Les maisons secondaires de Vaduz (Liechtenstein)
Vaduz, Liechtenstein. On croit ce pays sorti tout droit des dessins d’Hergé, on y voit un prince dans un château et des vieilles voitures noires l’accompagner dans ses visites à une paysannerie très fidèle. Liechtenstein : écrivez le mot et vous y faites au minimum deux fautes d’orthographe.
De l’Allemagne aussi, nous n’en connaissons pas grand-chose : le transfert de Ribéry au Bayern, la Forêt noire, la choucroute de la Fête de la bière, les saucisses de Francfort. On ne sait pas exactement où se trouvent Dresde et Leipzig et on a du mal à se souvenir que Buchenwald était à proximité de l’université de Weimar. Mais depuis peu, il y a des échos insistants qui nous parviennent de ce pays lointain. Il paraîtrait que le libéralisme d’Angela Merkel ne convient plus aussi bien à la ménagère allemande (sauf si elle a une maison secondaire à Vaduz).
On connaît encore moins la richesse du pays. Le LGT Group, dont le directeur n’est autre que SAS le prince Max de Liechtenstein, a une annonce publicitaire qui fait plutôt froid dans le dos sauf pour ceux qui mettent leur argent au soleil. Sur la plaquette de l’entreprise, on peut lire :
« Nos clients ont tous une chose en commun : ils attendent de nous - de nos prestations de services et de nos produits - une qualité "princière" » (dans le texte !). Ainsi, on apprend que « le portefeuille princier, depuis le 31 décembre 1998, date de son lancement, y a réalisé une performance brute de 93,5 % et dépassé ainsi tous les indices référentiels importants ». (Pfftt ! Il n’a pas battu les +172 % de notre président).
Poursuivons : « Nous nous engageons à pratiquer la culture des valeurs durables. Par-là, nous entendons l’art de créer, préserver et accroître des valeurs dans la stabilité, grâce à des méthodes et des instruments innovants. Les preuves tangibles de notre incontestable réussite sont nombreuses... Au sein du cercle restreint de banques privées officiellement évaluées, nous obtenons depuis des années les meilleures notations (AA- et Aa3) octroyées par les agences Standard & Poor’s et Moody’s. Mais la confiance de nos clients, inaltérable au fil des années, qui traduit leur satisfaction de nous avoir choisis, nous tient encore plus à cœur. »
Plus loin, il est rappelé les atouts du Liechtenstein : continuité et stabilité politiques/politique économique libérale/système bancaire performant/secret bancaire rigoureux (qui oserait en douter ?)/main-d’œuvre performante et bien formée (euh... là, il y a eu au moins une erreur de casting !). La banque LGT possède sept filiales en Allemagne. En France, la filiale compte... Olivier Giscard d’Estaing comme président !
Les banques du Liechtenstein gèrent aujourd’hui pour leurs clients un patrimoine de quelque 170 milliards de francs suisses, ce qui place le petit pays parmi les plus grandes places financières du monde (comme le Luxembourg). LGT, qui gère plus d’un tiers de ces actifs, y occupe une position de leader. On est là chez les éléphants de la haute finance mondiale.
Et qui dit finances internationale dit chambre de compensation. Comment s’en étonner ? La LGT a également un compte - comme la Société générale - à... Clearstream. La chambre de compensation, qui voit des flux égaux à 250 fois le budget de la France s’opérer sans un regard public, n’est pas à l’initiative de la fraude et de cette massive évasion fiscale. Mais on a, là, la pièce manquante du puzzle : « Ce sont évidemment, rappelle Denis Robert, les banques et leurs clients qui organisent ces fraudes. Mais Clearstream est l’outil qui sert à la dissimulation... »
Pour ceux qui en douteraient, voilà le numéro d’accès de la LGT Bank (5609/90538) de leur dernier compte caché.
Ce n’est pas la première fois que la petite principauté apparaît au premier plan d’un scandale financier en Allemagne : en
Les autorités allemandes ont réussi à contourner le secret bancaire de la principauté en achetant à un informateur des données bancaires. Ces données provenaient d’une liste confidentielle dérobée en 2002 à LGT. Selon l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, les enquêteurs allemands les ont achetées pour 5 millions d’euros, ce qui a permis l’enquête. La somme, qui provient du budget des services secrets allemands (BND), aurait été versée à un informateur qui avait contacté le BND au début de 2006.
L’enquête ne vise pas, pour l’instant, d’autres patrons du DAX (l’équivalent allemand du CAC 40). Des dirigeants de PME et des responsables d’envergure régionale feraient aussi partie des suspects. Le ministère des Finances a appelé les fraudeurs qui ont manqué à leur devoir de solidarité via l’impôt, à se dénoncer, comme le permet la loi fiscale allemande. Le procureur de Bochum a indiqué que la fraude fiscale porterait sur un montant total de 3,4 milliards d’euros.
Premier pris la main dans le sac : le patron de Deutsche Post, Klaus Zumwinkel, proche du SPD. Multimillionnaire dès la naissance, il est l’archétype de ces patrons-voyous dont nous a parlé il y a très très longtemps l’ami Nicolas. Son salaire, passé jusque-là comme une lettre à la poste, est au top : 3,3 millions d’euros par an. Présent dans de nombreux conseils de surveillance de grandes entreprises (Deutsche Telekom, Lufthansa), Klaus Zumwinkel fut à la tête de la Deutsche Post depuis 1990. Il a géré sa privatisation, mais aussi son redéploiement en licenciant presque la moitié des 380 000 salariés de l’entreprise.
Il a présenté sa démission au lendemain d’une spectaculaire perquisition à son domicile et à son bureau. Outre son fauteuil de président du directoire de la poste, le dirigeant a aussi abandonné la présidence du conseil de surveillance de Postbank, la filiale bancaire de Deutsche Post. Il est soupçonné d’avoir soustrait au fisc près d’un million d’euros. L’affaire Zumwinkel semble n’être que la partie émergée de l’iceberg, puisque plusieurs journaux allemands font état d’un millier de cas, totalisant plusieurs milliards d’euros de fraude tandis que 900 mandats de perquisition sont prêts à être exécutés en particulier à Cologne et Düsseldorf (ouest). Il sera intéressant de voir les effets dans l’opinion à moins d’une semaine des élections dans la ville-Etat de Hambourg.
La chancelière Angela Merkel avait dénoncé en grande prêtresse du libéralisme ce scandale : « Cela va au-delà de ce que j’ai pu imaginer et de ce que beaucoup d’autres ont pu imaginer. » Une visite du chef du gouvernement du Liechtenstein Otmar Hasler est prévue à Berlin la semaine prochaine. L’enquête en cours pourrait constituer "un thème de discussion". Gageons qu’ils tenteront de faire toute la lumière sur ce beau pays, incontestable trou noir de la finance !
Après les affaires particulières de la Société générale, on peut vraiment dire que l’Europe libérale est l’archétype du capitalisme. Au-delà de ce que Mme Merkel a imaginé ! Le réel au-delà de l’imagination !
Osons alors le concept : nous sommes entrés dans les temps du capitalisme délirant.
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