Le FN est-il un danger pour la république ?

Dans les années 1980, Le président Mitterrand avait adopté une stratégie délibérée de déstabilisation de la droite parlementaire en favorisant la montée du Front national, considérant que le RPR et ses alliés étaient un danger plus grand pour la démocratie que l’arrivée du FN au parlement. Le changement de mode de scrutin aidant (la décision de passer au scrutin proportionnel fut prise en mars 1985) aux élections législatives du 16 mars 1986, 35 députés du Front National furent élus.
Le paradoxe c’est que depuis cette époque, la gauche utilise le FN comme un épouvantail visant à culpabiliser la droite aux yeux de l’opinion et lui imposer des triangulaires au second tour dans toutes les élections et ainsi de gagner comme aux législatives de 1997, et de tenir de nombreux conseils régionaux et généraux, dans lesquels elle n’a pas obtenu de majorité absolue dans les urnes.
Le PS n’a pas toujours fait la fine bouche pour capter les voix du FN, aux élections législatives de 1973 à Montpellier (Hérault), Georges Frêche intervint personnellement pour plaider sa cause auprès d’une quinzaine de militants FN où il dénonça les « criminels gaullistes ». Frêche, donné perdant, sera cependant élu contre le candidat UDR de quelques centaines de voix. L’attitude du candidat socialiste ne provoque à l’époque aucun commentaire offusqué de la direction du parti socialiste.
Jusqu’en 1991, la droite passa de nombreux accords électoraux avec FN. Les directions du RPR et de l’UDF n’avaient pas leurs états d’âme d’aujourd’hui, voici quelques unes de leurs déclarations :
Jacques Chirac : « Ceux qui ont fait alliance avec les communistes sont définitivement disqualifiés pour donner des leçons en matière de droit de l’homme et de règles de démocratie ». Alain Juppé : « La vérité, c’est qu’un simple gouvernement qui accepte en son sein des ministres communistes, solidaires d’une dictature qui asservit les peuples, n’a de leçon de morale à donner à personne ». Michel Poniatowski : « Le danger fasciste en France ne vient pas de la droite, il vient de la gauche, dont c’est la vocation de système et de méthode. Il faut donc voter contre les fascistes de gauche. »
A partir de 1988, les relations se détériorent avec le RPR suite l’inflexible intransigeance de Chirac qui refuse tout soutien officiel du FN pour le deuxième tour de l’élection présidentielle, ensuite les dérapages verbaux de Jean-Marie Le Pen vont mettre de plus en plus mal à l’aise la droite dans son ensemble. Fin 1991, les partis de droite condamnent officiellement toute alliance, nationale ou locale, avec le FN. Après, les alliances de la droite avec le FN vont se raréfier, les hommes politiques de droite en général préfèrent ne pas s’allier avec le Front national ce qui amène à laisser la victoire à la gauche, même minoritaire, plutôt que de passer avec le FN des alliances de circonstances pour gagner les élections. Le 21 avril 2002, Lionel Jospin, candidat du parti socialiste, était éliminé du second tour de l’élection présidentielle, devancé par Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. Au second tour, Jacques Chirac devenait « le seul rempart » face au chef du FN pour lequel les électeurs de gauche devaient alors voter.
Désormais, les ponts sont rompus entre le FN et la droite. En 2007, Nicolas Sarkozy a adopté une stratégie consistant, en radicalisant son discours, à pomper les voix du FN. Cela a marché, le FN est passé de 17% à 10% des suffrages au premier tour de la présidentielle, ce qui représente tout même presque 4 millions de voix, ce n’est pas rien, c’est le double de l’extrême gauche. Cependant, sera-t-il capable de refaire la même opération en 2012 ? Car la droite a besoin de ces voix pour gagner les élections. Aujourd’hui, si l’on en croit les sondages, la droite serait dans une impasse ? On comprend facilement le machiavélisme mitterrandien de la gauche, diviser la droite en diabolisant le FN, de façon à lui interdire toute alliance possible avec celui-ci, on comprend moins la droite, qui s’interdit tout dialogue et accords avec le FN, alors que le PS ne semble pas avoir d’états d’âme en s’alliant avec l’extrême gauche, qui n’est pas, soit dit en passant, un modèle de réalisme politique et de tolérance. Faut-il y voir l’influence des différentes obédiences maçonniques, des clubs de réflexion politique dont la vocation est d’éclairer le débat civique et d’influencer les hommes politiques, des lobbys du politiquement correct ? De son coté le FN enfonce le clou : Marine Le Pen refuse l’idée d’une alliance avec l’UMP, estimant que « Nous ne pouvons pas faire d’accords électoraux, d’alliances politiciennes, alors que nous avons des divergences si profondes avec l’UMP. Ce n’est pas une différence de degré que nous avons avec l’UMP, c’est une différence de nature ». Le FN est il un danger pour la république ?
Les analystes politiques les plus sérieux, pensent que non. Le FN n’a pas l’organisation et des militants en nombre suffisants pour s’enraciner localement dans les communes, les départements, les régions qui sont les bases nécessaires pour pouvoir gagner des élections. Il n’a pas non plus, à ma connaissance des hommes capables de gouverner ? JM Le Pen a montré qu’il était un tribun charismatique pas un homme d’état. Le parti communiste qui avait réussi à s’implanter durablement dans le pays dans les années 45-75 n’a jamais obtenu la majorité absolue dans les élections nationales. Il disposait pourtant du plus grand nombre militants et de puissants appuis politiques et financiers avec l’URSS et la CGT, ce qui n’est pas le cas du FN. Le danger électoral est donc nul.
Le danger serait-il idéologique ?
Bon nombre d’intellectuels, d’hommes politiques et d’associations ont repris le terme de « lepénisation des esprits » inventé par Robert Badinter pour stigmatiser le danger que représente le discours du FN. Seulement, le discours du FN contient un fond de vérité, Laurent Fabius avait eu en son temps une phrase étonnante de sincérité tout autant qu’ambiguë « Le FN pose les bonnes questions et apportent les mauvaises réponses ». Depuis les cantonales ce leitmotiv est repris en boucle par bon nombre d’hommes politiques, de syndicalistes, de journalistes. Si le FN pose les bonnes questions, il doit bien y avoir de bonnes réponses, alors ouvrons le débat…… Ce serait peut être un bon moyen de désamorcer la « lepénisation des esprits » !
Le problème aujourd’hui, c’est la restriction de l’offre politique des partis, qui recrutant dans les mêmes couches sociales, partagent la même vision néolibérale du monde social, comprennent de la même façon ce qui est souhaitable ou non de faire, au nom de la même perception. Quelle différence y a-t-il entre Laurent Fabius et Alain Jupé ? Combien y a-t-il de députés issus des classes populaires et des classes moyennes à l’assemblée nationale ? Elles représentent pourtant 80% de la population.
Et si pour les politiques le FN était la solution ?
Les partis au pouvoir, majorité et opposition, sont donc confrontés à un problème de légitimité qui ira croissant dans les années à venir compte tenu du fossé qui ne cesse de s’agrandir entre les élites et les classes moyennes et populaires les plus exposées au chômage et à la précarité. Le FN, même s’il n’apporte pas les bonnes réponses, a donc de beaux jours devant lui et peut encore progresser dans les élections futures en captant les votes protestataires malgré une diabolisation sans commune mesure avec le danger qu’il représente et devenant ainsi une soupape de sécurité du système. Finalement, les français qui ont perdu toute confiance dans la droite et la gauche, n’auront plus comme alternative, que de voter FN ou se réfugier dans l’abstention.
La classe politique, étant plus préoccupée par ses intérêts immédiats que par l’intérêt général, y trouvera peut être un avantage : la suppression des effets « sanction » du suffrage universel.
G.L.R
49 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON