Législatives : des enjeux politiques et... financiers
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Au mois de juin se dérouleront les élections législatives. À la clé, des enjeux de pouvoir pour les partis dominants, mais également des enjeux financiers pour toutes les formations qui jouent un rôle dans la vie démocratique de notre pays ou aspirent à en devenir des acteurs...
Compte tenu du verdict de l’élection présidentielle et des premières indications données par les instituts de sondage pour le scrutin des 11 et 18 juin, c’est évidemment le nouveau parti d’Emmanuel Macron, la République en Marche, qui devrait recevoir la plus grande partie des aides publiques allouées durant les 5 prochaines années par l’État au titre des résultats officiels du scrutin législatif. Et cela au détriment des partis – en l’occurrence le Parti Socialiste et Les Républicains – qui, jusque-là, phagocytaient la plus grosse part d’un pactole déterminant pour faire vivre les appareils, mener des actions militantes et conduire les campagnes lors des prochaines échéances électorales.
Outre la REM et son proche allié le Modem, deux partis vont probablement toucher en 2017 les dividendes de leur ancrage consolidé dans la société française tel qu’il a pu être mesuré lors du 1er tour de la présidentielle : la France Insoumise et le Front National dont les premières enquêtes indiquent qu’ils devraient réaliser des scores élevés au détriment des anciens « partis de gouvernement », l’un en difficulté (LR), l’autre promis à une bérézina électorale (PS). C’est en effet le nombre de suffrages exprimés aux législatives pour chaque parti qui constitue la principale source des aides publiques aux partis politiques. Et cela en fonction d’une règle simple : chaque voix rapporte au parti qui en bénéficie 1,42 euro par an dès lors que ce parti atteint ou dépasse 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions*. Une aide attribuée chaque année durant la durée du mandat législatif.
Encore faut-il, pour toucher chaque année 1,42 euro par suffrage, avoir respecté la règle de parité hommes-femmes imposée par les textes en vigueur**. Si tel n’est pas le cas, le montant de l’aide est diminué de 150 % de l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes rapporté au nombre total de candidats. Autrement dit, dans l’hypothèse de 100 candidats répartis entre 60 hommes et 40 femmes, une diminution égale à (60-40) x 150 % / 100, soit 30 % de l’aide, ce qui, dans l’hypothèse évoquée, ramène le montant par suffrage à 99 centimes. Une disposition qui, dans sa rigueur arithmétique, a lourdement pénalisé l’UMP au lendemain des législatives de 2012, eu égard au fort déséquilibre des candidatures de ce parti entre hommes et femmes : un quart seulement des circonscriptions avait été réservé à ces dernières !
Les voix recueillies lors des législatives ne sont pas la seule source de financement des partis directement dépendante des résultats de ce scrutin. Comme pour les sénateurs, chaque député élu rapporte en effet 37 280 euros à son parti. Et cela chaque année pendant la durée du mandat. À une condition toutefois : que les partis disposant d’élus aient rempli la condition évoquée ci-dessus : 1 % des voix dans au moins 50 circonscriptions. Ce qui signifie qu’en métropole une personnalité indépendante élue grâce à sa forte notoriété locale n’apporterait pas un centime au titre de ce siège de parlementaire à son micro-parti.
Au total, la somme de ces deux fractions d’aides publiques directement dépendantes des résultats des législatives s’est élevée, d’après le quotidien Le Monde, à 63,1 millions d’euros en 2016. Une manne annuelle évidemment très convoitée qui n’est pas sans incidence sur la stratégie électorale et sur les tractations entre partis compatibles. Ainsi en va-t-il de la dualité Front National - Debout la France, DLF ayant impérativement besoin de voix d’électeurs pour renouveler son financement antérieur. Et nul doute que la rupture entre la France insoumise et le Parti Communiste trouve plus probablement son origine dans ces considérations financières que dans l’idéologie politique.
Sur les 63,1 millions d’aides publiques versées en 2016, Le Parti socialiste en avait recueilli 24,9 millions, Les Républicains 18,6 millions, le Front national 5,1 millions, le PCF 2,9 millions et EELV 2,8 millions, le reste allant à des petites formations de métropole ou d’Outremer. À n’en pas douter, ces données vont être très largement rebattues après les législatives du fait des bouleversements politiques induits par la victoire d’Emmanuel Macron et l’émergence de la République en Marche. C’est, pour reprendre l’expression de Laurent Fabius, incontestablement à un nouveau « chamboule-tout », financier celui-là, que l’on va assister une fois connus les résultats officiels des 11 et 18 juin.
Les enjeux sont par conséquent considérables pour les partis et ceux qui les dirigent. Des enjeux qui éclairent d’un jour quelque peu cru les tractations encore en cours dans les états-majors. Mais le temps presse : le 25 mai à 18 heures, tous les partis devront avoir communiqué au ministère de l’Intérieur la liste complète de leurs candidats.
* Une condition qui ne vaut pas pour les partis locaux d’Outremer soumis à la seule obligation d’avoir obtenu 1 % des voix.
** Loi n°88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, modifiée par la loi n°2000-493 du 6 juin 2000
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