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Le bégaiement déplacé d’Henri Guaino sur l’homme africain

Le sommet sur l’Union pour la Méditerranée a signé le grand retour sur la scène médiatique d’Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. Depuis, difficile de lui échapper, il est partout, sur tous les plateaux, dans tous les studios donnant parfois l’impression que le vrai ministre des Affaires étrangères, c’est lui et non le falot Bernard Kouchner. La plume du président est aussi bavarde. Un peu trop. Attaché à sa liberté de ton, il récidive un an après le discours de Dakar sur l’homme africain, pas assez entré à ses yeux dans l’Histoire.

Quand un conseiller présidentiel tient dans le quotidien de référence, le journal Le Monde, des propos de café du commerce, il y a de quoi légitimement s’interroger. Grisé par les arcanes du pouvoir, Henri Guaino qui occupe l’ancien bureau de Valéry Giscard d’Estaing, juste à côté de celui de Nicolas Sarkozy, tout un symbole, a un avis sur tout et ne se fait pas prier pour en faire état. La plume du président qui connaît mieux que tout autre le poids des mots n’hésite pas, dans une tribune publiée par Le Monde de ce dimanche, à revenir sur le tollé qu’avait suscité le discours de Dakar qu’il avait écrit pour Nicolas Sarkozy.

Une phrase avait notamment suscité la controverse en France et l’émoi en Afrique  : « Le drame de l’Afrique est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». «  Le paysan africain, qui depuis des millénaires vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles  ».

Piqué au vif par la polémique, Henri Guaino tient donc à préciser sa pensée  : «  Revenons un instant sur le passage qui a déchaîné tant de passions et qui dit que “l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire”. Nulle part il n’est dit que les Africains n’ont pas d’histoire. Tout le monde en a une. Mais le rapport à l’Histoire n’est pas le même d’une époque à une autre, d’une civilisation à l’autre. Dans les sociétés paysannes, le temps cyclique l’emporte sur le temps linéaire, qui est celui de l’Histoire. Dans les sociétés modernes, c’est l’inverse. L’homme moderne est angoissé par une histoire dont il est l’acteur et dont il ne connaît pas la suite. Cette conception du temps qui se déploie dans la durée et dans une direction, c’est Rome et le judaïsme qui l’ont expérimentée les premiers. Puis il a fallu des millénaires pour que l’Occident invente l’idéologie du progrès. Cela ne veut pas dire que dans toutes les autres formes de civilisation il n’y a pas eu des progrès, des inventions cumulatives. Mais l’idéologie du progrès telle que nous la connaissons est propre à l’héritage des Lumières.  »

Henri Guaino prend le risque de conclure une polémique en en couvrant une autre. Peu importe le fond de la pensée de l’auteur du discours présidentiel. On peut légitimement juger que si les paroles du président ont offensé, c’est que le corps même du discours était ambigu. Avant d’accuser des lecteurs ou des auditeurs d’avoir mal compris ne faudrait-il pas préalablement se poser la question de savoir si la pensée exprimée l’a été avec suffisamment de clarté et de précautions  ? 

Henri Guaino fait tout l’inverse. Selon le conseiller spécial, les seules personnes choquées par le discours de Dakar ont été «  les élites installées  », les «  notables  » de l’Afrique or, selon lui, le discours de Nicolas Sarkozy ne leur était pas adressé, mais à la jeunesse africaine. Sûr de son fait et de sa plume, Henri Guaino n’hésite pas à conclure son propos par une indécente provocation  : «  Toute l’Afrique n’a pas rejeté le discours de Dakar. Encore faut-il le lire avec un peu de bonne foi. On peut en discuter sans mépris, sans insultes. Est-ce trop demander ? Et si nous n’en sommes pas capables, à quoi ressemblera demain notre démocratie ?  »

On n’accusera évidemment pas Henri Guaino de racisme ordinaire, mais le prisme de lecture de l’Histoire qu’il propose n’est-il pas, en caricaturant les choses, celui d’un homme blanc un peu trop sûr de la supériorité de «  sa  » vision, de sa civilisation qui aboutit pourtant paradoxalement en termes de «  progrès  » à la destruction de la planète  ? C’est bien là le principal défaut d’Henri Guaino, le manque d’humilité. Celui de demeurer à sa place, dans l’ombre du pouvoir. Le poids du voisinage sans doute, de regarder les gens entrer dans l’Histoire et rester soi-même dans une éphémère notoriété.

Un «  collaborateur  » de l’exécutif, aussi brillant et influent soit-il ne doit pas oublier un principe fondamental. Peu importe à qui appartiennent «  les petites mains  » qui rédigent les discours, à partir du moment où le président prend possession des feuillets et en donne lecture, il y a, de facto, transfert de propriété. Mots et pensées deviennent celles du président et de nul autre. Quelle que soit la frustration d’Henri Guaino, il faudra qu’il l’admette ou qu’il s’en aille. Sauf à devenir ministre.


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15 réactions à cet article    


  • La Taverne des Poètes 28 juillet 2008 15:11

    On voit bien que l’autre passe sa main sur l’épaule de Sarkozy pour nettoyer le guaino, pardon guano, qui est tombé dessus.



    • Nobody knows me Nobody knows me 28 juillet 2008 15:56

      C’est bien là le principal défaut d’Henri Guaino, le manque d’humilité

      Et le gros défaut d’une bonne tripotée de mange-merde dans le gouvernement et allons-y, de pas mal de politicards en France. Mon aversion pour ce gouvernement me pousserai à dire "surtout eux" mais en faisant le contraire de Guaino, en essayant d’adopter un autre point de vue, je distingue le même défaut chez beaucoup de personnes de l’opposition. Ca devient insupportable. Ces gens là ont tant de certitudes, ça me désole. C’est la formation ENA et assimilé de toute façon. C’est "l’élite". Et "l’élite" ne se trompe jamais, tout le monde le sait...
      J’ai l’impression qu’on essaye de nous fourguer un étalon de pensée auquel nous devrons nous tenir.
      Quant aux "notables mécontents", je te foutrai ce pingouin de Guaino au milieu de toutes les personnes indignées que j’ai entendues sur ce sujet, il ferai moins le malin...

      Bonne journée


      • Leila Leila 28 juillet 2008 16:06

        Le couplet de Guaino sur le paysan africain, "en harmonie avec la nature" n’est pas sans rappeler la politique de Pétain en 1940 (Pétain était maurassien, comme Guaino et Sarkozy). Jugeant que le peuple français n’était pas à la hauteur du peuple allemand, il voulait lui imposer un humiliant retour à la terre. C’était la rédemption d’un peuple longtemps trompé par ses élites. Parodiant Pétain, Sarkozy pourrait nous dire : « Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal ».


        • Bois-Guisbert 28 juillet 2008 19:01

          un humiliant retour à la terre

          C’est sûr, la condition du citadin est tellement supérieure ! Tssss...

          Pauvre bouffon, s’il savait, le citadin !


        • pinson 31 juillet 2008 18:33

          Aucun historien sérieux n’a jamais classé Pétain-considéré avant-guerre comme un parfait républicain - parmi les maurrassiens.
          Guaino a tout au plus des échos barrésiens.
          Quant à Sarko, il est évident qu’il ignore tout de Charles Maurras et de sa pensée.
          Comme vous, d’ailleurs, visiblement....


        • TEO TEO 28 juillet 2008 19:59

          C’est faire bien de cas des dissertations niveau Bac d’un Gourou qui n’en impose à son "Gouré" que parce que lui-même est bien inculte... malgré les cinq cerveaux que sa mijaurée lui prête.
          Avec de telles "lumières" pour guide, nous avons vite fait nous même d’en sortir de l’histoire... ce qui est d’ailleurs plus fait qu’à faire.


          • Nathan Nathan 28 juillet 2008 21:45

             Je pense que Guaino a fait du bon boulot pendant la campagne présidentielle de Sarkozy, et qu’il cherche actuellement son style pour l’U P M, union pour la méditerranée, projet intriguant et intéressant s’il en est.


            • Syrius Syrius 29 juillet 2008 01:07

              Les propos de Gaino ne sont pas entièrement absurdes, mais ils manquent de discernement. Disons qu’il oublie que toute l’Afrique n’est pas uniquement folklorique.
              Cependant, il existe effectivement un autre modele de société traditionnel , marqué par le folklore et qui est l’élaboration d’un mode de vie intrinsèquement lié à la terre et aux traditions ; la terre ainsi est la source de la richesse, de la nourriture, de la vie, de la spiritualité et de la mort des hommes qui y vivent, la travaillent, la cultivent, ou y enterrent leurs morts. A ce titre, il n’y a effectivement pas de linéarité, mais un rythme de vie, une culture, un folklore, profondément lié à l’attachement à la terre et à l’élaboration du mode de vie qui lui est directement lié.

              Ne nous leurrons pas, ce mode de vie existe. Maintenant, nous devons aussi nous demander s’il s’agit d’un déficit ou d’une différence, selon la classification chère à Noam Chomsky (periode linguiste). A priori, il semblerait que le discours de Sarkozy le voie comme un déficit, le referentiel standard choisi etant celui de la civilisation occidentale. Ou alors on peut le voir comme une simple différence, et se demander comment harmoniser au mieux les interets de chacun sans vouloir imposer une vision, finalement inspirée du colonialisme (qu est ce que le colonialisme - premier - sinon vouloir imposer la "bonne vision" occidentale comme modèle de développement ?).

              Pour moi le problème ne vient pas forcément tant de la formulation de la phrase (bien qu’elle soit vraiment horriblement maladroite) mais plus dans le renvoi à d’une part un referentiel occidental de développement (idée du déficit) et d’autre part, à une volonté de changement axiomatique des sociétés africaines traditionnelles. Je crois que nous n’avons pas le droit d’imposer (au nom d’un modele economique ou politique) à des populations qui ne l’ont pas choisies, qui ne l’ont pas souhaitées, qui ne l’ont pas conceptualisées parceque ce n’est pas issu de leur propre développement, un modele economique et social. Aider les pays et les peuples qui le veulent à faire evoluer leur pays en fonction des aspirations locales, oui, très certainement. Mais pas plus.


              • Vilain petit canard Vilain petit canard 29 juillet 2008 09:30

                Guaino est indécrottable, ses justifications sentent le renfermé. Ses paraphrases laborieuses et pédantes sur l’Histoire et une "conception du temps qui se déploie dans la durée et dans une direction" (paraît-il inventée par Rome et le judaïsme, ce qui est faux) essaient de cacher qu’il a vexé durablement les élites africaines avec ce discours digne du Second Empire, vous êtes gentil quand vous parlez de Pétain, ce dangereux moderniste. Une Afrique uniquemenr rurale, peuplée de paysans "non inscrits dans l’Histoire", "incapables de s’inventer un futur", voilà ce qu’il balance à des étudiants. Nègres, abrutis et péquenots, et dans la mouise tout de leur faute, voilà le portrait qu’il leur trace de leurs propres concitoyens. Ah c’est pas comme Nous, descendants des Romains, hein... Et il s’étonne du résultat.

                Dans le registre des dénominations policières chères à nos élites, après le "Sans Domicile Fixe"et le "Sans Papiers", faudra-t-il un jour inventer le "SIH" (Sans Inscription dans l’Histoire) ???

                Guaino me fait penser à ces abrutis qui vous lancent une vacherie, et qui devant votre réaction, essaient péniblement d’expliquer qu’ils ont "voulu faire de l’humour"... et que vous ne devriez pas vous irriter, ça montre que vous "manquez d’humour".

                Et je ne parle pas de l’autre crétin qui a dégobillé ce texte sans états d’âme...


                • E-fred E-fred 29 juillet 2008 09:59

                  Merci de revenir sur les propos qui effectivement nous montrent que : "c’est que le corps même du discours était ambigu." Un peu comme les articles de M.Rokotoarison...

                  Guaino s’enlise : " les seules personnes choquées par le discours de Dakar ont été « les élites installées », les « notables » de l’Afrique or, selon lui, le discours de Nicolas Sarkozy ne leur était pas adressé, mais à la jeunesse africaine"... La jeunesse africaine comme Zêdess qui fait la lumière sur les nouveaux critères de séléctions de l’immigration "choisie" par Bouygues-Dassault et consorts ?

                  Mais de quel "niveau inscrition dans l’histoire" veut parler Guaino, celle de " Tintin au Congo" ?




                  • Allain Jules Allain Jules 29 juillet 2008 10:58

                    Henri Guaino n’est qu’un triste sire de la République.

                    http://allainjulesblog.blogspot ;com/


                    • Cug Cug 29 juillet 2008 11:12

                      Ces Guaino et Sarko ce sont deux gros c..s.
                      Pas rentré dans l’histoire le "renoi" ?
                      N’importe quoi !
                      Je dirai qu’il y est rentré de force par l’esclavage et la colonisation. Si l’Afrique connait de sérieux soucis c’est en majeur parti à cause de la colonisation qui aujourd’hui encore montre son ignominie. Je ne crois pas que ces deux gros c..s soient en mesure de donner des leçons, ils feraient mieux de balayer devant leurs portes.
                      De plus, au cas ou ils ne l’auraient pas remarqué les "renois" nous ont donné beaucoup d’hommes plus que talentueux, James Brown, Senghor, Césaire et j’en passe beaucoup d’autres qui ont donné peaucoup plus pour l’Humanité que Sarko et Guaino.


                      • Vilain petit canard Vilain petit canard 29 juillet 2008 12:20

                        C’est vrai, d’ailleurs je n’échangerai jamais mes vinyles de James Brown contre tous les CD de Guaino !


                      • OGAMI 29 juillet 2008 13:23

                        Ni ceux de screaming jay ou sam cook contre le dernier de bruni


                      • abersabil abersabil 29 juillet 2008 14:08

                        la conception du temps est une idée de Rome et du judaisme.... !, n’importe quoi , pourquoi ne pas dire carrément " civilisation judéo chrétiènne ", là c’est plus nette avec tout ce que cela véhicule comme connotation raciste par domination de la race blanche, les autres couleurs passeraient peut etre quand on est gay-no n !!!

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Henry Moreigne

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