Le chantage sécuritaire est aussi cruel qu’inutile
Cela fait 8 ans que Nicolas Sarkozy tient les manettes de la politique sécuritaire en France. Depuis 8 ans, il ne cesse de déclarer de façon récurrente la guerre à la délinquance, à la racaille qu’il veut karcheriser. Le résultat est loin d’être concluant. Un chef d’entreprise aurait été lourdé par ses actionnaires depuis longtemps. Heureusement pour la carrière du président de la république, elle obéit à une logique démocratique bien moins soucieuse de performance et de justice. Mais l’instrumentalisation de l’immigration et des roms pour faire oublier Lilianne et l’Odyssée et le mauvais état de notre économie va trop loin. Le concept de la tolérance zéro a son utilité, mais il vise les individus et leurs actes, pas des communautés (dont le périmètre reste à définir ; et toi, lecteur, à quelle communauté le pouvoir pourrait-il t’associer ?) rendues solidaires des délits de certains de leurs membres. Surtout, le nettoyage doit commencer par ceux qui nous gouvernent dans cet esprit paternaliste, infantilisant. Cet été nous a montré que le grand ménage reste à faire.
Cet épisode de l’ère sarkozyste ne va pas laisser la droite indemne. Elle peut rester solidaire de ce discours, mais alors rien ne justifie de continuer à traiter le FN comme un parti de pestiférés. Mais si elle assume les valeurs qui l’ont tenue éloignée de ce parti, elle se doit de condamner le grave écart de route du discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, exigeant l’éviction de Brice Hortefeux et de Christian Estrosi. Villepin (toujours encarté à l’UMP, on ne sait jamais) a beau jeu de sortir le grand jeu (surtout avec le ralliement d’Amine-Benalia-Brouch lassé par l’humour "UMP"), comme Christine Boutin de menancer de claquer la porte (quel avantage matériel ou politique lui reste-t-il en restant rattachée à l’UMP depuis le scandale de cet été ?) mais la critique de Raffarin, plus nuancée, n’est pas anodine. Alain Juppé s’agite, et même Rachida Dati ose critiquer ces dérapages contrôlés : "le tournant pris dans le débat qui a suivi la proposition du président de la République concernant l’extension de la déchéance de la nationalité française, est regrettable." D’ici 2012, il va y avoir de la casse à droite.
La préoccupation sécuritaire a certainement été sous-évaluée par les socialistes auparavant, et les libéraux ne lui ont pas encore apporté de réponse claire. Le bilan de la droite au pouvoir n’en est pas pour autant meilleur. La situation continue à se dégrader rapidement dans notre pays. Alors que les citoyens sentent bien la pression sécuritaire peser sur eux au quotidien, des bandes de jeunes terrorisent des quartiers dits "sensibles" de plus en plus nombreux. Leur jeu : tendre des embuscades aux forces de police dans l’espoir d’en blesser plusieurs, voire de les tuer. N’est-ce pas la manifestation la plus explicite du malaise profond de notre pays ? Mon analyse, c’est que nous trouvons les causes principales de ce mal dans l’assistanat généralisé, le discours de victimisation, l’inadaptation de l’école aux quartiers difficiles et le recul de l’Etat de droit.
Pour peu que ces voies soient efficaces (ce qui reste sujet à débat), augmenter la pression sécuritaire par l’ajout de caméras, la décentralisation et la réorganisation de la gestion des forces de police et d’autres mesures ne nous mènera nulle part si les racines du mal sont toujours là. Il nous revient d’engager sans tabou la réflexion globale autour de la chaine prévention - dissuasion - répression - réinsertion. Ségolène Royal l’avait bien compris dés 2007 lorsqu’elle parlait d’encadrement militaire de jeunes délinquants pour leur apprendre le sens de l’effort, le respect de l’autre et de soi. L’idée peut paraître saugrenue, mais des tests se sont révélés concluants dans d’autres pays. En attendant, la dérive xénophobe récente n’est pas seulement injuste et malsaine. Elle risque de compliquer la tâche des acteurs de cette chaine vitale pour l’avenir de notre société malade.
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