire cofinancer le « denier du culte » par l’Etat à hauteur de respectivement 66% et 60%) ; exonération de la taxe foncière et de la taxe d’habitation pour les édifices du culte. La loi de 1905 permet également aux municipalités et aux départements de garantir un emprunt contracté par une association cultuelle en vue de la construction d’un édifice.
- Le financement de l’entretien et de la conservation des édifices. On entend parfois que l’Etat couvrirait intégralement ce financement pour les seuls édifices qui sont la propriété de l’Etat (les édifices catholiques uniquement), alors qu’il serait à la charge des associations cultuelles pour les édifices qui sont en leur propriété (les édifices musulmans). En effet, la loi de 1905 pose le principe que les associations cultuelles ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions publiques. Cette vision est pourtant erronée. Dès le début, la loi de 1905 a posé une exception : l’entretien et la conservation des édifices de culte privés est à la charge de l’Etat s’il s’agit de monuments classés. Surtout, une loi de 1942 étend l’exception à toutes les sommes allouées pour réparations, que les monuments soient classés ou non. Les édifices du culte musulman bénéficient donc, une fois construits, du même régime favorable que les édifices catholiques.
Dernier élément de réponse : le nécessaire rattrapage dans la construction des édifices du culte musulman peut se faire à droit constant, dans le cadre de la loi de 1905.
Le rattrapage est une nécessité. On compte à ce jour moins de 2 000 édifices de culte musulman, à comparer aux 39 000 églises pour le culte catholique : vingt fois moins, alors que les musulmans ne sont que six fois moins nombreux que les catholiques. A peine une dizaine de ces lieux de culte sont des grandes mosquées (l’équivalent des cathédrales). La majorité des autres lieux se partagent entre pavillons et lieux très modestes : salles, hangars, foyers SONACOTRA, garages – voire, dans quelques cas très isolés, la rue… Le rattrapage se justifie donc au nom de l’équité, mais aussi pour éradiquer les lieux de culte indignes et sortir une fois pour toutes de « l’islam des caves ».
Si la loi de 1905 facilite le financement des lieux de culte, elle interdit malgré tout l’essentiel, c’est-à-dire toute subvention publique pour le financement direct de l’édifice. C’est une différence fondamentale avec les édifices du culte catholiques, préexistants pour la plupart à la loi de 1905 : ils n’ont donc pas eu à subir cette interdiction.
Le problème se pose notamment pour la construction des grandes mosquées. On voit mal la contribution des fidèles constituer un apport suffisant. Le risque est donc, en l’absence de financement public, de voir se développer le financement par des pays étrangers.
Faut-il dans ces conditions, comme le propose notamment Alain Minc, suspendre temporairement la loi de 1905 et appliquer, le temps du rattrapage, un régime de type concordataire (avec financement public) à la construction de mosquées ? Cette option ne serait pas scandaleuse. C’est selon ces modalités que la Grande Mosquée de Strasbourg a été construite, cofinancée à hauteur de 26% par les collectivités locales. Terra Nova ne privilégie toutefois pas cette option.
D’abord, le problème est réel mais il faut le nuancer. Les musulmans et leurs représentants (CFCM) n’expriment pas un besoin de mosquées-cathédrales : si la présence de lieux monumentaux à forte capacité d’accueil paraît nécessaire pour entériner la visibilité de l’islam en France, les besoins sont le plus souvent ceux de locaux de proximité, à capacité moindre, qui puissent convenir à la diversité de chaque communauté. On ne va pas prier à la Grande Mosquée de Paris dans le Vème arrondissement quand on habite le XXème… Pour des lieux de culte de petite ou moyenne taille, la contribution des fidèles, complétée par les ressources issues du commerce de la viande hallal, s’avère le plus souvent suffisante. Contrairement à une idée reçue, les contributions étrangères venant de pays musulmans (Arabie saoudite, pays du Golfe) sont en réalité marginales.
Ensuite, la suspension de la loi de 1905 paraît singulièrement inopportune dans le climat de tension islamophobe entretenu par le FN et l’UMP. On a vu de telles surenchères populistes lors de la construction de la Grande Mosquée de Strasbourg.
A l’inverse, une solution plus discrète existe, mais aussi efficace, qui permet le financement direct de la construction de mosquées sans modifier la loi de 1905, dans le cadre d’un « accommodement raisonnable » à la loi, selon la formule canadienne. Il s’agit de prévoir une fonction culturelle au sein de l’édifice de culte (un musée, une bibliothèque…) : la collectivité publique peut dès lors assurer un cofinancement direct de l’édifice au titre de sa fonction culturelle (et à côté de sa fonction principale cultuelle). C’est typiquement selon cette modalité qu’a pu être construite en 1926 la Grande Mosquée de Paris, cofinancée au titre de la création en son sein de l’Institut musulman.
En assurant la liberté de conscience, la garantie du libre exercice des cultes et un vaste champ de possibilités juridiques et financières pour la construction d’édifices de culte appropriés, la loi de 1905 se révèle d’une grande plasticité et permet d’accueillir le culte musulman dans de bonnes conditions sur notre territoire. Encore faut-il que la loi de 1905 soit appliquée, et que l’esprit de la laïcité républicaine ne soit pas violé par ceux-là mêmes qui s’en veulent les thuriféraires.
NOTE
L’islam est la deuxième religion pratiquée en France après le culte catholique
[1]. Parmi toutes les questions posées par les pratiques de cette religion, la question des édifices du culte est extrêmement importante : c’est la partie visible autour de laquelle se rassemble la communauté des croyants, le culte étant, comme dans toute religion, un des éléments clés de la pratique religieuse. La prière est le second pilier de l’islam
[2]. Elle se pratique individuellement, mais une fois par semaine, le vendredi, la mosquée est le lieu d’exercice de la prière communautaire. Sa construction est l’occasion pour la communauté musulmane de dialoguer avec l’Etat et ses représentants, et constitue un exercice concret de la laïcité. L’enjeu est important : alors que pour les religions chrétiennes et, dans une moindre mesure, la religion juive, la loi de 1905 est venue consolider les lieux de culte existants, l’interdiction faite aux pouvoirs publics de ne subventionner aucune religion et donc de participer au financement direct de la construction de tout lieu de culte pénalise très directement l’islam. Certains, comme Alain Minc, en déduisent que la loi de 1905 devrait être temporairement suspendue pour permettre une forme de rattrapage par l’impôt
[3].
Grâce aux institutions musulmanes, aux chercheurs, aux administrations et tout simplement aux pratiquants, peu de choses sont ignorées de la pratique de l’islam en France. Malgré tout, l’islam semble aujourd’hui cristalliser toutes les défiances, les craintes et les rejets, non seulement sous l’effet des discours des extrémistes mais aussi, et c’est là le plus inquiétant, des intellectuels, de certains politiques et de nombreux citoyens. Qu’il s’agisse de la tenue vestimentaire, de la nourriture hallal, et bien entendu de la construction des mosquées, de nombreuses affaires, complaisamment relayées par le Front national et l’actuel Président de la République, ainsi que par une bonne partie de sa majorité, semblent illustrer la vision d’un islam rétif à la loi de 1905, qui se camperait dans une intransigeance conquérante. Ce discours ouvertement ou subtilement islamophobe alimente des propos alarmistes sur la nécessité et l’urgence d’un « grand débat sur la laïcité » dont les intentions ne trompent personne : il s’agit clairement de faire des musulmans un bouc émissaire des difficultés du moment. L’islam seul poserait-il un défi à la loi de 1905 ? Ce culte serait-il en soi incompatible avec la laïcité ? Sans vouloir revenir sur les formes et les causes de cette islamophobie, cette note se limite à la question de la construction des mosquées. La loi de 1905 interdit-elle définitivement que se développe dans des lieux appropriés un culte musulman en France ? Les difficultés, juridiques et matérielles, qui se posent dans la construction d’édifices du culte musulman sont-elles généralisées et insurmontables ? Existe-t-il des barrières qui se dressent entre le désir de nos concitoyens de prier dans un lieu visible et digne, et la possibilité de le faire construire ?
Dans le cadre législatif actuel, construire un édifice religieux est un travail de longue haleine, dont, dans le cas d’une mosquée, les premiers responsables sont les communautés musulmanes des quartiers et des villes qui doivent prendre l’initiative de la construction de leur édifice du culte en lien avec l’Etat et les collectivités locales (maires, présidents de communautés de communes). L’Etat agit lui dans le cadre de la loi du 9 décembre 1905 et des nombreuses jurisprudences qui l’ont précisée. Comme c’est le cas avec les autres religions, la puissance publique est en rapport avec les organes représentatifs de ce culte, à savoir le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), qui traite également de sujets comme le statut des aumôniers dans les prisons et les armées, la formation des imams ou la mise en place de carrés musulmans dans les cimetières.
La construction de lieux de culte est encadrée par la loi du 9 décembre 1905 dite loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Celle-ci définit la liberté des cultes comme une liberté publique qui voit le jour en 1905 après la liberté de la presse (1881), des syndicats (1884) et des associations (1901). Elle est garantie par la République sous réserve, comme pour toutes les libertés, du respect de l’ordre public. Il est de la responsabilité de l’Etat et de ses représentants d’en assurer l’exercice. La loi et les jurisprudences sont, en réalité, très libérales et c’est bien ainsi.
Il convient dans ce contexte de rappeler le cadre législatif institué par la loi de 1905, à l’intention des politiques, des élus mais aussi des associations cultuelles qui souhaitent porter un projet d’édifice.
La présente note ne traite que des associations cultuelles telles que définies dans la loi de 1905 (celles de statut 1901 en sont exclues). Elle n’a pas vocation à répondre à toutes les interrogations que pose l’organisation du culte musulman et encore moins aux problématiques (marginales mais réelles) que sont les dérives radicales. Sa conclusion est toutefois claire et nette : la modification de la loi de 1905 n’est ni nécessaire, ni pertinente et les musulmans, s’ils parviennent à réunir les moyens pour construire des lieux de culte adéquats, peuvent s’insérer dans ce cadre juridique stable.
Un état des lieux peut être dressé :
A ce jour, on compte entre 1 500 et 2 000 édifices de culte, soit environ le même nombre qu’en Allemagne pour une population que l’on considère comme deux fois plus importante. A l’occasion de la création du CFCM en 2003, 1 700 lieux de culte
[4] ont été recensés en vue d’établir la carte électorale de ce conseil
[5]. Les observateurs
[6] ont fait remarquer qu’à peine une dizaine sont de grandes mosquées, visibles, parfois ornées d’un minaret, situées dans des grandes villes ou des concentrations urbaines importantes (que Bernard Godard et Sylvie Taussig
[7] appellent aussi « mosquées-cathédrales »). La majorité des autres lieux, qui se partagent entre pavillons et autres lieux plus modestes (salles, hangars installés dans des sous-sols d’HLM, des foyers SONACOTRA ou encore des garages
[8]) accréditent parfois l’idée que nous ne sommes pas sortis de « l’islam des caves ». Ces mêmes personnalités ajoutaient que le culte catholique comptait environ 39 000 églises : si « comparaison ne vaut pas raison », cette distorsion de moyens devait selon eux inciter à éradiquer les lieux de culte indignes afin qu’on sorte une fois pour toutes « des caves ».
Il faut toutefois nuancer cette appréciation en fonction des besoins exprimés par les musulmans eux-mêmes. Si l’on peut penser que la présence de lieux monumentaux à forte capacité d’accueil leur paraît nécessaire pour entériner la visibilité de l’Islam de France, les besoins sont le plus souvent ceux de locaux de capacité moindre mais de proximité, qui puissent convenir à la diversité de chaque communauté. Il reste que même de ce point de vue, les capacités d’accueil sont actuellement insuffisantes.
La question de la construction des mosquées se pose donc, et de ce fait celle de leur financement. On peut identifier trois sources de financement possibles selon les cas : la contribution des fidèles, le financement par des pays étrangers et enfin les financements publics.
Contrairement aux idées reçues, la contribution des fidèles est l’une des principales sources de financement des lieux de culte musulmans en France. La plupart du temps, surtout si elles sont complétées par les ressources issues du commerce de la viande hallal, ces ressources sont suffisantes pour l’acquisition et la construction des petits et moyens lieux de culte.
Les contributions étrangères venant de pays musulmans (Arabie saoudite, pays du Golfe, parfois même Libye), qui alimentent tant de fantasmes, sont en réalité aujourd’hui marginales. De nombreux musulmans refusent ce qu’ils redoutent comme une tutelle possible. Pour la même raison, ils sont réticents devant des aides publiques qui viseraient à enrégimenter l’islam et à le contrôler. En effet, si la loi interdit les aides directes à la construction, elle permet par de nombreux dispositifs de faire bénéficier les associations cultuelles d’aides indirectes. .
1 - CONSTRUIRE ET ENTRETENIR DES EDIFICES DU CULTE SANS MODIFIER LA LOI
La loi de 1905, si elle ne salarie et ne subventionne aucun culte, présente une série de dispositions pour permettre l’édification et l’entretien des édifices du culte que la jurisprudence a complétées au fil du temps. Ainsi, il existe la possibilité de conclure des baux entre associations cultuelles et collectivités locales ; des aménagements et des avantages fiscaux peuvent également être prévus de même que des dispositions pour l’entretien et la conservation des édifices.
1. 1 - La loi du 9 décembre 1905 et les jurisprudences ultérieures : une construction libérale[9]
La loi du 9 décembre 1905, dans son article 1er, « assure la liberté de conscience » et « garantit le libre exercice des cultes ». Emile Poulat, dans son ouvrage Scruter la loi de 1905, analyse les liens entre la liberté de conscience qui est une liberté individuelle, un droit de l’homme reconnu par la République, et la liberté de culte qui est une liberté collective et seconde fondée sur la précédente. Cet article fondateur décrit de façon concise la laïcité : d’abord une idée, ensuite une liberté publique, la liberté de conscience (assurée par la République), enfin un régime inscrit dans le droit garantissant le libre exercice des cultes (garanti par la République). Les quarante trois autres articles de la loi sont consacrés exclusivement au nouveau régime cultuel.
Le concordat de 1801 reconnaissait quatre cultes
[10], les autres étaient soumis à autorisation. La loi de 1905 supprime cette distinction : désormais tous les cultes présents et à venir peuvent s’exercer librement. Précision importante : la République ne les reconnaît pas mais elle les connaît et garantit leur libre exercice
[11].
La législation française sur l’édification des nouveaux édifices du culte est la même pour tous les cultes sans distinction. Pour le législateur, un culte est une totalité qui comprend des édifices, des ministres et un budget. Avant 1905, l’exercice des cultes était un service public : la loi supprime leur budget ainsi que les établissements publics en charge de leur gestion. Des associations de droit privé dites associations cultuelles ont progressivement remplacé les établissements publics. Celles constituées dans l’année qui suivait la loi pouvaient hériter des anciens établissements publics. La loi précise qu’elles se conforment « aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice » (Art.4), « elles ne pourront sous quelque forme que ce soit recevoir des subventions de l’Etat, des départements ou des communes. Ne sont pas considérées comme subvention les sommes allouées pour réparation aux monuments classés » (Art.19). Première dérogation qui sera suivie d’autres au principe de non subventionnement ! S’agit t-il d’une privatisation au sens où nous l’entendons actuellement ? La séparation n’est pas totale, car si les ministres du culte ne sont plus payés par l’Etat, ce dernier reste propriétaire des édifices du culte. Il en laisse l’usage gratuit aux associations cultuelles désormais en charge des cultes.
Dans son article 2, la loi dispose que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Faut-il pour autant en conclure que l’Etat ou les collectivités locales ne sont pas impliqués dans la construction et l’entretien des édifices du culte ?
[12] Plusieurs dispositifs, de nature très différente, constituent des facilités réelles pour ceux qui veulent pratiquer leur religion.
1. 2 - Des possibilités pour la construction d’édifices du culte[13]
Dans le champ d’application de la loi, les collectivités publiques ne peuvent pas subventionner directement la construction de nouveaux lieux de culte, quelle que soit la religion concernée. Des possibilités existent toutefois pour faciliter de telles réalisations.
Le bail de droit commun : rien n’empêche une municipalité de signer un bail avec une association ayant pour objectif (exclusif ou non) la pratique d’un culte. Pour éviter de se voir accuser de le subventionner, elle doit appliquer un loyer en relation avec les prix du marché et la qualité du lieu.
Le bail emphytéotique administratif (Code général des collectivités territoriales, art. L. 1311-2) repose sur la mise à disposition d’un terrain à une association cultuelle au moyen d’un bail emphytéotique administratif pour une longue durée (jusqu’à 99 ans) ;
Sur ce point, il faut noter que les associations cultuelles traditionnelles ont, dans les faits, bénéficié d’un loyer
symbolique, ce qui est contesté parfois pour le culte musulman. Ainsi, suite à un recours devant le tribunal administratif, l’association « Mosquée de Marseille » s’est vue refuser l’attribution d’un terrain au prétexte que le loyer symbolique était une subvention déguisée. Un autre bail a été conclu pour le même terrain pour un loyer annuel de 24 000€ soit une évaluation 80 fois supérieure à l’évaluation initiale. Le Tribunal administratif de Marseille a reconnu la légalité de ce nouveau bail. Commentant cette décision, le Conseil d’Etat dans son rapport public 2004
[14],
Un siècle de laïcité, parle d’un
prix modique et non plus
symbolique.
Le montant de ce loyer dépend en dernier ressort de la municipalité. A l’issue du bail, soit il est reconduit, soit le terrain est rendu en l’état où il a été cédé, soit l’édifice est acquis au propriétaire du terrain. Le bail emphytéotique peut être attribué à toutes les associations cultuelles sans distinction.
La garantie d’emprunt prévue par les articles L. 2252-4 et L. 3231-5 du code général des collectivités territoriales est une troisième possibilité. Les communes et les départements peuvent garantir un emprunt contracté par une association cultuelle en vue de la construction d’un édifice du culte dans des agglomérations en voie de développement. L’Etat et les régions ne le peuvent pas.
De manière générale, « la construction et l’aménagement des lieux de culte ne sont soumis à aucune formalité ou autorisation autre que celles prévues d’une façon générale par le Code de l’urbanisme
[15] »
. En ce sens, la question des minarets est une fausse question puisque le Code de l’urbanisme est la référence en la matière. On ne peut toutefois pas ignorer qu’il n’est
pas indépendant des conceptions philosophiques, idéologiques et politiques qui organisent une société. Ainsi, la préparation d’un dossier par une association loi 1905 ne peut être seulement technique, mais doit bien prendre en compte toute la charge culturelle d’une telle construction. C’est en ce sens que l’on peut comprendre l’hostilité aux minarets de styles « anatoliens » dans la campagne alsacienne, même si le racisme ordinaire se cache parfois derrière le souhait de protéger une identité architecturale. Mais il faut aussi rappeler que Paris accueille au cœur du 5
ème arrondissement la Grande Mosquée et son minaret depuis 1926.
Enfin, il est vrai que certains maires abusent de leurs pouvoirs en matière d’urbanisme (droit de préemption par exemple) pour ralentir, voire faire échouer, un projet d’édifice du culte musulman, en poursuivant des fins électoralistes. Dans ce cas, il est fondamental que les responsables associatifs, accompagnés des citoyens engagés dans la défense des droits de l’homme, se fassent entendre, y compris devant les tribunaux compétents.
1. 3 - Les avantages fiscaux pour les associations cultuelles
Dans la loi du 9 décembre 1905, le législateur, dans les articles 4 et 19, a défini les droits et devoirs des associations cultuelles qui succèdent aux établissements publics du culte. Elles bénéficient d’avantages fiscaux non négligeables qui furent pour certains accordés ultérieurement :
- La déductibilité de l’impôt sur le revenu des dons des personnes physiques ou morales affectés à une association cultuelle qui construit un édifice du culte (art. 4 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, modifié par l’article 138 de la loi du 12 mai 2009).
- L’exonération de la taxe foncière et de la taxe d’habitation pour les édifices du culte, qu’ils appartiennent à une personne publique ou à une association cultuelle.
1. 4 - Des dispositifs favorables pour l’entretien et la conservation des édifices du culte
La loi votée en 1905 laissait à la charge de l’affectataire tous les frais d’entretien et de conservation jusqu’en 1908, où une loi du 13 avril (Art. 5) toujours en vigueur dispose que « l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi ».
Il s’agit d’une simple faculté et non d’une obligation, mais cela revient au même dès lors que, en cas de défaut d’entretien, la responsabilité de la collectivité peut être engagée. La personne publique peut certes refuser de procéder à des travaux d’entretien, à ses risques. Dans ce cas, les fidèles peuvent apporter leur concours financier, avec l’accord de l’administration.
Lorsque l’édifice du culte appartient à une personne privée, il convient de distinguer deux situations :
- Le propriétaire n’est pas une association cultuelle : les chapelles de congrégation au premier chef, les chapelles de château etc. Il prend en charge l’entretien et la conservation de l’édifice.
- Le propriétaire est une association cultuelle : « une intervention publique est rendue possible par le dernier alinéa de la rédaction actuellement en vigueur de l'article 19 de la loi du 9 décembre 1905, qui prévoit que les associations cultuelles “ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État, des départements et des communes”, mais dispose dans la phrase suivante que “ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques” ». (Réponse de ministre de l’intérieur au député Ménard). Cette dernière précision vient d’une loi du 25 décembre 1942 qui n’a pas été remise en cause au sortir de la guerre. Emile Poulat commente cette disposition : « La loi votée en 1905 limitait l’exception aux “monuments classés” quel que soit leur titre de propriété. La loi de Vichy de 1942 généralise cette exception à l’ensemble des édifices affectés au culte toujours sans égard à leur titre de propriété, et même à leur date de construction » (Scruter la loi de 1905, p. 140).
Au total, comme le fait remarquer le Conseil d’Etat dans son rapport public de 2004, la différence entre les deux régimes (édifices, propriétés de la puissance publique, ou d’une association cultuelle) peut paraître ténue. Les textes sont clairs, mais le besoin se fait surtout sentir d’une enquête sur les pratiques relatives à l’entretien et à la conservation des édifices propriétés des associations cultuelles.
Le Conseil d’Etat circonscrit de façon précise le champ des travaux d’entretien et de conservation :
- Tout embellissement, tout agrandissement, tout achat de meuble sont interdits.
- Est admise la réfection partielle de l’immeuble voir sa reconstruction dés lors que son coût n’excède pas celui qui résulterait de la consolidation de l’édifice.
- Pour l’électricité et le chauffage, il convient de distinguer les frais initiaux d’installation qui peuvent être pris en charge par la commune au titre de la nécessaire conservation de l’édifice (humidité des murs, défaut d’éclairage, source d’accident, etc.) et les frais de fonctionnement (consommation d’électricité ou de fuel) qui incombent à l’occupant (association cultuelle, paroisse).
Lorsque la personne publique propriétaire d’édifices antérieurs à 1905 engage des dépenses à ce titre, les travaux sont entrepris sous son autorité et sa responsabilité ; il s’agit de travaux publics et le Code des marchés publics est applicable. Les travaux effectués dans des édifices postérieurs à 1905 et propriété d’une association cultuelle sont toujours effectués sous la responsabilité de la personne privée propriétaire.
2 - LA LOI DE 1905 : UNE LOI QUI CLARIFIE ET PROTEGE
On ne peut pas voir dans les dispositions de la loi de 1905 et dans les jurisprudences qui l’ont précisée une loi anti-religieuse, mais plutôt une loi de normalisation, de régularisation et de promotion de la liberté de culte. Ainsi, une municipalité peut, si elle le souhaite, aider à l’édification ou à l’instauration d’un édifice du culte. La loi de 1905 protège le droit de pratiquer son culte, quelle que soit la religion : on l’invoque pour refuser l’accès à une salle pouvant servir de lieu de culte, alors qu’elle garantit le contraire
[16].
Loin de les interdire, la loi de 1905 permet donc la construction d’édifices du culte musulman. La difficulté réside dans le « laisser construire » et dans la mobilisation des moyens nécessaires. Pourtant, des projets sont régulièrement bloqués ou rejetés. Les raisons en sont multiples : méfiance, défiance ou ignorance des possibilités offertes par la loi de la part des autorités, mais aussi des associations qui proposent des projets mal « ficelés » et qui, face aux obstacles, ont tendance à renoncer à faire valoir leurs droits légitimes devant les juridictions compétentes. Les solutions aux problèmes constatés sur le terrain (qui peuvent engendrer de la frustration chez les musulmans, voire un réflexe de repli vers des structures n’offrant pas la même transparence du culte) ne sont donc pas à chercher dans la loi mais bien dans l’accompagnement de la démarche de projet auprès des autorités compétentes, des associations porteuses de projet mais aussi des citoyens.
La proposition consistant à modifier la loi de 1905, ou d’en suspendre l’application pendant quelques années, le temps d’un rattrapage, est donc une fausse bonne idée. Elle donnerait le sentiment que l’Etat rompt avec un siècle de laïcité et les musulmans seraient à nouveau la cible de critiques. La bonne connaissance du possible par les élus, par les associations et les pratiquants, ainsi que l’évaluation des pratiques sur l’ensemble du territoire sont à l’inverse les préalables pour que la laïcité, synonyme avant tout de liberté, puisse jouer en faveur de tous les cultes, et en particulier de l’Islam.
En fait les difficultés rencontrées par la construction de mosquées ne sont pas principalement d’ordre juridique, ni même financier. Elles se heurtent à deux types d’obstacles majeurs : d’une part, le problème peut devenir un enjeu des politiques locales, avec surenchère islamophobe comme cela a été le cas à Strasbourg où la municipalité de droite a fait campagne contre le projet porté par la précédente majorité de gauche et n’a eu de cesse, arrivée au pouvoir, de l’annuler. Dans d’autres cas, au contraire, on a pu observer le développement autour de projets de ce type d’un véritable clientélisme électoral avec pour enjeu un prétendu « vote musulman » et une volonté de mise sous tutelle de l’islam local.
La seconde difficulté réside souvent dans l’absence de formation juridique et administrative des associations cultuelles musulmanes, pour monter des dossiers et suivre des négociations longues et complexes. En outre, il n’y a en général aucune raison pour que localement des musulmans de diverses origines nationales et géographiques, voire de diverses sensibilités musulmanes, se regroupent pour faire des projets ensemble : l’islam n’a pas la cohésion hiérarchique du catholicisme et ressemble de ce point de vue beaucoup plus à l’éclatement des communautés et cultes protestants.
De ce point de vue, plutôt qu’une modification de la loi, procédure lourde qui risquerait de remettre en cause l’équilibre qu’elle a su instaurer, et qu’aucun acteur majeur ne réclame, il vaudrait mieux se concentrer sur trois points :
- Rappeler aux élus et en général aux responsables de l’autorité publique le sens de la loi de 1905 et de la laïcité. En particulier rappeler que la laïcité concerne au premier chef les institutions et ne dit rien des individus privés. En revanche, elle garantit le libre exercice des cultes comme une liberté fondamentale, ce qui implique une visibilité publique des cultes (même si ceux-ci sont tenus à distance de toute ingérence dans le droit public). Cela vaut aussi pour le culte musulman. Il est donc illégal d’entraver l’exercice du culte musulman.
- Expliquer la réalité des faits concernant l’islam de France et s’opposer aux tentatives de stigmatisation de l’islam, d’où qu’elles viennent. Il y a là une responsabilité politique majeure des dirigeants politiques de ce pays, et il ne semble pas qu’ils l’aient généralement comprise, préférant tenir des discours de stigmatisation et de division qui peuvent être lourds de conséquences.
- Aider les musulmans qui le souhaitent à s’orienter dans le maquis technique des dispositifs législatifs concernant l’exercice du culte, et d’une manière générale, favoriser l’exercice libre du culte musulman en recourant à des dispositifs analogues aux « accommodements raisonnables » des québécois comme certaines villes ont déjà commencé de le faire
[17].
CONCLUSION
Loin du tableau catastrophiste souvent dressé, l’Islam, dans notre pays constitue une part légitime de la France contemporaine. La construction dans de bonnes conditions d’édifices du culte est la preuve de l’intégration normale du culte musulman dans notre pays.
Loin de « l’islam des caves » des années 1970 ou de « l’islam salafiste des cités » (un courant marginal qui appelle des réponses que la loi de 1905 ne peut pas fournir, mais qui, instrumentalisé dans un discours fantasmagorique, est devenu un épouvantail anti-mosquées), le culte musulman devrait pouvoir se banaliser et offrir de plus en plus de structures de bonne qualité à ses pratiquants. Les enjeux autour des édifices du culte musulman aujourd’hui sont au nombre de trois : un enjeu philosophique, un enjeu géographique et un enjeu de représentativité institutionnelle et politique.
L’enjeu philosophique est aujourd’hui d’intégrer au mieux les édifices du culte à la vie de la cité dans la laïcité à la française. Pour cela, il faut d’abord considérer l’islam comme français, légitime et pratiqué dans le cadre de notre culture politique, qui passe par l’acceptation, la diffusion et le respect de la loi de 1905 par tous (institutions représentatives du culte, associations cultuelles usagères des édifices, collectivités territoriales, Etat et citoyens en général). A l’origine inconnu du champ de la loi, le culte musulman ne peut pas être discriminé à cause de son développement relativement récent
[18] : au même titre que les autres cultes, il doit se plier aux mêmes devoirs en bénéficiant des mêmes droits, l’argument du rattrapage ne suffisant pas pour écarter un siècle d’histoire.
La question des édifices du culte est trop limitée à une réflexion sur la surface utile (par un ratio nombres de musulmans / m
2) et à une comparaison stérile avec le nombre d’édifices catholiques. Cette méthode ignore trois variables majeures : le nombre réel de pratiquants fréquentant les mosquées et salles de prières, la ventilation géographique des pratiquants, et enfin le rapide, inexorable et réel mouvement de sécularisation des Français de confession musulmane. Aujourd’hui on estime que la masse des musulmans se divise en trois tiers : un tiers de pratiquants (vieillissant), un tiers de pratiquants occasionnels et un tiers de personnes se réclamant d’une attache culturelle
[19]. Ensuite, les musulmans de demain seront encore plus mobiles selon les besoins professionnels et les parcours de vie, se dispersant sur le territoire. Enfin, la sécularisation des musulmans en France est déjà une réalité et s’accentuera dans un contexte de société laïque et post-moderne (même si de sensibles remontées de la pratique peuvent être ponctuellement constatées) : les mosquées seront sans aucun doute bien moins fréquentées à moyen terme, posant la question de l’entretien par les fidèles et de son coût.
L’enjeu politique se décline sur au moins deux plans. Tout d’abord, les édifices du culte sont l’unité de base du calcul de la représentativité électorale dans les élections du CFCM. Si la représentativité est faussée par des interventions discrétionnaires décidées par l’autorité politique de tutelle
[20], il n’en reste pas moins que ces espaces sont les clefs du vote. Il est donc absolument nécessaire que s’exerce une vraie transparence sur ces lieux qui doivent correspondre au seul besoin local d’une communauté d’usagers (et dont la taille doit être adaptée), et non au désir de l’Etat de modeler à sa guise une représentation idéale qui serve sa vision politique. Deuxième enjeu politique, l’influence des pays étrangers sur leurs « communautés » résidentes, et les luttes que peuvent se livrer entre eux ces pays. A terme, c’est surement le mode de désignation du CFCM que les musulmans devront réformer pour arriver à un mode de scrutin par liste respectant la proportionnalité réelle, l’Etat se contentant de faire souscrire les candidats au préambule des statuts du CFCM
[21]. C’est par cette exigence de transparence et d’indépendance vis-à-vis d’intérêts qui n’ont que peu à voir avec la pratique spirituelle que les croyants, généralement usagers des salles de proximité et des petites mosquées, et qui ont boudé les derniers scrutins, retrouveront l’envie de s’investir dans la vie institutionnelle du culte musulman français.
Dans une réflexion générale sur la laïcité, il convient également d’affirmer, avec Jean Boussinesq
[22], que le concept de laïcité recouvre en France trois principes différents : des philosophies laïques (souvent opposées) ; une mentalité laïque qui est ce que la société croit savoir de la laïcité, et pour terminer les lois laïques et leurs jurisprudences qui fondent le droit français en la matière. C’est à la lumière de ces dernières que les rapports entre les religions et la République doivent s’épanouir. La laïcité française pourrait se définir comme une neutralité institutionnelle ou encore, comme l’appelle Paul Ricœur, «
un agnosticisme institutionnel » : l’Etat ne pense pas la religion, il n’est ni religieux, ni athée ; il ne les nie pas, il ne les ignore pas.
En assurant la liberté de conscience, la garantie du libre exercice des cultes et un immense champ de possibilités pour la pratique du culte dans les édifices appropriés, la loi de 1905 se révèle encore d’une modernité absolue. L’intelligence de sa rédaction, l’esprit qui la traverse et la pertinence de son existence lui permettent d’intégrer de nouveaux cultes, de respecter les sensibilités culturelles et d’intégrer la diversité au cœur de la République. Pilier de la démocratie, elle doit être défendue contre les tentations extrémistes qui veulent l’instrumentaliser. Pour cela, il faut la comprendre, l’expliquer, la faire respecter afin qu’elle reste le legs majeur du combat pour nos libertés et une garantie de la paix civile.
[1] En France, on considère que les musulmans représentent une population allant de 5 à 6 millions de personnes selon le ministère de l’Intérieur, à environ 4 millions de personnes selon le Haut Conseil à l’Intégration dans son rapport
L’Islam dans la République (2000). L’étude « Trajectoires et Origines » réalisée par l'Institut national des études démographiques (INED) et l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2008-2009, fondée sur l’autodéclaration des enquêtés estime pour sa part le nombre de musulmans en France à 2,1 millions.
[2] Ce second pilier est précédé par la profession de foi et suivi par le jeûne du Ramadan, puis par l’aumône et le pèlerinage.
[3] Cette suggestion n’est pas neuve. Elle figurait déjà dans un rapport de 1980, où « le député Philippe Marchand prônait le financement public des mosquées au nom d’un rattrapage par rapport aux autres cultes. » in Bernard Godard et Sylvie Taussig,
Les musulmans en France, Robert Laffont 2007, repris dans la coll. Pluriel, 2008, p. 110.
[4] On notera qu’il vaut mieux parler d’édifices du culte puisque la tradition islamique prévoit que, comme chez les chrétiens, l’on puisse officier en plein air en certaines occasions (c’est le
musalla).
[5]Pour 2005, ce sont 1 221 mosquées et salles de prière et 5 232 délégués qui prirent part au vote, et 1 039 lieux de culte en 2008.
[8] La typologie officielle de ces édifices est celle proposée par les règlements électoraux déposés en annexe des statuts du CFCM et des CRCM. Ainsi, une salle de prière correspond à un lieu doté d’une surface utile de moins de 100 m
2, les salles de prières et mosquées de 101 à 800 m
2, une grande Mosquée de plus de 800 m
2. Voir l’enquête du Journal
Libération du 22 décembre 2010 (p.2) : « Une étude sur la superficie cultuelle musulmane rapporte que 300 000 mètres carrés sont actuellement disponibles dans l’Hexagone. Il en faudrait le double, selon le CFCM. Aujourd’hui, 150 projets seraient en cours de construction sur tout le territoire, ce qui constitue un « rattrapage indéniable » pour Moussaoui » (Mohammed Moussaoui est le président du CFCM).
[9]Dans ce chapitre ne seront pas abordés le statut des édifices du culte d’Alsace Moselle sous régime concordataire, celui de la Guyane française régi par l'ordonnance royale du 27 août 1828, et ceux des territoires d’outre mer suivants : Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Mayotte et Comores, St Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna dans lesquels s'appliquent les dispositions des « décrets Mandel » de 1939.
[10] Culte catholique, luthérien, réformé (Calvin), israélite. L’islam est alors exclu de cette réflexion.
[11] Il convient de souligner que la phrase « L’Etat ne reconnaît aucun culte » (Art. 1 de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat) signifie que l’on passe d’un régime de culte reconnu à un régime de culte non reconnu, cela ne signifie pas que la République ignore les cultes.
[12] La réponse de la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, à une question écrite du député Christian Ménard (Finistère) rappelle le cadre juridique dans lequel l’Etat peut intervenir pour la construction et l’entretien des édifices du culte :
www.assemblee-nationale.fr/13è ;me législature 31 octobre 2007, Question n°4627
[13]L’Alsace et la Lorraine, concordataires, sont exclues de ce régime, ce qui a rendu possible le financement de la Grande Mosquée de Strasbourg par le Conseil régional (8%), le Conseil général (8%) et la municipalité (10%).
[15] Note écrite du 14 février 2005, ministère de l’Intérieur.
[16] Par une décision n° 304053 du 30 mars 2007, rendue en urgence, le Conseil d’État statue sur le refus de location d’une salle municipale à une association cultuelle et souligne que « Le refus opposé à une association cultuelle de lui accorder la location d’une salle municipale […] porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion, qui est une liberté fondamentale, dès lors que la commune ne fait état d’aucune menace à l’ordre public, mais seulement de considérations générales relatives au caractère sectaire de l’association ». La décision précise que « la crainte, purement éventuelle, que les salles municipales soient l’objet de sollicitations répétées pour des manifestations à but religieux ne saurait davantage justifier légalement le refus de la ville ». Il n’y a que dans le cas de la cession gracieuse d’un espace qu’une municipalité peut veiller à ce que les critères de mixité, de non-segmentation sociale et de respect des conditions de libre accès à tous soient respectés. Cette attribution gracieuse est soumise aux règles du code de l’hygiène et ne doit pas donner lieu à des troubles de l’ordre public. Si elle devient habituelle ou récurrente, elle peut alors passer pour une subvention déguisée. Citée par Dounia Bouzar dans :
Laïcité, mode d’emploi. Cadre légal et solutions pratiques : 42 études de cas, Librairie Eyrolles. 2010.
[17] Dans la commune de Tourcoing, « le maire défend une conception moderne de la laïcité »,
Le Monde du 25 mars 2011.
[18] Les mosquées sont loin d’être les édifices du culte les plus en croissance. En effet, ce sont les temples protestants - évangéliques qui se développent le plus : en 30 ans ce sont 1 000 lieux qui ont été ouverts.
[19] Selon
La Croix du 17 janvier 2008, 39% des musulmans interrogés déclarent prier cinq fois par jour, la fréquentation des mosquées s’établissant à 23%.
[20] Dont la désignation d’un certain nombre de délégués supplémentaires à la seule mosquée de Paris et la nomination de membres du CA du CFCM en dehors du scrutin. Cette intervention du politique dans le religieux constitue une grave entorse au principe de séparation de l’Etat et des cultes.
[21] Il s’appuie sur les
Principes et fondements juridiques régissant les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman en France par lequel les groupements et associations de musulmans confirment solennellement leur attachement aux principes fondamentaux de la République française et notamment les articles 10 et 11 de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, l'article 1
er de la Constitution et les dispositions de la loi du 9 décembre 1905. Ils adhèrent également au principe rappelé par le préambule de la Constitution et défini par l'article 1
er de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Cf.
Le journal de la Consultation des musulmans de France, n°1, édité par le ministère de l'Intérieur, mars 2000.
[22] Jean Boussinesq,
La laïcité française, éditions du Seuil, avril 1994.