La politique, l’Etat et la liberté...
Suivre l’actualité pas à pas, c’est vivre et penser au quotidien, la question de la politique, de l’Etat et celle de la liberté. Des questions fondatrices et essentielles qu’il convient au citoyen de décortiquer, sans idéalisme ni cynisme.
Qu’est-ce que la politique ? La politique est un art qui consiste à isoler, au maximum, ses adversaires de leurs alliés, de leurs appuis et de leur base électorale, pour les affaiblir et dans le but de favoriser sa propre position sur l’échiquier politique. Une position qui devra s’appuyer sur un système d’alliance plurielles et diverses pour prévenir les éventuelles trahisons, mais également sur une capacité à se rendre utile et efficace dans l’exercice de ses fonctions, car en politique, rien n’est plus précieux qu’un homme utile.
La politique est également un art qui s’appuie sur la capacité à agir et à maîtriser le discours. Le politique, par excellence, est un homme d’action. Mais celle-ci ne suffisant pas, le discours vient pallier cette insuffisance, soit en valorisant les réalisations politiques, soit en les feignant. La faculté à discourir est vitale pour le politique car le discours lui permet d’accéder au pouvoir et de le conserver. Le charisme ajouté à l’efficacité est un mélange redoutable qui garantit, à celui ou celle qui le possède, de longues et belles journées en politique. Mais fondamentalement, l’essence de la politique se résume à une chose : établir un rapport de force favorable à la défense et à la promotion de ses idées ou de ses valeurs. Sans ce rapport de force, il n’est pas possible d’exister sur l’échiquier politique... Les Romains, nous disent Hannah Arendt et Carl Schmidt, ont constitué, en leurs temps, un modèle fort et influent pour les révolutionnaires français, par la distinction qu’ils opéraient entre le pouvoir, le règne du droit et le commandement, autrement dit l’Etat, la loi et l’exécutif. Un propos, qui visait notamment, pour ses auteurs, à nuancer l’idée wébérienne selon laquelle le pouvoir est une relation essentielle entre commandement et obéissance.
Pourtant, cette distinction n’est que purement théorique car en pratique, les détenteurs du pouvoir tendent à assimiler le pouvoir, c’est-à-dire l’institution de l’Etat, avec une politique déterminée et n’hésitent pas à légitimer ces politiques en les affublant d’un vêtement juridique.
La loi, tout comme l’institution étatique dans son ensemble, servent fréquemment d’instruments et de moyens pour la poursuite de fins particulières ou corporatistes. Pour de tels dirigeants ou mouvements politiques, la défense des intérêts de la nation se confond avec la défense de leurs propres intérêts. Cet état d’esprit est généralement le résultat d’une pratique prolongée du pouvoir, ou bien encore celle d’individus inaptes à l’assumer.
Fondamentalement, il existe trois moments décisifs dans la réalité du pouvoir :
1) l’acquisition du pouvoir,
2) l’exercice du pouvoir,
3) la conservation du pouvoir.
L’acquisition du pouvoir dépend essentiellement de la nature du gouvernement, de sa légitimité et des traditions politiques en usage dans une société.
L’exercice et le maintien d’un pouvoir deviennent possibles et se trouvent facilités si un gouvernement parvient à transformer ses ordres et ses commandements, en normes. Cette transformation est le signe qu’une telle politique a été acceptée et même intégrée par une nation. Mais c’est en pratique, assez peu le cas. Le souci majeur et dominant de tout gouvernant reste l’application de son programme politique, tel qu’il l’entend, et la neutralisation simultanée de tout ennemi, de toute force qui menacerait ou entraverait cette application. C’est précisément cette réalité du pouvoir qui favorise l’assimilation et l’identification des détenteurs du pouvoir avec le pouvoir lui-même...
Repenser le pouvoir
Un certain nombre de caractéristiques doivent, à ce sujet, déterminer la nature et le rôle l’Etat, de tout temps et en tout lieux. La première d’entre elle est l’autorité, car sans autorité pas de pouvoir ni d’Etat. La seconde est la pratique de la justice qui est le signe et la marque de son excellence. La justice est une garantie, pour l’Etat, de la paix civile. L’absence de justice nourrit les révoltes et la contestation, qui affaiblissent l’autorité de l’Etat. Enfin, la maîtrise de sa communication est un sérieux atout pour un gouvernement, qui doit faire preuve de pédagogie pour expliquer à ses administrés, ses orientations et ses décisions politiques.
Par ailleurs, une politique sera d’autant mieux acceptée par un peuple que ses dirigeants s’y seront eux-mêmes soumis. La simplicité, la modestie et l’absence de privilèges est la marque des grands leaders. Ces conditions sont nécessaires à la pérennité de tout ordre politique. Elles sont à la mesure de la difficulté majeure, pour tout Etat, de se maintenir en place et de s’assurer une existence sereine et pacifique. Compte tenu de la nature humaine, de son refus naturel de toute autorité, de sa tendance à défendre fondamentalement ses intérêts et à faire prévaloir ses désirs sur tout autres considérations, de sa violence et de sa versatilité, il est miraculeux de constater la relative stabilité des édifices étatiques actuels, que la seule puissance militaire de l’Etat ne suffit pas à expliquer.
Au-delà de ces réformes politiques de l’Etat, c’est toute la conception du pouvoir qu’il faut repenser. Il faut cesser de considérer le pouvoir comme un instrument de coercition, accordé ou conquis par les plus aptes, signe, gage et reconnaissance sociale, objet des convoitises. Il faut désormais établir et promouvoir une conception morale du pouvoir, comme source de responsabilité, comme vocation engageant des sacrifices et sans bénéfices matériels quelconque autre qu’un revenu moyen et suffisant pour vivre, à l’exemple des postes humanitaires. Le capital de la politique doit redevenir le souci d’équité, de réalisme et de service d’autrui et non plus la conquête d’une victoire et de bénéfices durables pour ses acteurs....
De la liberté à la loi
Il existe enfin, sur le fond, une contradiction réelle et certaine entre les concepts d’Etat et de démocratie. La démocratie peut se résumer à la proclamation d’une idée unique, celle de la liberté.
L’Etat, quant à lui, est une structure qui a ses propres exigences, contraires à celles de la liberté.
Pour exister et se maintenir, l’Etat s’organise et prends corps autour d’un certain nombre d’institutions, qui sont en fait des appareils, tel que la police, l’armée, l’administration et la justice.
La fonction et la raison d’être de ces appareils sont le maintien de l’ordre, donc de l’unité politique, d’un pays. Cette fonction de l’Etat s’accommode mal avec la défense ou même la reconnaissance et le respect de cette valeur informe qu’est la liberté car l’ordre est le résultat d’un contrôle permanent de l’appareil étatique.
Ce que l’on nomme “libertés publiques” et qui est censé incarner l’excellence de l’institution démocratique ne se réduit en fait qu’à un ensemble de prérogatives définies à l’avance et s’organisant sous la tutelle permanente de l’Etat.
La liberté n’est pas une définition, mais un état et une expérience que chaque être vit et détermine lui-même, avec comme seules limites, la nuisance réelle d’autrui.
Si cette nuisance doit bien faire l’objet d’une définition et d’une clarification juridique de la part de l’appareil d’Etat, ne serait-ce que pour fixer la part de permissivité et d’interdiction viable dans une société et délimiter la zone des droits de chaque particulier, il n’en demeure pas moins que le vote d’une loi par un gouvernement devrait être rare, limité et réduit aux aspects et aux questions les plus essentielles d’une société (religion, éducation, organisation sociale, organisation politique, activités économiques) car plus un Etat comporte de lois et moins il possède de libertés.
La liberté, dans la sphère des relations humaines, doit demeurer la règle, et non l’interdiction....
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