Le capitalisme des Champs-Elysées
Les débats récents sur les loyers des Champs-Elysées et la menace du développement des enseignes textiles - désormais seules à pouvoir acquitter les loyers - illustre la « tragédie des communes » ; ou comment l’application des lois du marché peut finir par tuer le marché.
Qui est l’auteur de la citations suivante : "Nous ne devons
pas laisser le marché s’autoréguler. Les politiques doivent intervenir."
Le porte-parole de la gauche anticapitaliste ? Un universitaire
marxiste ? Non. Il s’agit - selon Le Monde du 24 décembre - du président
de Virgin Mégastore, dans un article qui explique comment la hausse des loyers
des magasins de textile tire les loyers à la hausse, et chasse progressivement
libraires, cinémas et bistrots.
Passons rapidement sur le fait
que, selon Le Figaro du 15 juin, le même demandait une plus grande liberté pour
les commerçants en matière d’ouverture le dimanche : « Il faut
laisser la liberté aux commerçants. Il y a des tas d’ouvertures sauvages le
dimanche. L’hypocrisie administrative est totale ! ». On retrouve là une conception bien française
- mais également pratiquée dans de nombreux pays - de l’économie de marché qui
peut se définir par quelques principes. Premier principe : plus d’aides
aux entreprises, mais moins d’impôts. Deuxième principe : moins de
formalités dans le Code du travail, mais plus de réglementations pour réduire
Pour revenir sur les Champs-Elysées, la contradiction posée par le
responsable de Virgin Mégastore illustre également la « tragédie des
communes » - ou comment l’application pure de la loi du marché peut finir
par tuer le marché. Explication : chaque propriétaire des Champs-Elysées a
intérêt à ce que l’avenue reste attrayante : les gens y vont pour voir
l’Arc de Triomphe ou l’obélisque de la Concorde, mais aussi pour les cinémas,
pour boire un verre ou - pour prendre un exemple plus personnel - pour
acheter le dimanche un livre d’économie au Virgin Mégastore.
Or les magasins de textile ne génèrent pas d’afflux de clientèle,
mais ils exploitent celle qui se rend par milliers sur la « plus
belle avenue du monde ». Pour la même raison, plusieurs marques y ont
installé des « show rooms » : Renault, Citroën, Peugeot, Nike ou
bientôt Nespresso. Parce que cette exploitation est très rentable, ils peuvent
proposer des loyers élevés. Tellement élevés qu’ils peuvent finir par chasser
des Champs une partie de ceux qui faisaient que « si on ne sait pas quoi
faire, on va faire un tour sur les Champs ».
Les commerces qui attirent les visiteurs sur les Champs devraient
pouvoir bénéficier d’une partie des revenus de ceux qui profitent de l’afflux
de clientèle. Ce n’est pas le cas. Le risque est alors le suivant : que
les commerces attirants disparaissent, et que les Champs-Elysées perdent peu à
peu leur image - chaque propriétaire ayant pourtant intérêt à ce qu’existent
des commerces plus attirants mais moins rentables, mais aucun n’ayant intérêt à
perdre une partie de ses revenus en lui louant ses murs : des cinémas oui,
mais chez les autres !
Le ministre du Commerce propose que les villes puissent acheter des
fonds de commerce pour accueillir des cinémas - c’est là que la collectivité
occupe le rôle de celle qui perd de l’argent pour que les autres en gagnent. Il
vaudrait mieux pouvoir mettre en place une taxe d’un genre nouveau, qui
permette de taxer les commerces qui utilisent les flux de visiteurs sans en
générer eux-mêmes, et qui financerait une subvention aux lieux qui attirent le
plus.
Ces éléments pourraient, par exemple, être intégrés dans le calcul des
bases de taxes foncières pour les lieux touristiques - dans le cadre de
l’inévitable réforme des taxes locales. Dans le cas des Champs-Elysées,
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