Macron : les yeux plus grands que le ventre…
Une version catastrophique du « en même temps », c’est ce qui nous a été donné de voir lors de cette fameuse « itinérance mémorielle » qui s’est transformée en grand n’importe quoi entre la mémoire, les réunions de bistrot d’une sorte de conseiller général en campagne et le fameux contact avec les élus qu’il convenait de caresser dans le sens du poil, sans oublier la visite d’une usine Renault, la polémique Pétain, l’hommage à M. Genevoix et un aparté avec un porte-drapeau soucieux de virer les sans-papiers. Un grand capharnaüm au bout duquel la mémoire aura été bien malmenée.
De l’itinérance mémorielle » à l’errance présidentielle
En voulant tout faire à la fois, le Président Macron aura bien brouillé le message. C’est dommage, car les territoires traversés et leurs populations méritaient mieux. Il croyait sans doute les convaincre qu’en reconnaissant la tragédie de 1914/1918 subie par leurs aïeux et la terre toujours chargée de symboles et de corps qui remontent régulièrement à la surface, tous les aspects de sa politique qui pénalisent les classes populaires auraient été effacées d’un seul coup.
C’est moi ! Je condescends à venir vous voir pour vous parler de l’armistice étant entendu que pour le reste, c’est-à-dire ma politique économique, je vous ai redonné du pouvoir d’achat. Ça ne se discute pas.
Oui, mais voilà, à force d’écouter toujours les mêmes, les conseillers, les visiteurs du soir, le Medef, et tant d’autres, on en arrive à se convaincre que tout va bien dans le royaume de France, que les provinces baignent dans l’aisance des aides sociales généreusement octroyées par l’Etat, que les services publics qui ferment peuvent être remplacées d’un claquement de doigt par l’administration en ligne et que le problème du coût de l’essence et du gazole peuvent être résolus par l’achat d’une trottinette afin de pouvoir se rendre chez le médecin à quinze kilomètres.
Alors, c’est certain, quand on débarque dans l’Est et dans le Nord avec ce viatique d’énarque, inspecteur des finances qui sait faire des additions pour les banquiers et les riches et des soustractions pour les autres, et qui assume, le choc est rude et ce ne sont pas les commentaires triomphants de certains journalistes et de communicants élyséens affirmant que l’exercice est réussi qui font remonter Macron dans les sondages.
En voulant tout faire, jusqu’à payer sa tournée dans un bistrot, il aura trop fait pour essayer de soigner son image en gâchant ce pour quoi il était venu initialement, c’est-à-dire la mémoire de nos grands-pères qui se sont fait tuer pour que nous vivions en liberté.
Comment peut-on se planter autant ?
Parce que les pauvres sont une statistique, les retraités une tirelire, les actifs une opportunité de limiter les dégâts lors des prochaines élections, les riches, ceux qui vont investir dans l’économie, les élus locaux les pompiers de service, les Métropoles des territoires d’avenir, les fonctionnaires, des gens qui coûtent cher, les chômeurs, des fainéants, sans parler des autres illettrés et ceux qui ne sont rien, les élus de LaRem, des godillots, les syndicats, des corps intermédiaires inutiles, les aides sociales, un pognon de dingue, et les taxes sur l’essence un moyen sûr pour le retraité au fond de sa campagne d’acheter un véhicule électrique…
Voilà, en gros, (liste non exhaustive), le prisme au travers duquel le Président voit le pays. Pas étonnant qu’il se soit fait interpeller, voire huer, à chacune de ses sorties lors de son « itinérance ».
Je ne résiste pas à citer une phrase entendue hier à la télévision, qui dit, qu’en France on compte soit en centimes, soit en milliards et qu’il n’y a plus grand-chose entre les deux. Et c’est vrai, l’écart est grand entre ceux qui ne prennent que cinq euros d’essence ou qui demandent au pompiste de faire crédit jusqu’à la fin du mois, et les milliards dépensés par les plus riches ou les nouveaux riches pour, les uns, s’acheter un yacht défiscalisé à Jersey, les autres, se faire les chantres de l’art contemporain en ouvrant des musées privés grâce au généreux régime fiscal des fondations.
On parle aussi de milliards en France lorsque l’on évoque l’évasion fiscale, mais curieusement, M. Macron préfère taxer les retraités plutôt que de s’occuper de ce problème.
Oui, mais, il y a quand même eu l’appel pour la paix, dimanche…
C’est sûr que notre Président est plus à son aise dans l’entre soi, dans des espaces sécurisés à outrance dans lequel il ne risque pas d’être interpelé sur le prix du gazole. Le hic, c’est que passée la photo, on s’aperçoit du peu de liens qui unissent, y compris au sein de l’Europe, les chefs d’Etats, de gouvernement, ou les altesses qui chacun jouent leur carte personnelle sur fond de protectionnisme, de religion, de corruption ou bien encore de répression envers des journalistes qui osent ne pas penser comme eux.
Toutes les nuances étaient représentées sur les estrades à l’Arc de Triomphe et chacun joue sa carte. Les discours anxiogène du Président, entre référence à l’entre deux guerres et la nécessité pour l’Europe de se doter d’une armée pour se défendre ressemblaient fort au plaidoyer d’un pays vendeur d’armes.
Lorsqu’on ne sait plus quoi dire pour expliquer le marasme économique ambiant, il convient de faire diversion en agitant le spectre de la guerre et mettre l’accent sur les populismes émergeant en Europe, qui ne sont que la conséquence de l’inanité d’une politique commune entièrement dédiée aux intérêts des banques et du capitalisme sauvage.
Alors, oui, notre Président a été brillant dimanche dans son plaidoyer pour la paix. Nul doute qu’il aura convaincu ses invités, contents de retourner à leurs affaires et leurs errements après avoir goûté au Homard de l’Elysée.
Oui, il est brillant et habile sur ces sujets planétaires qui offrent une vision à long terme de notre devenir.
Il l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit d’expliquer sa propre politique aux citoyens de ce pays et surtout, il y a un tas de sujets sur lesquels on ne l’entend pas et qui conditionnent notre avenir immédiat, comme la laïcité, la décrépitude politique de certains élus locaux face à l’insalubrité des logements, les quartiers sensibles qui s’autogèrent autour de trafics divers et variés, de la fraude et l’évasion fiscale, la vraie, pas celle du kéké qui s’achète une grosse bagnole avec son taf au black et qui va se faire gauler parce qu’il s’affiche sur les réseaux sociaux (ces mêmes réseaux sociaux qui ne payent pas d’impôts en France…).
Il y a comme ça des paradoxes et des silences assourdissants dans notre bon pays.
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