Le PS entre fraudes et lutte des places
L’ouvrage confirme ce j’avais déjà constaté lors du Congrès de Reims en 2008 et même au-delà : Ségolène Royal, sifflée par quelques trublions haineux lors de son discours alors qu’elle citait pourtant du Jaurès, ne pouvait nécessairement que coaliser contre elle tout ce que le PS compte d’alimentaires, et d’esprits étriqués ou incultes.
Je me souviens ainsi des insultes dont les soutiens de Ségolène Royal ont fait l’objet de la part de certains militants socialistes pendant la campagne présidentielle, puis durant la phase préparatoire du Congrès de Reims. Ces soutiens, membres ou sympathisants du PS, n’étaient pas considérés comme des militants à part entière, mais comme des supporters, voire comme des membres d’une secte (dixit Henri Emmanuelli) ou des enragés (dixit Benoît Hamon).
Ils n’étaient pas non plus perçus comme des socialistes ou des gens de gauche, mais comme des « ségogoles » (il faut se rappeler de la haine incroyable qui s’était manifestée entre socialistes dans des réseaux sociaux tels Facebook par exemple).
Le livre d’André et Rissouli met donc au jour l’évidence : Aubry est devenue Premier secrétaire du PS à l’issue d’un scrutin serré sur lequel de nombreux doutes pèsent. Elle a été soutenue dans cette entreprise par une coalition hétéroclite (Fabius, Strauss-Kahn, Jospin, Rocard, Lang, etc., lesquels se détestent pourtant depuis toujours).
On sait que cette vieille garde socialiste a clairement fait le jeu de Nicolas Sarkozy, dès les primaires socialistes de 2006, pour barrer la route de l’Elysée à Ségolène Royal et ménager ainsi les ambitions personnelles des uns et des autres.
A ce titre, il est intéressant de relire ce billet de Cédric rédigé en septembre 2007 et intitulé « Ségo et les chics types ». L’auteur y analyse les principaux acteurs du désastre, lesquels n’ont jamais eu de mots assez durs pour fustiger la « sorcière du Poitou ».
Les « chics types », ce sont ceux qui se sont faits les alliés objectifs de Nicolas Sarkozy en 2007 et qui ont tout mis en oeuvre pour que Ségolène Royal ne prenne pas le PS en 2008.
Aujourd’hui, jouant les vierges effarouchées, affirmant même qu’il n’y a pas d’éléments probants de fraude, ils en appellent à l’unité du PS, cette notion qui leur est pourtant consubstantiellement étrangère tant ils l’ont bafouée chaque fois que les circonstances politiques contrariaient leurs projets.
Depuis 1990, on a pu mesurer tout l’intérêt qu’ils portaient à l’unité du PS, eux qui, précisément, n’ont eu de cesse de se disputer comme des charognards la succession politique de François Mitterrand.
De même, le PS peine à se relever de cette soirée du 21 avril 2002 durant laquelle Lionel Jospin, battu au premier tour par Jean-Marie Le Pen, a préféré se retirer lâchement de la vie politique alors qu’il aurait eu pourtant toutes les cartes en main pour devenir le leader naturel du PS. Depuis, l’homme ne cesse de remâcher son échec et d’en mettre partout jusque devant le perron de l’Elysée, pour la plus grande joie du Monarque actuel.
Depuis le 21 avril 2002, le PS, parti politique qui compte pourtant le plus d’élus locaux, est un bateau à la dérive, privé de capitaine et de ligne idéologique.
Comment ne pas rappeler que ceux qui, aujourd’hui, conseillent de serrer les rangs autour de Martine Aubry et invoquent cyniquement la lassitude des militants, sont les mêmes qui, hier, se sont assis sans vergogne et à plusieurs reprises sur les votes des militants socialistes ?
Que ce soit pour la campagne sur le traité constitutionnel européen, les primaires de 2006, la campagne présidentielle de 2007, le Congrès de 2008 et la désignation du Premier secrétaire, ils n’ont jamais hésité à faire prévaloir leurs intérêts personnels sur l’intérêt de la gauche en général et du PS en particulier.
Ils ont démontré, par la nocivité de leurs actions et de leurs propos, que si le PS a abandonné depuis longtemps le concept marxiste de la lutte des classes, celui-ci applique consciencieusement en revanche, sous leur impulsion, la notion arriviste de la lutte des places.
Par conséquent, tant que les responsables socialistes refuseront de tirer les leçons politiques des vingt dernières années, tant que les plus anciens d’entre eux s’accrocheront à leurs prérogatives, le PS sera incapable de se mettre en ordre de bataille pour les prochaines échéances électorales et de susciter sur son nom l’adhésion d’une majorité de Français.
Que faire après les révélations du livre d’André et Rissouli ? Peut-on se contenter de crier au complot journalistique ou aux tentatives de déstabilisation du PS ? Assurément non.
Comme le relèvent Les Coulisses de Sarkofrance :
« Pour la suite, faut-il exiger de Ségolène Royal, la victime de ces trucages, qu’elle pardonne et n’enfonce pas le clou ? Evidemment le timing semble mauvais, trop proche des futures élections régionales. Pourtant, si Ségolène Royal choisit une voie conciliante, quelle garantie aura-t-elle, à l’avenir, que les prochaines échéances se dérouleront dans la sérénité et la transparence ? Aucune, bien au contraire. »
Ségolène Royal a-t-elle intérêt de porter plainte au pénal ?
Je pense que oui, même si je trouve dommage que l’on en soit réduit à faire appel au juge pour rénover le PS, et même si ses contempteurs ne manqueront pas d’y voir une tentative de destruction du PS.
Je sais bien que l’on ne manquera pas non plus d’objecter l’existence de certaines pratiques douteuses dans l’Hérault, les Bouches-du-Rhône et en Guadeloupe, mais celles-ci sont sans commune mesure avec le système de fraude qui semble avoir été mis en place dans les fédérations du Nord-Pas-de-Calais, plus nombreuses en effectifs, et surtout qui jouissent du privilège incroyable de pouvoir éditer et gérer leurs propres cartes du PS, sans passer par un contrôle de la rue de Solferino.
Dès lors, qui a le plus à craindre d’un grand déballage ?
C’est dans des circonstances pareilles que la citation de Jean Jaurès (ce grand socialiste que certains congressistes incultes ont sifflé) prend tout sens :
« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire, c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » (Jean Jaurès, juillet 1903).
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