Le vent ou la girouette ?
Les prises de position
récentes de Ségolène Royal et le bilan de douze ans de présidence de Jacques Chirac
conduisent à s’interroger sur le rôle des responsables politiques en général et sur
celui du président de la République en particulier.

Il y a l’option selon laquelle le représentant du peuple doit représenter le peuple. Penser, agir, parler et raisonner comme lui. Si les Français sont pour plus de répression, il doit être pour plus de répression, si les Français veulent moins d’impôts, il voudra moins d’impôts, et si les Français n’ont pas encore décidé de l’entrée de la Turquie dans l’Europe, il attendra de connaître cette décision pour savoir ce qu’il en pense lui-même.
Ce n’est pas si grotesque que cela paraît. On peut, légitimement, considérer que le président est un simple miroir du peuple qu’il préside. Il le représente à l’étranger, il est au-dessus des partis et des vues partisanes, essayant d’accommoder les divergences et d’atténuer les oppositions, il discourt débonnairement et s’occupe de nous avec bonhommie. Ses grands chantiers sont l’harmonie sociale, la sécurité routière et le tout ce qui ressemble à peu près à du Téléthon.
Il flotte gentiment et dégage un effet apaisant. D’ailleurs le remplaçant attitré du président de la République n’est-il pas le président du Sénat ?
L’exemple le plus significatif est celui de la présidence de Mitterrand II qui avait annoncé dans l’ouverture de sa « Lettre à tous les Français de 1988 »
« Je veux vous parler de vous, de vos soucis, de vos espoirs et de vos justes intérêts. J’ai choisi ce moyen, vous écrire, afin de m’exprimer sur tous les grands sujets qui valent d’être traités et discutés entre Français, sorte de réflexion en commun, comme il arrive le soir, autour de la table, en famille. Je ne vous présente pas un programme, au sens habituel du mot. Je l’ai fait en 1981 alors que j’étais à la tête du Parti socialiste. Un programme en effet est l’affaire des partis. Pas du président de la République ou de celui qui aspire à le devenir. »
Et puis il y a l’autre point de vue, d’inspiration bonapartiste, gambettiste et gaulliste, que nous pourrions caricaturer ainsi. Le président a été choisi par les citoyens parce qu’il est plus malin que le pékin moyen. Nous choisissons parmi plusieurs personnalités exceptionnelles celui dont les mérites et le jugement semblent les plus convaincants, et nous lui confions le mandat de décider pour nous pendant cinq années au terme desquelles il rendra compte de ses décisions.
Je poursuis mon illustration comparée avec cet extrait du général de Gaulle dans Le fil de l’épée, tout aussi édifiant que la citation précédente mais dans un sens contraire :
« Face à l’événement, c’est à soi-même que recourt l’homme de caractère. Son mouvement est d’imposer à l’action sa marque, de la prendre à son compte, d’en faire son affaire. Et loin de s’abriter sous la hiérarchie, de se cacher dans les textes, de se couvrir des comptes rendus, le voilà qui se dresse, se campe et fait front. Non qu’il veuille ignorer les ordres ou négliger les conseils, mais il a la passion de vouloir, la jalousie de décider... »
Même si j’ai une très nette préférence pour la seconde
option, je considère que les deux options sont respectables.
Encore
faudrait-il choisir !
Car si on choisit la seconde, qu’on dise clairement que le premier ministre est une sorte de super-directeur de cabinet de l’Elysée, que le président ne peut plus se cacher derrière son premier ministre quand les choses vont mal et se pousser sur le devant de le scène lorsqu’il y a un succès à remporter.
Et si on choisit la première option - (non, non, s’il vous plaît !) - il suffit de dégrouper les élections du président de la République avec les législatives et le tour est joué.
La Constitution française est remarquablement souple sur ce point car elle permet, selon le point de vue adopté, qu’on se considère dans un régime parlementaire ou dans un régime présidentiel. Rien ne s’applique spécifiquement à la cohabitation, dans la Constitution, et pourtant on mesure que le rôle de Chirac n’était pas le même entre 1995/1997 qu’entre 1997/2002. Tout est fonction, dans les faits, de la personnalité du titulaire et de la manière dont il définit la fonction qu’il occupe. Mais pour un meilleur respect des citoyens, il faudrait que le principe en soit fixé une fois pour toutes, au lieu de changer trois fois par semaine. Et plutôt en début de mandat, de préférence.
Espérons que les candidats à nos suffrages diront comment ils conçoivent la fonction qu’ils visent à occuper... A moins qu’ils n’attendent de savoir ce que nous en pensons pour pouvoir se déterminer !
PS : Je rajoute rapidement un post-sciptum à ce message puisqu’une nouvelle théorie politique vient de naître : le président pourrait être tiré au sort lors de la grande loterie du 14 juillet.
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