Le salafo-sionisme, choix suicidaire des extrémistes juifs
Ce rapprochement d’une part entre salafistes déclarant vouloir l’éradication d’Israël, et pour certains de tous ses habitants et d’autre part les membres les plus extrêmes de la droite israélienne et des partis religieux semble antinomique et pourtant. L’intérêt pour cette frange sioniste extrémiste et pour les ultrareligieux qui sont quelquefois au-delà du sionisme est d’avoir un ennemi imprésentable, indéfendable et caricatural au pouvoir dans les pays arabes. Comme l’autre ennemi du sionisme est l’Iran chiite, il faut donc diviser pour mieux régner. Les salafistes, soutenus par les monarchies du Golfe, sunnites et proaméricaines, sont donc des alliés de circonstance contre l’Iran. Du fait de leurs excès, de leur obscurantisme, ils ne peuvent obtenir l’élan de sympathie occidentale qu’avaient développé les mouvements palestiniens laïcs dans les années 70 auprès de la gauche progressiste européenne. Quant aux Frères Musulmans, malgré leur hostilité déclarée à Israël, ils sont trop « modernistes » pour constituer un repoussoir suffisamment solide pour à la fois attirer la sympathie de l’Occident vis-à-vis d’Israël et galvaniser à l’intérieur du pays les populations contre une bande de fanatiques, le couteau, la kalachnikov et la ceinture d’explosif entre les dents. Les Frères Musulmans sont trop tièdes pour devenir un repoussoir idéal. « Ces impies » sont aux yeux des salafistes des quasi-mécréants car ils laissent les femmes conduire et travailler et sont contre l’excision.
Soyons clairs, tous les Israéliens et par extension tous les juifs ne sont pas de cyniques calculateurs, capables de soutenir des gens qui leur en veulent à mort. Mais si le prix à payer pour ne jamais signer la paix avec les Palestiniens et le monde arabo-musulman doit passer par la mort de quelques juifs dans des attentats-suicide ou des attaques de colonies, d’hôtels ou de kibboutz en Israël, cet inconvénient semble raisonnable pour les faucons israéliens et leurs zélateurs. Hélas, la gauche israélienne et les mouvements juifs pour la paix et la réconciliation sont de moins en moins audibles. Ils le seront d’autant moins que les salafistes et assimilés continueront à proférer des cris de haine et d’éradication.
L’élimination physique de Saddam Hussein, de Kadhafi, puis celle programmée d’Assad entre dans un jeu géostratégique qui vise à la prise de pouvoir par les extrémistes religieux dans le monde arabe. En Tunisie et en Egypte, le soi-disant Printemps arabe, de fait Printemps Islamiste, a mis au pouvoir des islamistes dits modérés et des Frères Musulmans qui ont déjà maille à partir avec les mouvements salafistes et islamistes radicaux après quelques mois de pouvoir. Notons qu’en Egypte, Mohammed Morsi, ne s’est pas empressé de dénoncer les accords de Camp David et reste pour l’instant assez circonspect, (il parle tout juste de révision, ce qui veut dire renégociation, pas de nouvelle guerre) ce que lui reproche amèrement l’aile radicale islamiste égyptienne.
Bernard-Henri Lévy n’a jamais caché son engagement sioniste et son attachement indéfectible à l’Etat d’Israël. C’est totalement son droit, mais cela explique son engagement dans les guerres successives en Irak, en Libye et en Syrie et ses envolées belliscistes. Pour lui, la politique du pire ne peut qu’être que bénéfique pour le sionisme, malgré ses déclarations énamourées aux leaders du « Printemps arabe ». L’arrivée au pouvoir des salafistes affaiblit le monde arabe, crée des inimitiés entre musulmans qui seront longues à effacer, empêche le progrès social et économique de la région. D’autre part, la haine des salafistes contre l’Iran chiite et le Hezbollah est instrumentalisée par les extrémistes juifs avec l’appui des Etats-Unis, car le véritable ennemi est l’Iran avec sa capacité, probablement surévaluée bien que réelle, de frappe nucléaire. Le dernier incident de Bizerte est significatif à cet égard, les sionistes ayant pris position pour les gros bras salafistes. Avec la chute d’Assad et le chaos prévisible en Syrie, plus question de rendre le Golan.
Ce choix de va-t-en-guerre peut s’avérer payant à court et moyen terme pour Israël et ses soutiens sionistes en Occident. Il peut devenir catastrophique à long terme pour plusieurs raisons.
- Si la crise économique se prolonge en Europe occidentale et aux Etats-Unis, ces pays risquent d’être moins enclins à soutenir « l’état hébreu » dans ses dérives autoritaires.
- L’Europe occidentale ayant sur son sol une très nombreuse population arabo-musulmane, pas forcément islamiste cependant, ne pourra indéfiniment soutenir Israël de façon inconditionnelle et disproportionnée, au risque de troubles sur le territoire européen.
- La poussée démographique est en faveur des Arabes tant en Israël que dans les « territoires occupés » de Cisjordanie et à Gaza. Comme Israël, pour des raisons historiques évidentes, ne peut réactualiser l’holocauste ou rejeter les Arabes à la mer, et encore moins les stériliser, il faudra faire avec un nombre croissant d’Arabes israéliens et de Palestiniens. Ainsi, il n’est pas de l’intérêt des Juifs de créer un mythique Grand Israël, car il serait à terme peuplé d’une majorité d’Arabes.
- L’image de démocratie à l’occidentale donnée par Israël, ne pourra pas indéfiniment museler l’opposition qui veux la paix et qui ne pourra être réduite au silence que par des lois d’exception et l’instauration d’un pouvoir dictatorial vis-à-vis de Juifs eux-mêmes.
- Israël a besoin de voisins non misérables capables de d’établir des liens commerciaux et de créer un marché locorégional, ce qui est impossible en cas de guerre larvée et chronique.
- Sans oublier le partage de l’eau, qui est une véritable bombe à retardement dans la région.
Le choix du soutien de circonstance à l’extrémisme islamiste est donc suicidaire à long terme et va contre les intérêts d’Israël. Hélas, le gouvernement israélien et une frange du sionisme militant international ne l’a pas compris.
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