Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
« Pour l’immense majorité des parlementaires qui se sont exprimés, un gouvernement avec le programme du NFP, c’est-à-dire de LFI, et des ministres de LFI, c’est impossible. » (François Bayrou, le 24 août 2024).
Ce vendredi 23 août 2024 a marqué un jour important pour le processus de nomination du futur gouvernement : le Président Emmanuel Macron a décidé de consulter tous les groupes et partis politiques représentés au Parlement. C'est le temps nouveau des consultations présidentielles, inédit sous la Cinquième République.
Beaucoup de désinformations ont accompagné ces rendez-vous pourtant cruciaux. La première, c'était de dire que ces consultations seraient inutiles et que ce ne serait que des jeux de rôle ; mais si Emmanuel Macron n'avait pas pris l'initiative de ces consultations, on le lui aurait aussi reproché. La deuxième, c'est aussi de dire qu'Emmanuel Macron voudrait faire durer les choses, ne serait pas très rapide. C'est une indiscrétion du "Canard enchaîné" qui a révélé que si la date de ces consultations étaient si tardives, ce n'était pas à cause de l'Élysée mais bien à cause des représentants de la gauche ultradicalisée : le Président de la République leur avait proposé de venir le 19 ou le 20 août 2024 mais ces messieurs dames de gauche étaient encore en vacances et ne voulaient pas raccourcir leurs vacances. On voit à quel point le climat est malsain où n'importe quoi est dit sur n'importe qui, sans vérification, sans source, sans autre boussole que la détestation, l'humeur et la rumeur.
Alors, venons-en au fait, et le fait, c'est que l'Assemblée Nationale est divisée en trois voire quatre blocs qui sont à la fois insuffisants tout seuls pour gouverner mais incompatibles entre eux. Et j'en viens à la troisième désinformation pourtant évidente : non ! Emmanuel Macron n'est pas responsable de cet état de fait. Le Président de la République est bien entendu responsable de la dissolution de l'Assemblée, mais il n'est pas responsable des résultats très contrastés de ces élections législatives anticipées qui se résument finalement à trois rejets des Français : rejet du gouvernement actuel des macronistes, mais aussi rejet d'un gouvernement RN et rejet d'un gouvernement NFP ou FI. Ce triple rejet, ce sont les électeurs qui l'ont exprimé collectivement sans formuler d'adhésion précise à l'un des trois blocs.
Rappelons à tous ces beaux parleurs qui crient à la démocratie bafouée en n'hésitant pas à vouloir destituer le Président de la République (et qui soutiennent par ailleurs des dictateurs notoires comme Maduro qui ont trahi la volonté des électeurs), qu'Emmanuel Macron n'était pas obligé de dissoudre et de redonner la parole au peuple, que de nombreux groupes politiques avaient réclamé cette dissolution et ce retour au peuple avant les élections européennes, et que si Emmanuel Macron ne l'avait pas fait, on l'aurait critiqué pour ne pas avoir voulu entendre le peuple aux élections européennes ni vouloir lui donner la parole pour les législatives. Bref, quoi qu'il fasse depuis toujours, tout ce que dit, fait, ou ne dit pas, ne fait pas Emmanuel Macron est mauvais : tant de mauvaise foi est telle que les oppositions sont inaudibles dans leur rationalité et leur éventuelle bonne foi, quand elle en a.
Les faits, ce sont donc les entretiens à l'Élysée. La journée du 23 août 2024 fut très chargée pour le Président de la République. Cela a commencé avec les représentants de la nouvelle farce populaire (NFP) venus ensemble au rendez-vous, menés par Lucie Castets avec sa belle tête de champion (voir "Le Dîner de..."), encadrée par Manuel Bompard, Marine Tondelier, Fabien Roussel, avec aussi Olivier Faure, Mathilde Panot, Cyrielle Chatelain et Stéphane Peu. Tous étaient presque endimanchés, avec cravate pour les hommes (sauf Olivier Faure), et Marine Tondelier a même délaissé sa veste verte qui a tant fait pour sa notoriété (quelle ingratitude !).
Le rendez-vous suivant était la rencontre avec le camp présidentiel, arrivé en ordre dispersé. Il y avait Gabriel Attal, puis Édouard Philippe, Laurent Marcangeli et Claude Malhuret, puis Laurent Hénart, Stéphane Séjourné et Marc Fesneau, puis François Patriat, puis François Bayrou.
Les représentants de LR ont aussi été reçus, avec Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Annie Genevard. Enfin, ceux de LIOT également n'ont pas été oubliés (ainsi que le président du groupe centriste au Sénat et président de l'UDI Hervé Marseille). Il ne reste plus que les représentants du bloc RN, à savoir Marine Le Pen, Jordan Bardella et Éric Ciotti, qui viendront ce lundi 26 août 2024 (ils ne pouvaient pas vendredi, ils avaient piscine). L'Élysée a aussi communiqué sur une rencontre avec Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, les Présidents des deux assemblées parlementaires.
En somme, toute l'Assemblée Nationale a défilé à l'Élysée. Pour quel résultat ? On précise à l'Élysée que la nomination du Premier Ministre sera rapide, prévue peut-être pour le 27 août 2024 (avant la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques le 28 août 2024). On peut douter de cet agenda car Emmanuel Macron a toujours été lent dans ses nominations gouvernementales, même lorsqu'il avait une majorité absolue. Ce qui est sûr, c'est que, d'une part, aucun changement notable de position n'a été enregistré à cette occasion, mais d'autre part, ces positions ont été officiellement exprimées, actées en quelque sorte devant les institutions.
Quelles sont ces positions ?
Celle du NFP, c'est de dire (avec un problème de calcul) : le NFP est arrivé en tête et c'est donc au NFP de gouverner. Raisonnement doublement foireux car il n'est pas arrivé en tête, sinon, André Chassaigne aurait été élu Président de l'Assemblée Nationale, ce qui n'est pas le cas. Cela signifie qu'une majorité relative plus importante existe avec le bloc central et LR. De plus, même s'il était arrivé en tête, l'important est d'être capable de rassembler une majorité à l'Assemblée, ce qui n'est pas le cas pour le NFP.
Rappelons simplement qu'en Espagne, aux élections législatives du 23 juillet 2023 ont placé au premier rang le Parti populaire (PP), de droite, avec 33,1% des voix et 137 sièges sur 350, ce qui faisait un gain de 49 sièges par rapport aux sortants (et une progression de 12 points en pourcentages des suffrages exprimés). Mais le PP est resté dans l'opposition, car le Parti socialiste (PSOE) du Premier Ministre Pedro Sanchez, qui n'a obtenu que 31,7% des voix et 121 sièges, a pu rassembler les indépendantistes catalans (et autres régionalistes) et former une majorité, ce qui a permis aux socialistes espagnols de continuer à gouverner malgré l'avance du PP. À ma connaissance, je ne connais aucun dirigeant actuel du NFP qui aurait contesté la légitimité du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez depuis un an.
Le premier secrétaire du PS Olivier Faure s'est répandu dans les médias, en cette fin de semaine, avec une critique complètement stupide : en raison du front républicain contre le RN, les partis du camp présidentiel sont priés de ne pas censurer un gouvernement qui appliquerait la programme du NFP ! Et il pense que ce n'est pas démocratique de vouloir censurer un gouvernement qui agirait dans la direction complètement contraire aux convictions des députés du camp présidentiel !
Eh bien, il faut rappeler à Olivier Faure que les électeurs des députés du camp présidentiel n'ont pas voulu le NFP et parfois, on leur a même dit, pour faire barrage au RN, qu'ils pouvaient voter pour un candidat NFP voire insoumis, car le programme du NFP ne serait jamais appliqué ! Comment voulez-vous que le peuple ne se rebelle pas quand il a montré qu'il était très globalement à droite, et même très à droite, et qu'un gouvernement minoritaire irait très à gauche, parmi les éléments les plus radicalisés de la gauche ?
Invité de TF1 le 24 août 2024 après son discours à Châteauneuf-sur-Isère de la veille où il n'a fait que de l'antimacronisme primaire (très stérile, mais ça plaît terriblement aux militants !), Jean-Luc Mélenchon a fait encore mieux qu'Olivier Faure dans les déclarations délirantes : il a proposé que les insoumis ne soient pas membres du futur gouvernement de Lucie Castets et a demandé au bloc central ce qu'il ferait dans ce cas. Il n'a décidément rien compris, mais comme il est intelligent, il le fait exprès : l'important, ce ne sont pas les hommes (et les femmes) qui seront au gouvernement, l'important, c'est la politique qu'il mènera pour la France. Tant que Lucie Castets s'acharne à ne vouloir faire qu'appliquer le programme du NFP et rien que lui, elle n'a aucune chance de ne pas récolter la censure à la première seconde où elle sera nommée à Matignon le cas échéant. Ce n'est pas la faute à pas d'chance, c'est le résultat des élections, c'est-à-dire de la volonté populaire : il n'existe aucune majorité NFP à l'Assemblée Nationale !
Le seul salut pour un gouvernement stable, c'est un gouvernement qui affiche une feuille de route très légère, sur quelques points très spécifiques (et en particulier sur le logement qui ne devrait pas susciter de clivages politiques insensés) sur lesquels se mettrait d'accord une majorité d'action. Mais pour cela, encore faut-il parler de la politique gouvernementale (comme l'a fait du reste LR) et pas exclusivement des personnes éventuellement chargées de l'appliquer.
Ce qui est clair en tout cas, c'est que les députés du bloc central et les députés LR (et les députés RN) voteraient la censure si un gouvernement était nommé pour appliquer le programme du NFP, c'est-à-dire le programme de Jean-Luc Mélenchon que ne veut absolument pas une majorité du peuple français. C'est ça, la démocratie, comprendre qu'il y a une majorité absolue contre soi.
Dans les noms qui auraient été cités par Emmanuel Macron à différents interlocuteurs, il y aurait : Valérie Pécresse (présidente du conseil régional d'Île-de-France), Xavier Bertrand (président du conseil régional des Hauts-de-France), David Lisnard (maire de Cannes), Jean-Louis Borloo (ancien maire de Valenciennes et ancien ministre), Bernard Cazeneuve (ancien maire de Cherbourg et ancien Premier Ministre). On pourrait en ajouter plein d'autres, comme Charles de Courson (qui a toujours été dans l'opposition à Emmanuel Macron) ou encore Karim Bouamrane (maire de Saint-Ouen).
La position de LR est beaucoup plus ambiguë. Elle est de dire : LR ne censurerait pas un gouvernement qui n'appliquerait pas le programme du NFP et qui n'aurait pas de ministre insoumis, mais LR ne participerait dans tous les cas à aucun gouvernement, même si celui-ci appliquait la politique proposée dans le pacte présenté par LR le 22 juillet 2024. Avec l'élection de Yaël Braun-Pivet au perchoir, on a pu comprendre que les députés LR faisaient front commun avec les députés du bloc présidentiel, mais on pourrait aussi analyser la situation comme une faute complète de stratégie de LR depuis deux ans.
En effet, entre 2022 et 2024, Emmanuel Macron a multiplié les occasions pour faire une véritable alliance de gouvernement entre les macronistes et LR, notamment sur la réforme des retraites et sur la loi Immigration (une telle alliance aurait eu la majorité absolue). Or, pour se distinguer des macronistes, les députés LR ont refusé toute cause commune, même lorsque les textes avaient obtenu l'accord du groupe pléthorique LR au Sénat. Dans l'explication présidentielle, cela a motivé la dissolution en raison d'une situation de confusion au sein de l'Assemblée.
La dissolution avait donc pour réel objectif une clarification de la situation confuse de la précédente législature. La réalité, c'est que la situation est devenue encore moins claire à cause du groupe pléthorique du RN, le premier groupe à l'Assemblée. Résultat pour LR : au-delà de sa très profonde scission entre l'aile Wauquiez et l'aile Ciotti (pourtant, Éric Ciotti avait été élu président de LR pour soutenir Laurent Wauquiez à l'élection présidentielle de 2027), LR a perdu des sièges et se retrouve obligé, pour cause d'esprit de responsabilité, de finalement faire une alliance plus ou moins assumée avec les macronistes, et celle-ci ne suffit encore pas pour atteindre la majorité absolue, il manquerait encore une cinquantaine de sièges provenant des bancs socialistes.
Par conséquent, le Premier Ministre devra être soit une personnalité de LR qui a des capacités de relations de travail avec le PS, soit une personnalité du PS qui a des capacités de relations de travail avec LR. De plus, il aura dû être en opposition frontale avec Emmanuel Macron, pour ne pas être accusé d'être simplement un fondé de pouvoir du Président et pour démontrer que la politique du gouvernement émanera bien de Matignon et pas de l'Élysée comme dans n'importe quelle cohabitation. Enfin, il devra avoir autorité et expérience sur les procédures législatives car ni l'extrême gauche ni l'extrême droite ne le rateront. Équation complexe, celle des mains tendues !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (24 août 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
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Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
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Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
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Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
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