Les sondages se sont-ils trompés ?
Oui et non. Comme en 2007, les sondages ont globalement bien anticipé l’ordre d’arrivée des candidats, mais avec certaines imperfections.
A une semaine du vote, l’ensemble des enquêtes publiées tout instituts de sondages confondus au cours du mois d’avril créditaient les 10 candidats des intentions de vote suivantes :
Nicolas Sarkozy 28 %, François Hollande 27,7 %, Marine Le Pen 15,2 %, Jean-Luc Mélenchon 14,2 %, François Bayrou 10,2 %, Eva Joly 2,2 %, Nicolas Dupont-Aignan 1 %, Nathalie Arthaud 0,8 %, Philippe Poutou 0,7 %, Jacques Cheminade 0 %.
Les résultats officiels complets ayant été rendus publics par le Ministère de l’Intérieur, nous pouvons maintenant comparer les résultats réels de l’élection avec ces chiffres avancés par les sondages d’intentions de vote :
Candidats |
Sondages à J-7 |
Résultats réels |
François Hollande |
27,7 % |
28,6 % |
Nicolas Sarkozy |
28 % |
27,2 % |
Marine Le Pen |
15,2 % |
17,9 % |
Jean-Luc Mélenchon |
14,2 % |
11,1 % |
François Bayrou |
10,2 % |
9,1 % |
Eva Joly |
2,2 % |
2,3 % |
Nicolas Dupont-Aignan |
1 % |
1,8 % |
Philippe Poutou |
0,7 % |
1,1 % |
Nathalie Arthaud |
0,8 % |
0,6 % |
Jacques Cheminade |
0 % |
0,2 % |
Premier enseignement : les sondages ont bien anticipé l’ordre d’arrivée des différents candidats. François Hollande et Nicolas Sarkozy sont nettement devant avec des scores assez voisins, même si le candidat socialiste s’est finalement imposé assez nettement en tête. Loin derrière, Marine Le Pen confirme sa troisième place, suivie par Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou. Les autres candidats ont quant eux finis avec des scores extrêmement faibles.
Second enseignement : les scores respectifs des différents candidats ont été globalement bien anticipés, à deux exceptions près. Globalement, Marine Le Pen a en effet été nettement sous-estimée, alors que Jean-Luc Mélenchon était à l’inverse beaucoup trop surestimé dans les intentions de vote. Dans un cas comme dans l’autre, l’écart est conséquent : environ trois points en moins ou en plus. Notons également une légère surestimation de François Bayrou et une sous-estimation résiduelle de Nicolas Dupont-Aignan.
Harris Interractive s’est le moins planté
A ce petit jeu-là, l’institut Harris Interractive a été le plus efficace. Sa dernière enquête, conduite les 18 et 19 avril, a révélé des résultats très proches de la réalité, malgré une surestimation assez significative de François Bayrou (écart de deux points) :
Candidats |
Harris 17-18 avril |
Résultats réels |
François Hollande |
27,5 % |
28,6 % |
Nicolas Sarkozy |
26,5 % |
27,2 % |
Marine Le Pen |
17 % |
17,9 % |
Jean-Luc Mélenchon |
12 % |
11,1 % |
François Bayrou |
11 % |
9,1 % |
Eva Joly |
2 % |
2,3 % |
Nicolas Dupont-Aignan |
2 % |
1,8 % |
Philippe Poutou |
1,5 % |
1,1 % |
Nathalie Arthaud |
0,5 % |
0,6 % |
Jacques Cheminade |
0 % |
0,2 % |
Les enquêtes conduites par les autres instituts, les mêmes jours ou durant des dates proches, donnent des chiffres plus contrastés. Ipsos a beaucoup trop surestimé Jean-Luc Mélenchon, et sous-estimé dans des proportions équivalentes Marine Le Pen, tout en minorant le score de Nicolas Sarkozy. TNS Sofres a surestimé Mélenchon et sous-estimé Hollande. BVA a considérablement sous-estimé Le Pen (écart de 4 points !!) et a surestimé de 3 points Mélenchon. CSA a sous-estimé Sarkozy et Le Pen et a surestimé Mélenchon. Opinion Way a sous-estimé Le Pen et Hollande et surestimé Mélenchon d’environ deux points dans tous les cas. Le baromètre Ifop du 12 au 15, malgré son échantillon important, s’est complètement planté sur Le Pen et Mélenchon. Reste enfin LH2, qui a surestimé Hollande et Mélenchon et a sous-estimé Le Pen (encore un écart 4 points).
Le vote FN définitivement insaisissable
Légèrement sous-estimés en 1995, largement sous-estimés en 2002, puis finalement nettement surestimés en 2007, les Le Pen sont définitivement la bête noire des instituts de sondage. Ils ont une nouvelle fois été presque unanimement sous-estimés, et ce dans des proportions inquiétantes. Seuls Harris Interractive et TNS Sofres avaient avancé un chiffre record vraiment proche de la réalité pour Marine Le Pen : 17 % dans leurs dernières enquêtes.
Mélenchon : de la difficulté à saisir les phénomènes nouveaux
Comment expliquer une surestimation dans des proportions équivalentes du score de Jean-Luc Mélenchon ? La percée du candidat du Front de gauche est une phénomène totalement nouveau dans le cadre d’une élection présidentielle. Les scores des candidats de la gauche radicale sont en temps normal beaucoup plus faibles : 5,7 % pour Arlette Laguiller en 2002, 4,1 % pour Olivier Besancenot en 2007… Mais avec 11,1 %, on redécouvre un score sans commune mesure depuis les 15,5 % de George Marchais en 1981. C’est la raison pour laquelle les instituts de sondage ont été si maladroits à appréhender la dynamique de campagne de Jean-Luc Mélenchon, qui a acquis de manière très soudaine et brutale une forte notoriété et avec un certain nombre de nouvelles intentions de vote. Le bouleversement était tel qu’il a été trop bien évalué. Si Jean-Luc Mélenchon a réellement percé, et ce dans des proportions très significatives, son audience dans le pays s’est finalement avérée être moins forte.
Plusieurs facteurs ont également put jouer en défaveur du candidat du Front de gauche : l’abstention très élevée qui n’avait pas été anticipée, qui a réduit le poids des sympathisant mélenchonistes, les plus motivés pour se rendre aux urnes, ou encore des transferts de voix de dernière minute : certains de ses électeurs potentiels ont put finalement se reporter sur François Hollande, le privant d’un à deux points supplémentaires.
L’autre erreur : l’abstention
Alors que des études prévoyaient une abstention endémique, proche des 30 %, elle n’a été finalement que de 20,5 % des inscrits. Ce chiffre illustre un paradoxe : malgré leur désintérêt, voire leur défiance pour la campagne électorale, les français sont massivement allés voter. Le sentiment du devoir citoyen a sans doute considérablement pesé dans ce phénomène : pour beaucoup de gens, voter à la présidentielle est quelque chose de fondamental, l’acte citoyen par excellence, quand bien-même on s’abstient à tous les autres scrutins. Cette mobilisation a vraissemblablement profité à la droite vu le haut niveau conservé par Nicolas Sarkozy malgré la percée de Marine Le Pen et la petite performance de Nicolas Dupont-Aiagnan.
En fin de compte, les sondages sont-ils foireux ?
Nous l’avons vu, non, pas complètement. On peut juger qu'on abuse des sondages, qu'on les prends trop au sérieux, on peut critiquer la méthodologie des instituts qui les réalisent. Mais on ne peut pas remettre en cause une réelle capacité à anticiper le résultat final, moyennant un certain nombre d’erreur à la marge. Nous l’avons vu, les différents instituts ont bien prévu l’ordre d’arrivée des cinq premiers candidats, avec des chiffres très proches de la réalité pour les deux finalistes.
Reste à savoir maintenant s’ils se trompent ou non pour le second tour, et si François Hollande est réellement d’ores et déjà dans le fauteuil de Sarkozy…
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