« Le vrai changement, c’est quand ? »
Plus que quelques jours avant le premier tour... L’occasion de faire le point !
Après douze années de chiraquisme vide, stérile et mou (en gros, tout est pareil ou pire - mis à part ses positions sur l’Irak et sur la mémoire, rendons à César...) auxquelles notre intelligentsia médiatique a pourtant cru bon de rendre un hommage unanime (contrairement aux journalistes étrangers, plus clairvoyants), on aurait pu s’attendre à une campagne à la hauteur des défis colossaux à relever en France (insécurités sociales et civiles aggravées, inégalités croissantes, éducation en crise...) et à l’international (péril climatique, instabilités internationales,...).
Eh bien non, ça ne sera pas pour cette fois ! En effet, qu’a-t-on vu pendant cette campagne ?
Des candidats qui saucissonnent le peuple français en autant de tranches électorales que de promesses (qu’importe d’ailleurs leur cohérence et leur faisabilité) ; qui psalmodient des slogans aussi creux que fourre-tout, à longueur de médias (« désirs d’avenir », « tout devient possible », « social-économie »...) ; qui se focalisent sur les petites questions du quotidien pour donner l’illusion du volontarisme politique et faire mieux oublier leur impuissance et leur incapacité à peser sur les vrais leviers du changement ; qui se regardent en chiens de faïence, à guetter le moindre faux pas (ou supposé tel) de l’adversaire pour mieux le traîner ensuite dans la fange...
Qu’a-t-on vu encore ? Des médias qui gonflent des baudruches de notoriété puis les font exploser au gré des humeurs, des petites phrases, des images et des sondages ; qui normalisent l’homme à l’œil de verre et sa xénophobie désormais parfumée d’une blonde effluve ; qui versent dans une pseudo-rigueur économique en mettant en exergue des chiffrages de programmes transformant insidieusement le moins-disant en meilleur candidat (dites que vous ne ferez rien, votre programme coûtera zéro euro et vous serez élu !)...
Qu’a-t-on vu, enfin ? Des candidats et des médias qui sont pareillement tétanisés par les enquêtes d’opinion dont le miroir obsède tant leur narcissique vacuité.
Alors que faire dans ces circonstances ? Difficile à dire !
Voter Sarkozy ? L’homme est indéniablement énergique et ne craint pas d’aborder les questions qui fâchent ou les thèmes tabous. Il réhabilite aussi aux yeux de nombreux Français l’idée du volontarisme politique.
Néanmoins, on voit mal comment il pourra rassembler la France : au vu de son action et de ses paroles, il semble en effet plus doué pour le manichéisme (ceux avec moi et ceux contre moi, les bosseurs et les fainéants, les dociles et les voyous, les bien nés et les handicapés génétiques...) que pour la pensée complexe. Il paraît plus habile pour dresser des murs que pour jeter des ponts ; plus à l’aise pour monter des groupes les uns contre les autres (privé vs public, salariés vs chômeurs, actifs vs RMIstes, Français « de souche » vs Français « issus de l’immigration », Français vs étrangers...) que pour les faire dialoguer et échanger ; plus adroit donc pour diviser que pour rassembler le plus grand nombre autour « d’une certaine idée de la France », progressiste et émancipatrice, où tout le monde aurait sa place et où, pour reprendre l’expression lumineuse de l’écrivain Amin Maalouf, « l’affirmation de soi ne passe pas par la négation d’autrui ».
Voter Bayrou alors ? L’homme est sympathique. Il a le mérite de faire bouger des lignes un peu sclérosées et de bousculer certaines postures de gauche et de droite, en mettant en évidence qu’au fond, PS et UMP partagent bien plus de choses qu’ils ne veulent le dire sur la scène du théâtre politique français. Il a également été le premier à porter fortement dans le débat public la question fondamentale de la relation entre médias et pouvoir.
Mais à trop jouer le candidat antisystème, il tombe à son tour en plein dans la posture : celle par exemple du « ni droite-ni gauche » alors que son programme est de centre-droit (et ce n’est faire injure ni à lui ni au centre-droit que de le dire) et que les élus locaux UDF ont toujours travaillé main dans la main avec ceux de l’UMP. Sa crédibilité est aussi remise en cause par son incapacité à expliquer clairement des points fondamentaux comme les modalités concrètes de gouvernement en cas de victoire ou, à plus court terme, les modalités de son éventuelle campagne de second tour (campagne à gauche s’il est face à Sarko ? campagne à droite s’il est face à Ségo ?... Ca fait un peu désordre et pas très sérieux).
Pour ma part, les antilibéraux ayant été hélas incapables de se mettre d’accord (chacun étant évidemment pour le rassemblement mais seulement si ce dernier se fait autour de sa petite personne ou de sa minuscule chapelle...) et le vote blanc n’étant pas (encore) été valorisé, je voterai probablement Ségolène Royal, sans illusions, pour limiter la casse : la social-démocratie ségolisée (pourquoi pas d’ailleurs avec l’appui de Bayrou) est un « minimum syndical » - en quelque sorte, « le pire des projets à l’exception de tous les autres » en lice pour 2007. Mais j’irai aussi voter pour elle parce que je lui reconnais de la détermination, du bon sens et une certaine idée de la justice ; et puis, elle nous changera de la figure du vieux mâle arrogant enfoncé dans les magouilles et les ors parisiens, figure qui domine la vie politique française depuis trop longtemps.
Le 22 avril prochain pourtant, quand je mettrai mon bulletin dans l’urne, je suis sûr que dans ma tête, résonnera en boucle la prophétique chanson de François Béranger de 1982 (un an après le sacre de Tonton...) : « Le vrai changement, c’est quand ? ».
Amazir Zali
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