J’y vois pour ma part les causes suivantes :
- un changement net de génération, les 65-75 ans laissant (enfin !) la place aux 45-60 ans - avec le changement de valeurs afférent
- changement masqué par la « baffe » du 21 avril 2002 qui a conduit les électeurs à laisser Jacques Chirac président durant douze ans, renforçant le sentiment d’immobilisme, de gâchis français, de vieillissement global - image de la France très présente à l’étranger
- changement induit par ces néo-militants qui en ont eu assez de la gauche ringarde, toujours à la traîne du chantage extrémiste, dont les dogmes éculés en slogans dataient des années 1970 - et qui se sont inscrits massivement pour faire bouger les choses
- une volonté de renouveler la pratique politique par le choix d’une femme, jeune, qui n’hésite pas à briser les tabous et à aller contre l’opinion commune
- dont le pragmatisme et l’écoute des gens l’emportent sur les Grrrands Prrrincipes et sur l’intangible lecture archéomarxiste du monde
- dont l’image compte plus que les idées ; dont le mouvement politique compte plus que le programme de mesures ; dont la faculté d’adaptation apparaît comme un atout face au monde qui change à toute vitesse
- image de Madone pour certains qui, n’y comprenant plus rien, se réfugient dans la superstition et encensent l’icône comme révélation d’une quelconque religion « socialiste », image de mère aimante et exigeante, protectrice et compréhensive - attitude psychologiquement régressive
- mais image positive et moderne pour d’autres, qui notent le compagnonnage non institutionnalisé avec François Hollande (comme naguère Sartre et Beauvoir) - mais avec quatre enfants, et pas laissés à eux-mêmes comme certains ténors politiques le font volontiers...
- une incarnation de la France traditionnelle, provinciale, militaire, un zeste d’outremer, un zeste d’école religieuse, la méritocratie républicaine grâce à l’ENA, une révolte contre le père au mental d’égaré de 1914, à l’existence marquée par défaite sur défaite dans les soubresauts décolonisants - mais une incarnation médiatique à l’avant-garde, ni trop ni trop peu, people à peine, avec de la tenue
- mais une vision du bien commun et la capacité à la faire prévaloir dans la réalité - sans s’encombrer de tabous ni de dogmatique langue de bois, seul moyen « politique » d’assurer les réformes nécessaires en les replaçant dans un projet présidentiel.
Notons-le bien, ce changement « radical », masqué par douze ans de non-politique : le Parti socialiste a voté à 81,45% pour les candidats sociaux-démocrates !
Les militants ont relégué la vieille gauche inadaptée, inapte à enrayer le vote Le Pen, inapte à un quelconque « plan B » pour l’Europe, inapte à adapter la France à l’économie globalisée - à quelque 18%. Laurent Fabius a trop copié, par mimétisme, l’ancien Mitterrand comme le Chirac de la fin. Or, les Français ne désirent plus un président monarchique qui croie : « L’Etat c’est moi », pas plus qu’un président démagogue qui envoie au charbon ses premiers ministres tout en disant que ce n’est pas lui qui l’a fait.
Mine de rien, « à la française », le PS ne vient-il pas de faire son « Bad Godesberg », cet aggiornamento de doctrine, du marxisme bismarckien à la social-démocratie - que tous les autres partis de gauche européens avaient fait avant lui ?
(Photos Le Monde)