Législatives : le besoin impérieux d’une majorité ou le déni de démocratie
A chaque élection législative, et celle de cette année n'échappe pas à la règle, on entend dire qu'il faut absolument constituer une majorité à l'assemblée nationale. Soit une majorité présidentielle, soit une majorité pour l'opposition afin qu'elle exerce soit-disant le rôle de contre-pouvoir. Ce discours est tenu par les grands partis politiques, ce qui est logique dans leur esprit de conquête du pouvoir, mais aussi par de nombreux observateurs, journalistes, chroniqueurs ou politologues, ce qui me paraît indigne de leur intelligence. Une majorité à l'assemblée constitue selon moi un déni de démocratie.
Qu'est-ce qu'une démocratie ?
On la confond souvent avec le principe de la liberté d'expression, ou bien on la considère comme acquise dès lors que le peuple a le droit de vote. Ces deux idées sont fausses. En réalité, la démocratie est un système politique dans lequel le peuple exerce le pouvoir (étymologiquement, le mot démocratie vient du grec "demos" le peuple, et "cratos" le pouvoir).
Mais comme il serait extrêmement compliqué d'en référer à chaque membre du peuple pour chaque décision à prendre, on a inventé le mandat dit représentatif. Chaque citoyen peut, lors d'une élection, donner sa voix à un candidat qu'il juge suffisamment proche de ses idées pour le représenter dans les instances de la république, l'assemblée nationale dans le cas de l'élection législative.
Chaque élection est différente
La France est un pays de diversité dans lequel une multitude d'opinions politiques coexistent. Souvent à l'intérieur même d'un parti des différences de point de vue apparaissent, ce qui est normal et sain. Lors de l'élection présidentielle, il est logique que ces différences d'opinions soient gommées pour trouver un consensus en la personne d'un homme ou d'une femme pour prendre la tête du pays.
A l'inverse, les élections législatives servent à élire les représentants du peuple à l'assemblée nationale, il est donc primordial que cette assemblée représente la diversité du peuple dans ses opinions. Si on gomme à nouveau les différences et qu'une seule tendance politique peut décider à elle seule, la majorité du peuple constituée par tout le reste des opinions n'aura pas la parole pendant toue la durée du mandat. Dur dur pour une démocratie.
Gouverner ça veut dire quoi ?
Gouverner ce n'est pas appliquer unilatéralement un politique prédéfinie. Gouverner c'est proposer les projets que l'on croit être les meilleurs pour l'intérêt commun. Ces projets doivent être soumis à l'ensemble des représentants du peuple. Le rôle de l'assemblé n'est pas de voter automatiquement toutes les propositions du gouvernement, elle est un lieu de débat. Les projets doivent y être discutés, amendés et modifiés pour correspondre le mieux possible à ce que veulent les français dans leur ensemble. Les projets sont ensuite votés et adoptés par une majorité, celle qui se sera constituée autour d'un projet précis. La majorité peut changer selon les projets, ce qui garantit le respect de la diversité des opinions du peuple.
Le fantasme de l'impossibilité de gouverner si une majorité n'est pas établie à l'assemblée nationale a la peau dure, il n'est pourtant qu'un argument fumeux utilisé pour convaincre le peuple de donner les pleins pouvoirs à un parti. Hors, il n'est absolument pas souhaitable qu'un parti ait tous les pouvoirs dans le pays (exécutif et législatif), ni que le gouvernement ait face à lui une assemblée majoritairement et a priori hostile qui contrecarre systématiquement sa politique. Dans le premier cas l'assemblée nationale est inutile, dans le deuxième elle est un frein à la gouvernance.
Pourquoi faudrait-il donner une majorité au président ?
Cette année il faudrait donner une majorité de gauche au président et au gouvernement pour qu'ils puissent appliquer la politique définie lors de la campagne présidentielle. Comme si tous les français approuvaient la politique de François Hollande depuis qu'il a été élu. Cet argument un travers de notre soit-disant démocratie. Il est important de rappeler que cette année 71% des électeurs n'ont pas voté pour François Hollande au premier tour, puis 48% n'ont pas voté pour lui au deuxième tour. Certes il est le président élu, c'est donc à lui d'impulser une politique, de former un gouvernement pour proposer des projets, mais son élection ne donne pas toute légitimité à sa tendance politique pour disposer des pleins pouvoirs. Seul le respect de la diversité des opinions du peuple peut garantir la démocratie.
L'abstention
L'abstention aux élections législatives n'est pas due, comme on l'entend souvent, au fait que les électeurs ont du mal à se mobiliser deux fois de suite à un mois d'intervalle. Les électeurs seraient parfaitement capables de se mobiliser tous les jours s'ils étaient assurés que leur voix était entendue. Ils ne sont devenus des dilettantes qui "préfèrent aller à la pêche" (entendu à la radio !) que depuis que les grands partis se sont accaparés le pouvoir et nous prouvent chaque jour leur incapacité à gouverner de façon démocratique.
Pour pallier l'abstention qui, il est vrai, fausse les résultats, certains veulent rendre le vote obligatoire. Vouloir rendre le vote obligatoire c'est n'avoir pas compris que notre démocratie n'en est pas une, c'est croire que les citoyens ont besoin d'être contraints pour participer à la vie de leur pays. C'est ne pas comprendre que si la démocratie était une réalité, les citoyens seraient ravis d'y participer. Ce sont d'ailleurs souvent les mêmes personnes qui veulent rendre le vote obligatoire qui croient qu'une majorité à l'assemblée est la seule voie possible pour gouverner.
Pour conclure
Prendre conscience que ce déni de démocratie est une réalité c'est déjà commencer à s'engager dans la voie de la recherche du bien commun. La politique ne devrait pas être un affaire d'opposition, mais bien une recherche permanente du juste milieu, de la décision qui pourra satisfaire le plus grand nombre. Faire de la politique ne devrait pas consister à prendre le pouvoir pour appliquer des idées prédéfinies, mais bien à faire appliquer des idées issues de discussions avec l'ensemble des composantes du peuple. Dis de cette manière cela ressemble à une utopie, cela me paraît pourtant être du simple bon sens.
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON