Les américanistes sont les pires amis des Américains (1re partie)
« Anti-américanisme »,
un terme qui fleure bon l’ « agitprop »
Pourquoi en cette rentrée 2008 ne pas analyser en détail deux aspects essentiels des relations franco-américaines actuelles qui, sur fond d’effondrement du dollar et de l’économie US, illustrent parfaitement la trahison des élites européennes, à savoir :
- le fait que sans s’en rendre compte, en élisant Nicolas Sarkozy à la tête de leur pays, les Français ont porté la petite clique américaniste parisienne à la tête de leur pays ;
- la constatation renouvelée que les américanistes (Français, Européens ou Américains) sont les pires amis des citoyens américains.
Mais avant d’aller plus
avant, je me permets de préciser que je parle d’un sujet que
je connais bien pour avoir fondé et dirigé
(bénévolement) TIESWEB,
le premier grand réseau transatlantique citoyen, lancé
à Washington, à Blair House, résidence des
invités officiels du président des Etats-Unis, lors du
Sommet EU/USA de décembre 1997, avec le soutien des
institutions européennes et du gouvernement américain
de l’époque.
En politique, les mots sont essentiels. Et ce terme d’anti-américaniste, inconnu avant ces dernières années, n’est pas apparu par hasard. Il traduit la dissociation croissante entre le pouvoir washingtonien et le peuple américain, entre les décisions et les actions de G. W. Bush et ses sponsors politico-affairistes-religieux et les idéaux et principes des Etats-Unis qui avaient séduit le monde du XXe siècle. Il correspond à l’évidence croissante qu’une majorité d’Américains ne se reconnaît plus dans ses dirigeants et l’utilisation qu’ils font de la puissance de leur pays. Il devenait ainsi difficile de considérer comme anti-américaines des analyses ou des critiques partagées par une majorité de citoyens américains. D’où, miracle de l’agitprop version Washington, l’apparition du terme anti-américaniste, qui, tout en tant différent d’anti-américain, tente de s’y substituer, pour amalgamer ceux qui sont contre les politiques américaines actuelles et ceux qui n’aiment pas les Américains.
On connaît bien ces méthodes. L’ « anticommunisme primaire » fit les grandes heures de la propagande soviétique, et des relais occidentaux de Moscou, des années 1950 aux années 1980.
Car il s’agit bien de cela, de propagande et de rien d’autre. En bref, il s’agit de créer la confusion dans les esprits et d’identifier ceux qui sont contre le pouvoir washingtonien actuel à ceux qui sont contre le peuple américain. C’est une bonne vieille méthode de terrorisme intellectuel pour dicréditer les critiques.
Une fois identifiée, elle permet aisément en revanche de savoir quels sont les médias, experts ou dirigeants qui sont « affiliés » au réseau washingtonien, comme on pouvait aisément décrypter il y a vingt ou trente ans ceux qui prenaient leurs ordres à Moscou : tapez le mot « anti-américaniste » sur un moteur de recherche et vous verrez très vite qui y consacre de longues tribunes pour s’offusquer, se plaindre, dénoncer ou vilipender tous les espris malades ou malveillants qui se complaisent dans l’ « anti-américanisme ».
Pourquoi les américanistes sont-ils les pires amis des Américains ?
Mais pourquoi dire que ces américanistes (ceux qui rejettent les critiques contre Washington en les qualifiant d’ « anti-américanistes ») sont les pires amis des Américains ?
Il est possible de légitimer cette opinion de plusieurs manières.
Ainsi, on peut déjà utiliser les comparaisons historiques :
- les stalinistes occidentaux n’étaient-ils pas les pires amis du peuple russe, cautionnant et vantant les louanges d’un système, d’une politique et de dirigeants qui sacrifiaient par millions leurs propres concitoyens ? Et toujours prêts à discréditer la critique en amalgamant critique du pouvoir moscovite et critique des idéaux communistes ou du peuple russe ?
- les collaborateurs français (régime de Vichy) ou autres dans l’Europe occupée par les nazis, n’étaient-ils pas les pires amis du peuple allemand ? Eux qui soutenaient activement la politique du Berlin hitlérien tout en pourchassant le « terroriste » qui refusait la domination nazie, et dénonçait les critiques infondées contre la « culture » et la « nation » allemande ?
Et dans les deux cas, les
deux peuples concernés, russe et allemand, ont ensuite
confirmé leur profond rejet des politiques conduites en leur
nom par ces deux régimes, prouvant qu’être staliniste ou
collabo était sans aucun doute être le pire ami
possible de ces peuples.
Pour information, le show
américain de Nicolas Sarkozy a été organisé
par un président et un Congrès américains
largement rejetés par la grande majorité des Américains
puisque selon le sondage Zogby
International de septembre dernier, seuls 29% des
citoyens américains approuvent l’action de G. W. Bush et à
peine 11% celle du Congrès. Dis-moi par qui tu es applaudi et
je te dirai quel homme politique tu es... !
Comme leurs homologues
collabos ou stalinistes, les américanistes se moquent bien des
citoyens américains, sinon, ils suivraient l’immense majorité
d’entre eux qui estime désormais que Washington fait fausse
route dans quasiment tous les domaines : diplomatie, guerre,
économie, social, éducation, environnement... au
lieu de chanter les louanges dont les premières victimes sont
les citoyens des Etats-Unis : milliers de soldats tués ou
blessés en Irak et Afghanistan, millions de familles jetées
à la rue par la crise des subprimes, millions d’épargnants
en train de se faire dépouiller de leurs retraites et de leurs
économies par la crise financière à Wall Street,
dizaines de millions d’Américains sans soins médicaux...
Mais les américanistes
se moquent bien de tous ces « Américains de base »
car ils n’appartiennent pas à leur vision de l’ « Amérique »
: soit parce qu’ils les considèrent comme « dégâts
collatéraux » d’une expérience idéologique
dont ils sont eux-mêmes les propagandistes,
l’ « ultra-libéralisme » ; soit parce
qu’ils bénéficient financièrement des dérives
de l’ « américanisme réel »
par rapport aux « mythes américains » ;
soit parce qu’ils vivent dans une Amérique de rêve
nostalgique (celle de leurs vingt ans, celle que Nicolas Sarkozy a
décrite au Congrès, celle de l’ « âge
d’or américain » des années 1940-1960 : Louis
Armstrong, Elvis Presley, Apollo 11, Kennedy...).
L’américaniste nostalgique aime les Américains idéalisés d’hier, qui servent ses souvenirs, et refuse de s’intéresser à ceux d’aujourd’hui. Il a besoin d’être américaniste pour ne pas se sentir vieillir trop vite. Au pouvoir, il est tout aussi dangereux que les deux autres catégories, mais au moins il est sincère.
L’américaniste idéologue a besoin d’ignorer les Américains d’aujourd’hui qui, par dizaines de millions, sont poussés hors du « rêve américain », pour pouvoir continuer à prêcher son idéologie ultra-libérale. Il est aveuglé par son a priori idéologique.
L’américaniste
« intéressé » se moque
complètement des Américains d’aujourd’hui car il
participe lui aussi activement à la dérive du « rêve
américain » en « tondant le mouton
américain », comme le montre par exemple la
connivence de la sphère financière européenne
avec son homologue outre-Atlantique en matière de prêts
immobiliers subprimes. Il a ainsi besoin d’être américaniste
pour faire de bonnes affaires avec ses partenaires « américanistes »
américains. Cet américaniste-là est totalement
cynique et constitue typiquement l’ami le plus dangereux qui soit.
Celui qui ne vous fera pas arrêter de boire si vous devenez
alcoolique, mais qui au contraire, se prétendra votre ami en
vous vendant de l’alcool « à prix d’ami ».
Ce sont d’ailleurs, ces américanistes-là qui vont
s’évanouir dans l’année à venir du fait du
statut de moins en moins attractif de l’économie américaine
et du dollar US. Ce sont eux, oligarques et financiers français,
qui ont dû faire relayer par Nicolas Sarkozy ce message,
pourtant naïf, prévenant de risques de guerre commerciale
si le dollar continue à s’effondrer.
Bien entenu, l’américaniste européen a un statut bien inférieur à celui de l’américaniste américain.
Car les américanistes sont en fait au pouvoir à Washington ; et ils recrutent leurs affidés dans le monde entier. Le processus de recrutement repose sur un credo très succinct :
1. Washington a toujours raison.
2. Ce qui est bon pour les élites américanistes est bon pour le monde entier.
3. Tout le reste est secondaire (y compris les principes démocratiques).
4. Tous ceux qui sont contre sont des terroristes (s’ils ne sont pas blancs, occidentaux ou chrétiens) ou anti-américanistes (s’ils sont blancs, occidentaux ou chrétiens).
5. Tous ceux qui souscrivent aux 4 principes précédents bénéficieront du soutien plein et entier des réseaux américanistes (au choix, non exclusif : pour faire des affaires, accéder au pouvoir, faire carrière).
Avec de tels principes fondamentaux, il est certain que les problèmes de l’Américain moyen ne figurent pas vraiment au rang des priorités de l’américaniste. Il serait même plutôt du genre à se nourrir des problèmes des citoyens américains.
Cependant, le citoyen
américain, via les élections, restant le seul acteur
capable de garder une apparence de légitimité aux
élites américanistes, il faut le convaincre
régulièrement du bien-fondé de l’américanisme.
En effet, si d’autres forces politiques parvenaient à prendre
le pouvoir à Washington (et je ne parle pas des élites démocrates dont la plupart sont des américanistes
mous), qui ne partageaient pas les principes américanistes, ç’en serait fini du pouvoir américaniste dans le monde.
39 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON