La primaire socialiste remet à l'honneur la TVA sociale. En mettant en place cet impôt proportionnel, les uns disent que les prix vont augmenter et les autres disent qu’il n’en sera rien. Alors qu’en est-il vraiment ?

D’abord il convient de dire qu’avec un volume prévisionnel d'environ 131 milliards d’euros, la TVA représentera en 2011 quelque 50 % du budget de l’Etat. C’est-à-dire le plus gros véhicule de financement des dépenses de l’Etat. Pas une mince affaire donc ! Augmenter la TVA de 5 % en la portant de 19,6 à 24,6 comme plusieurs voix le suggère, pourrait bien alors représenter un beau pactole pour financer les diverses promesses du candidat(e) élu(e) en 2012.
Cela étant et toute chose étant égale par ailleurs, car en économie de marché les prix sont librement fixés par les vendeurs et ce, quelle que soit la structure de leurs coûts, une augmentation de 5 % de la TVA peut-elle se traduire par une inflation mécanique des prix de 5 % ? Donc d’une baisse conséquente du pouvoir d’achat ? Il n’en sera pas autrement. Démonstration !
La TVA, comme son nom l’indique, est la Taxe qui a pour assiette la Valeur Ajoutée d’un produit ou d’un service. Cette valeur ajoutée se partage en cinq parts : les salaires, les prêteurs, les actionnaires, l’entreprise et l’Etat (impôts, taxes diverses et cotisations sociales dont charges patronales).
Si, pour la simplicité du calcul, 100 € représentent cette valeur ajoutée, une TVA de 19,6 % sur celle-ci fera passer ces 100 € à 119,6 €. Et, une TVA à 24,6 % fera, elle, passer ces 100 € à 124,6 %. Facile à comprendre ! Sans changer la valeur de la base, c’est-à-dire les 100 €, il y aura bien augmentation mécanique du prix, donc inflation et perte de pouvoir d’achat ... pour tous, mais surtout beaucoup plus sensible pour ceux qui gagnent peu.
Alors, pour qu’il n’y ait pas augmentation des prix, il faudrait obligatoirement réduire l’assiette sur laquelle s’appuie la fameuse TVA. En l’espèce, l’Etat proposerait de diminuer d’autant les charges patronales et devra laisser croire, à grand renfort d’explications, qu’une diminution de 5 % des charges patronales va compenser les 5 % de hausse de la TVA. Faux ! Totalement faux (*). Car cela supposerait que 100 % de la valeur ajoutée soient affectés au paiement des charges patronales, ce qui n’est pas le cas, fort heureusement. Les charges patronales sur les salaires ponctionnent tout au plus 20 à 25 % de la valeur ajoutée d’un produit. Même si la fabrication de ce produit est à forte utilisation de main-d’œuvre. Et, c’est bien sur ce type de travail, manuel et délocalisable, que l’Etat devra agir rapidement.
En fait, si l’Etat veut mettre en place une TVA sociale de 5 % qui n’engendre pas une hausse mécanique des prix, il faudra qu’il baisse les cotisations patronales de 20 % (*) !
Naturellement, l’Etat ne peut pas diminuer de 20 % les charges patronales. Alors, il devra probablement se limiter à 5 % comme le laisse entendre certaines voix. Cela veut dire que la hausse de la TVA va se traduire mécaniquement par une hausse des prix et donc par une augmentation de l’inflation de 3.13 % (*).
Au-delà des positions dogmatiques, qui ne grandissent personne et surtout ne vont pas dans l’intérêt du pays, il faudra à ceux qui l'ont promis… tenir leur promesse et passer aux actes. Et ne pas accoucher d’une souris, car ils auront prévu cette recette dans leur budget. En cas d'échec, c'est notre dette, souveraine, qui explosera à nouveau !
Mais soyons bon prince, avouons que la TVA sociale aura quand même des effets positifs, notamment si l’Etat fait nettement la différence entre le produit susceptible d’être délocalisé et le produit qui ne l’est pas :
- diminuer le coût du facteur travail ;
- diminuer la consommation de produits importés en les renchérissant ;
- éviter ou retarder certaines délocalisations ;
- commencer une véritable réflexion de fond sur la politique fiscale et la budgétisation des charges qui pèsent sur le travail dans notre pays.
En faisant de la sorte et de manière généralisée, l’Etat se heurtera cependant à plusieurs difficultés, notamment :
- baisse du pouvoir d’achat et donc diminution de la consommation et de la croissance ;
- mise en place d’une usine à gaz dans un mécano budgétaire compliqué ;
- avoir l’accord des autres pays européens et notamment des Eurolandais ;
- devoir se justifier auprès de l’OMC car la hausse différenciée de la TVA peut aussi être considérée comme une forme déguisée de barrière douanière à l’importation.
On le voit, la tâche sera dure et sûrement longue, bien qu'il faudra ne pas trop vite décevoir.
Le gouvernement de gauche piloté par Hollande, Aubry ou Ségolène, marchera sur des œufs durant quelques mois pour tenir ses premières promesses − que nous surveillerons −. Espérons que ces œufs soient totalement différents de ceux pourris dont Sarkozy a pavé l'économie française depuis 2002 et plus spécifiquement depuis 5 ans… pour l'emmener au bord du gouffre où elle se trouve actuellement, et où tout nouveau gouvernement la trouvera en mai 2012 ?
(*) Exemple dans lequel les cotisations patronales (CP) représentent 20 % du partage de la valeur ajoutée (VA).
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aujourd’hui
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CP = moins 20%
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CP = moins 5%
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Partage VA hors CP
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80 €
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80 €
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80 €
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CP
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20 €
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20 € - 20 % = 16 €
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20 € - 5 % = 19 €
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totale base VA
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100 €
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96 €
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99 €
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+ Tva
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19,6%
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24.6 %
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24.6 %
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prix de vente
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119.60 €
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119.61 €
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123.35 €
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inflation ?
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non
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non
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oui + 3,13 %
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