Martin Hirsch fidèle aux gens qu’il veut défendre
Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, était l’invité de RTL, ce matin, à 7 h 50. Sa mission, au sein d’un gouvernement où il siège avec un titre étrange, est claire : diminuer la pauvreté en France d’un tiers en cinq ans, selon l’objectif que lui a très officiellement assigné le président dans la République. Pour cela, Martin Hirsch propose une réorganisation des aides publiques aux plus défavorisés, trop nombreuses et dispersées aujourd’hui pour que la totalité de l’argent public dépensé, soit par l’État, soit par les collectivités territoriales, soit pleinement efficace.
Entre autres dispositions, Martin Hirsch souhaiterait que soit mis en place un revenu de solidarité active (RSA), qui encouragerait la reprise du travail pour une personne en difficulté tout en lui garantissant que ses ressources ne diminueraient pas en raison de la perte des minimas sociaux. La mesure devrait être expérimentée dans une vingtaine de départements d’ici à la fin de l’année avant d’être étendue à l’ensemble du territoire dans le courant de 2008. Personne n’est en mesure d’en chiffrer l’impact financier, ce qui n’a pas une véritable importance vu que d’une part les caisses sont vides et que, d’autre part, la somme des gaspillages produite ailleurs dans la dépense publique ne doit pas pénaliser ceux qui déjà n’ont rien. Avis aux lecteurs : tout n’est pas ironie dans cette phrase complexe.
Lors du petit déjeuner qui a suivi l’interview, Martin Hirsch a raconté la manière dont il a noué le dialogue avec Nicolas Sarkozy et qui lui a finalement valu d’entrer au gouvernement. Il en a situé le point de départ, involontaire, à RTL. Alors président d’Emmaus France, il était l’invité de la radio, le matin du 19 décembre 2006. La veille, à Charleville-Mézières, celui qui n’était alors que le candidat de l’UMP avait déclaré ceci, lors d’un meeting : "Je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid." Invité à commenter cette prise de position, Martin Hirsch l’avait qualifié à l’époque et à l’antenne de "démagogique". Ce matin, celui qui est devenu depuis Haut Commissaire a raconté que cette expression lui valut de recevoir, quelques jours plus, à son courrier, une lettre courroucée de Nicolas Sarkozy, longue de trois pages selon Martin Hirsch, qui mentionnait à la fois son souci d’agir réellement sur la pauvreté en France et son sentiment d’être injustement traité par le président d’Emmaus France. Ce dernier répondit par le même mode à la missive et n’eut plus de nouvelles particulières ni du sujet ni du personnage. A quelques temps de là, les deux hommes se croisent dans une circonstance particulière. Il s’agissait de la messe d’enterrement de l’abbé Pierre, le 26 janvier dernier, à la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. La campagne présidentielle est lancée et c’est, toujours selon le récit de Martin Hirsch, Nicolas Sarkozy qui prend l’initiative : "Il faut qu’on discute", dit-il à son interlocuteur. Et effectivement, les deux hommes se rencontrent peu après pour confronter leur vision des solutions à apporter aux problèmes que pose la pauvreté en France. "On s’est franchement engueulé", a raconté Martin Hirsch ce matin, volontairement elliptique sur les motifs de l’engueulade. Ce serait là, dit-il, qu’il aurait exposé au futur président de la République à la fois son souci de voir quantifier la lutte contre la pauvreté, la nécessité selon lui de fixer des objectifs pour tenter ensuite d’imaginer une action concrète, et aussi son projet de mettre en place un mécanisme susceptible de sortir les personnes des difficultés de l’assistance en créant le fameux RSA.
Martin Hirsch l’a toujours confessé : sa sensibilité le fait pencher à gauche. Durant la campagne, il s’est même montré publiquement, en une occasion, aux côtés de Ségolène Royal. S’il n’a pas donné de consigne de vote explicite, son attitude a été claire pour tout le monde. Tout ceci, c’est-à-dire l’engueulade et l’affichage, ne lui permettait pas de penser qu’une fois élu, Nicolas Sarkozy ferait appel à lui. C’est pourtant ce qui s’est passé. "J’ai été très surpris", disait-il ce matin en marquant dans son regard l’effet que lui avait produit l’appel de Nicolas Sarkozy après le second tour de l’élection présidentielle. Puisque le fond avait déjà été déblayé, leur discussion a surtout porté sur les modalités d’association du président d’Emmaus France au travail du gouvernement. Pour n’être solidaire de rien, il a souhaité ce titre de Haut Commissaire qui, après quelques tâtonnements, lui a finalement été accordé. Martin Hirsch a raconté à ce propos une dernière anecdote. Fort de ce titre particulier, il a demandé à ne pas être rémunéré comme un ministre de plein exercice ni même comme un secrétaire d’État. Son vœu a finalement été exaucé, et dans notre République à la fois confuse et très administrée, un décret a été nécessaire pour indiquer que son traitement serait inférieur de 28 % à celui qui est versé à un secrétaire d’État. Cet abattement a paru être, à Martin Hirsch, une manière de demeurer fidèle et proche à son histoire et aux gens qu’il veut défendre. Une attitude qui n’est pas courante, et que je suis plutôt content de faire figurer ici.
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