Ségo et les chics types
Ou comment Ségolène Royal fait preuve de critiques injustes par rapport à des personnes qui ne font que lui donner des conseils désintéressés.
Nous le savons tous Ségolène Royal est un être abjecte, incompétent et j’en passe. Nous le savons car nous ne saurions oublier que le « Ségo Bashing » a fait florès depuis le mois de janvier 2007, moment où les médias s’emparaient de chacune de ses déclarations rebaptisées « bourdes ». Tout le monde connaît le nombre de sous-marins nucléaires d’attaque dans ce pays, ce n’est certainement pas Nicolas Sarkozy qui dira le contraire, lui qui est le nouveau dirigeant omniscient de ce pays et qui, plus viril qu’un Poutine « butant les terroristes tchétchènes jusque dans les chiottes », ira chercher lui-même la croissance avec ses petits bras musclés.
Face à cet état de fait, il est compréhensible que la dame ait besoin de recevoir des leçons et cette rentrée est l’occasion de la sortie d’un nombre impressionnant de manuels scolaires d’un nouveau genre. Les professeurs sont des gens connus, le PS est plein de gens qui savent. Tous sont bien entendus désintéressés et il serait donc particulièrement malvenu de la part de leur élève d’interrompre leur monologue sans être l’incarnation féminine d’un Hérode massacrant les « saints innocents ». Et pourtant, à y regarder de plus près, l’innocence est une chose bien galvaudée de nos jours.
Commençons par la gauche du PS avec le duo Liennemann-Mélechon. La première est une habituée du genre, ayant déjà flingué Jospin après l’élection de 2002, le second est un impétrant bien connu des plateaux de télévision surtout depuis la campagne référendaire sur le Traité constitutionnel européen. Tous deux partagent un positionnement à gauche du Parti socialiste et reprochent à Royal sa tactique de rapprochement avec le centre au deuxième tour le l’élection présidentielle. Mourir avec ses idées est une grande chose selon eux et de toute manière l’élection fut perdue avec cette volonté de recentrage, c’est dire l’ampleur de la compromission. Malheureusement, ils oublient systématiquement quelle était la réserve de voix à gauche du PS. Au mieux, et c’est une hypothèse large, en additionnant les scores du premier tour et en comptant avec une mobilisation des abstentionnistes on aurait pu arriver à flirter avec les 40 % des voix. Autant dire que cela aurait constitué un véritable désastre électoral tel qu’on n’en avait pas à gauche depuis quarante ans. Il est évident que la chose aurait été mis au discrédit de la dame en blanc, que les mêmes auraient demandé sa tête.
Puis, nous trouvons les représentants de ce que l’on appelle les courants, ces fameux fabiusiens (qu’il est difficile de mettre à la gauche de ce parti tant il est vrai que ce positionnement ne date que de 2004-2005 juste après que Laurent Fabius eut fini de manger ses carottes râpées), jospinistes, strauss-khaniens (ou strauss-khistes parce que c’est drôle), j’en passe et des meilleures. Tous ont leur mot à dire, tous parlent de rénovation, tous tirent à boulet rouge. Pourtant, ils ont largement oublié que le fonctionnement du PS qui a mené à la défaite électorale, on le leur doit. En effet, depuis 1988 et le 2e septennat de François Mitterrand, ils se sont livrés une guerre de succession dont l’ampleur fut mesurable au fameux congrès de Rennes resté dans les mémoires. Dans cet objectif, ils se sont livrés une guerre de position dont l’appareil du Parti socialiste était l’enjeu, appareil qu’ils ont depuis consciencieusement verrouillé. Durant toute cette période, le PS a cessé de travailler voyant certains de ces membres les plus brillants mobilisés dans cette lutte d’ambitions personnelles, ne faisant plus évoluer sa doctrine, laissant apparaître de plus en plus le décalage entre le discours politique et les actions au gouvernement.
Pourtant les différences entre eux ne sont que sémantiques et le nombre de leurs effectifs doit plus aux relations de personnes, alimentaires, qu’aux convictions profondes qui les animent. Ils pensaient tous que le PS était sous contrôle, leur contrôle, qu’un tour de piste, un petit refrain bien connu, suffirait à se mettre les militants dans la poche. Après tout, ce sont les meilleurs autoproclamés, le nombre de personnes qu’ils sont arrivés à placer dans les diverses commissions est là pour le prouver. Une République de « chefs et de sous-chefs » comme il a déjà été écrit en ces lieux dans laquelle le changement de statut est impensable sans qu’un chef ne meure après avoir organisé sa succession.
Hélas pour eux, il est des gens qui ne respectent rien, surtout pas les règles tacites du jeu. Ségolène Royal est de ceux-là, il convient donc de la remettre à sa place. Pour cela, tous les moyens sont bons même s’ils sont contre-productifs pour leur parti politique. Il y eut la thèse de la « créature des médias », version moderne de la créature des marais (poitevins). Pendant des semaines précédant la désignation du candidat du PS, ce fut le thème privilégié de ses adversaires. « Elle va s’effondrer », « avec les débats, vous allez voir ce que vous allez voir ». On a vu et, avec ses fameuses fiches de cuisine, l’ancienne de sciences-po et de l’ENA n’a pas eu à rougir face à ses maîtres. Pire encore, elle a remporté cette épreuve imposée par un score sans appel : plus de 60 % des voix mais aussi, et surtout, en arrivant en tête dans tous les département sauf 4. Cela sonnait comme un désaveux féroce pour le fonctionnement du PS depuis toutes ces années, faisant apparaître l’archaïsme de ce système de fidélités claniques mais que nenni, les vaincus se sont dès lors accrochés à la thèse des médias montrant ainsi le mépris total qu’ils ont pour les militants. Pour eux, l’encarté de base n’est qu’un bœuf qui ne peut réfléchir que par l’entremise de TF1. Même si pour beaucoup, ils ont vécu tous les déchirements internes des dernières décennies y compris dans leurs sections respectives, ce sont des cons qui ne sauraient à aucun moment pouvoir remettre en cause l’élite.
Ce faisant, Ségolène Royal a commis le crime le plus grave qui soit, elle est un sous-chef qui a réussi à changer de statut sans s’être constitué une cour d’obligés. C’est la thèse de la « prise du parti par l’extérieur » qui a encore de beaux jours devant elle.
C’est alors que se sont développées deux attitudes au sein des vaincus de novembre 2006. Alors qu’ils avaient fourni une bonne partie de l’argumentaire anti-Royal à l’UMP (incompétence, etc.), la candidate du Parti socialiste a dû composer avec :
- ceux
qui ont ressenti sa désignation comme une menace vis-à-vis du système qui leur
assure une carrière politique (fabiusiens et strauss-khaniens) ;
- ceux dont sa candidature a empêché le retour en grâce (les jospinistes).
De mémoire de militant, il faudrait remonter très loin dans le temps pour retrouver une campagne qui fut l’occasion d’autant de coups de poignard dans le dos du candidat de son propre camp. Même les présidentielles de 1995 avec la division à droite entre Chirac et Balladur ne peut soutenir la comparaison car les choses étaient plus claires avec deux candidats officiels et surtout parce que dès qu’un camp fut politiquement vaincu les hostilités cessèrent.
Là, il n’en fut rien. Tout le monde se souvient bien évidemment des déclarations tapageuses d’un Allègre ou d’un Besson. Le premier n’a toujours pas conscience du ridicule quand il a le front de déclarer ces dernières semaines au journal de 20 heures de France 2 que « si cela avait été Jospin, le PS aurait été en meilleur état ». A-t-il oublié la douceur de vivre au petit matin du 22 avril 2002 ? Cependant, ils ne furent pas les seuls à agir, bien au contraire. Le nombre de rumeurs laissant croire à un retrait de la candidate au profit de tel ou tel pachyderme est incalculable et elles ne cessèrent de proliférer dans les médias qu’à la fin mars 2007. Ceci contribuant à parasiter l’image de la candidate au profit de ses principaux adversaires. L’attitude d’un DSK est ici assez exemplaire en ne repoussant que mollement les appels du pied d’un Bayrou, laissant courir pendant des semaines la rumeur d’une association avec le centriste. Il y a fort à parier que si ce genre de cas de figures avait été posé à Henri Emmanuelli en 1995, alors qu’il faisait parti des vaincus suite à la désignation de Jospin comme candidat du PS, on ne serait pas venu plusieurs fois lui poser la question d’un potentiel ralliement car la réponse aurait été dénuée de toute ambiguïté.
Ils ont dès lors beau jeu de fustiger, dans leurs divers manuels de circonstance, le caractère personnel de Ségolène Royal. Quand on est soutenu comme la corde soutient le pendu, on compte ses troupes et l’on fait au mieux.
Aujourd’hui, la défaite est consommée. Ils continuent de parler de faiblesses dans le programme alors qu’ils n’ont rien fait pendant vingt ans pour le faire évoluer, occupés qu’ils étaient avec leurs manœuvres d’appareil. Ils continuent à vouloir écarter cette personnalité qu’ils n’ont jamais considérée comme légitime car n’ayant pas d’écurie présidentielle équivalente à la leur. Tous essaient de remettre en place ce système qui a fait leur carrière, qui assure leur pitance. Certains ont quand même poussé leur logique jusqu’au bout et ont pris place à la table que leur a ouvert ce bon Nicolas Sarkozy.
Eux, qui n’avaient pas de mots assez durs pour fustiger la présence de Ségolène Royal dans les médias, ne font que plastronner sur les plateaux télés, avec des phrases toutes faites sur le « logiciel socialiste », des mines de circonstances. Le spectacle continue, mais les militants ne connaissent que trop bien le tour de chant. N’ayant pas compris le rejet brutal par la base de ce système, il n’y a rien à attendre de ces gens-là en termes de rénovation. Il ne reste plus qu’à espérer que Sarkozy leur trouve une occupation, une commission quelconque qui flattera leurs ego. L’air de la rue Solférino n’en sera que plus sain.
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