Le MoDem, un outil de connexion entre individus
Ce n’est pas un hasard si les internautes plébiscitent Bayrou à une large majorité. Ils représentent l’électeur type de Bayrou : acteur et non consommateur, peu sensible à l’influence des médias, diplômé ou tout au moins ouvert à la culture, conscient des enjeux mondiaux, avec une ouverture d’esprit importante et un fort esprit critique, l’esprit pionnier, et une certaine alliance de l’idéalisme et du pragmatisme.
Une récente enquête de l’institut CSA va dans le même sens en montrant que l’électorat du Mouvement démocrate est plus jeune, plus diplômé, plus citadin que l’électorat traditionnel de l’UDF. Les nouveaux sympathisants démocrates sont souvent issus des penseurs libres, fortement impliqués dans la réflexion politique mais peu encartés car ne parvenant pas à se retrouver jusque là dans l’offre politique.
Ceci fait du militant MoDem une espèce à part dans le monde politique, et François Bayrou en est extrêmement conscient. Il sait qu’il doit donner à chacun de ces militants beaucoup plus que ce que reçoivent les adhérents des partis traditionnels - d’où le chantier qu’il a lancé pour rédiger les statuts. Il s’agit de donner à chacun le moyen d’apporter sa contribution. Exigeant, critique mais enthousiaste et aguerri à la réflexion, le militant MoDem ne sera pas facile à dompter. En quelque sorte, le succès du nouveau mouvement dépendra de sa capacité à se construire sur une telle organisation "en fourmilière", en phase avec les valeurs qu’il porte. Comme le soulignent Fabian Giordano et Jérémy Dagnies, le mot "démocrate" doit devenir aussi fondamental pour le MoDem que les mots "socialiste" et "libéral" le sont pour d’autres forces politiques.
Ce n’est pas gagné d’avance ; il faudra notamment éviter plusieurs écueils, liés à la dynamique de groupe, et qui conduisent inéluctablement ce type de fonctionnement collectif à l’échec :
- L’absence d’esprit critique et/ou de liberté vis-à-vis du groupe ou d’un leader ;
- Le raisonnement individualiste menant chacun à défendre ses intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général ;
- Le manque d’efficacité avec des discussions anarchiques et sans aboutissement ;
- La négligeance des avis des experts face au poids d’un groupe certain d’avoir raison.
La mise en place de règles permettant de garantir les conditions nécessaires à la réussite de ce pari sera tout l’enjeu de cette phase de réflexion sur les statuts du mouvement. En particulier, la réussite de tout projet reposant sur l’intelligence collective dépend de quelques conditions indispensables :
- Une adhésion fondée sur des buts communs ;
- Une confiance mutuelle entre les membres ;
- Des règles identiques pour tous les membres ;
- Une organisation dynamique, fondée sur le volontariat et la complémentarité des compétences ;
- Une autonomie et une responsabilisation de chaque membre ;
- Une prise de décision par vote ou consensus pour les décisions stratégiques ;
- Des outils techniques permettant l’interaction entre tous les membres ;
- Des normes facilitant la communication et la coordination des actions ;
- Un accès total et en temps réel à l’information pour toute la communauté ;
- Une vue synthétique et contextuelle de la situation pour chaque membre ;
- Un système de régulation permettant l’adaptation et la correction des erreurs ;
- La constitution d’une mémoire collective permettant de partager les expériences.
Ces principes sont naturellement à l’œuvre dans les systèmes collaboratifs révolutionnaires (logiciels libres, forums de discussion, wikis, peer-to-peer, blogs) qui court-circuitent toutes les méthodes traditionnelles. Le logiciel libre par exemple, tout comme le wiki, est un mode de production inédit fondé sur les besoins d’autoréalisation, ce qui n’avait absolument pas été prévu dans les théories économiques classiques telles que celle développée par Karl Marx. Les systèmes de distribution peer-to-peer, quant à eux, ont dynamité le contrôle de la distribution des œuvres, provoquant une remise en cause de tout un pan de l’industrie jusque là fondé sur des schémas de verrouillage de la culture (et l’attachement tout particulier des éditeurs à des systèmes coercitifs tels que les DRM en est la conséquence évidente). Enfin, dernier en date, le phénomène des blogs (particulièrement sensible lors du référendum de 2005 et la présidentielle de 2007) permet de sortir de l’information à sens unique en offrant en temps réel à chaque citoyen la possibilité d’apporter la contradiction, de mettre en lumière une information qui échappe aux médias traditionnels, et, comme le souligne Cédric Augustin, de valoriser les canaux d’information et de réflexion les plus efficaces et les plus innovants.
L’émergence de ces phénomènes de société est directement liée aux
innovations techniques rendant possibles les douze conditions précitées,
et notamment à l’invention d’un outil qui allait révolutionner
l’informatique en permettant à des millions de particuliers de
communiquer directement de pair à pair, court-circuitant toutes les
organisations traditionnelles, et qui s’appelait le... modem !
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