Micropartis, maxi détournements
Par ici la monnaie ! UMP : Union pour la Multiplication des Partis
On recense dans notre pays exactement 296 partis politiques. Si vous n’avez pas suivi la récente actualité, ce chiffre vous éberlue peut-être. C’est alors que vous ne connaissez pas les "partis de poche" ou micropartis. "Depuis 1990 pullulent ces petits partis dépourvus d’adhérents pour la plupart, mais bénéficiant de généreux donateurs, et dont l’activité tourne autour d’une seule personnalité : un élu local, un député, un ministre, un président de la République", résume le Nouvel observateur. Un phénomène qui concerne la droite, à l’exception des Désirs d’avenir de Ségolène Royal, qui s’est il est vrai placée en marge du Parti socialiste depuis 2007. Il y a aussi un deuxième cas qu’on ne s’étonnera pas de trouver chez le sarkocompatible Manuel Valls, leader du courant du PS "Nouveau Socialisme Décomplexé de Droite" - on plaisante pour l’appellation*, mais c’est l’idée. En dehors de ça, la pratique des micropartis s’est généralisée du côtés de nos chers gouvernants : "nombre de ministres ou de députés ont leur propre structure. C’est le cas de Benoist Apparu, secrétaire d’Etat au Logement, qui vient de donner naissance à l’Association de soutien à l’action de Benoist Apparu, mais aussi de Valérie Pécresse (Changer, c’est possible), Rama Yade (Agir pour Colombes), Laurent Wauquiez (Nouvel Oxygène), Christian Estrosi (Alliance Alpes-Méditerranée) ou encore François Fillon (France 9), recense Libération. Chez les députés, Franck Riester, ex-directeur de la campagne UMP des régionales, ou Jean-François Lamour, ex-ministre des Sports, ont fait de même." Dans cette matière comme les autres, le chef de l’Etat donne le mauvais exemple, avec pas moins de deux structures à son propre service, l’Association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy et l’Association nationale des amis de Nicolas Sarkozy.
Un mot sur le cas amusant du petit Wauquiez, narré par L’Humanité : "Mépris, arrogance, provocation ? Ou simplement certitude d’impunité ? Le climat est lourd. Pourtant, Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’Emploi, n’hésite pas, selon le Point, à démarcher les gérants de fonds spéculatifs pour financer son micro-parti, Nouvel Oxygène, à l’occasion de ses déplacements ministériels à Londres. L’UMP est soupçonnée de financement illégal, via le ministre Éric Woerth. Lequel est suspecté, pour le moins, de mélange d’intérêts publics et privés, en particulier lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. C’est dans ce contexte que survient, le 28 juin, une démarche politiquement hasardeuse du secrétaire à l’Emploi. Il aurait ainsi profité d’un voyage officiel pour rencontrer des banquiers lors d’un dîner débat dans un club du quartier chic de Mayfair. Il y aurait sollicité des dons pour sa formation confidentielle créée en 2008 à Puy-en-Velay (Haute-Loire), la ville dont il est maire depuis mars 2008. Preuve d’un mélange des genres, son aveu un peu piteux en guise de justification : « La première partie de la visite était officielle, a-t-il dit, le billet d’avion a donc été financé sur fonds publics, mais j’ai payé ma nuit d’hôtel moi-même, ainsi que le billet de retour." Encore le quotidien communiste ne précise-t-il pas que Wauquiez avait d’abord nié catégoriquement le volet quête de financement de son déplacement londonien, avant d’être confondu par des journalistes qui font leur travail. Mais à quoi servent donc ces micropartis ? Retour sur le bettencourtgate qui a fait connaître la désormais célèbre Association de soutien à l’action d’Eric Woerth.
"Selon un mémo (publié par le Nouvel Observateur le 13 juillet) de Patrice de Maistre, le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, au cours de l’année 2006, le couple milliardaire aurait non seulement signé un chèque de 7 500 euros chacun à l’ordre de l’UMP mais il aurait aussi consenti deux versements du même montant à l’Association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy. En 2008, selon l’avocat de Patrice de Maistre, c’est l’Association de soutien à l’action d’Eric Woerth qui aurait touché 7 500 euros de la part de l’héritière de L’Oréal, a révélé Médiapart". Voilà donc à quoi ça sert : permettre de dépasser le plafond des dons qu’une personne a le droit d’accorder à une formation politique. Libération confirme : "pour limiter le financement privé de la vie politique (et les risques de collusion afférents), la loi plafonne à 7 500 euros par an les dons des personnes physiques à une organisation. En revanche, rien n’empêche un donateur généreux de multiplier les dons en les adressant à plusieurs partis satellites. L’affaire Bettencourt en a donné une illustration. Les écoutes du majordome ont révélé que l’héritière de l’Oréal avait signé en mars quatre chèques en faveur de l’UMP : un pour l’association de financement du parti, deux pour Valérie Pécresse et un pour Eric Woerth. En 2007, dans le cadre de la présidentielle, l’UMP avait pu compter sur l’association de soutien de Nicolas Sarkozy, parti dont le seul objet était de recueillir des dons en « parallèle » avant de les faire remonter vers l’association de financement de la campagne." Cité par le quotidien, Daniel Lebègue, le président de l’ONG Transparency, accuse : "Ces micropartis qui n’existent pas réellement, avec un nom différent du parti auquel ils appartiennent, sont contraires à la loi. C’est un moyen de contourner les règles du financement privé".
Mais le Premier ministre en personne vole à leur rescousse, comme le rapporte l’AFP : "François Fillon a défendu lundi la pratique controversée du financement politique via les micro-partis, mise en lumière par l’affaire Bettencourt/Woerth, et qui, selon le Parti socialiste, participe d’une "stratégie de financement de l’UMP" au mépris de "l’esprit de la loi". Le Premier ministre, qui a lui-même fondé son propre micro-parti, France.9, a plaidé lundi, depuis Nouméa, pour un maintien d’un financement public de ces structures satellites de grands partis comme l’UMP ou le PS. Et ce, alors même que certains élus soupçonnent (sic) ce système de permettre un contournement du plafonnement des dons des particuliers - fixé par an et par personne à 7 500 euros et 4 600 en période électorale -, en multipliant à la fois les donateurs et les micro-structures bénéficiant de leur générosité. Toute personne, qui en France veut "créer une structure politique, engager une réflexion politique, a le droit de le faire et de se faire financer", a rappelé M. Fillon. "L’important, c’est que ce soit transparent, et c’est transparent", a-t-il assuré." Transparent, tu parles ! Qui saurait, sans Mediapart révélant les enregistrements clandestins entre Liliane Bettencourt et son financier de Maistre, que la milliardaire a explosé le plafond de dons grâce à ces micropartis ? Rien à dire là-dessus, Fi(ll)on ? Même au sein de la "majorité", certains l’admettent, comme Pierre Méhaignerie (UMP), président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale : "C’est une façon dérivée de dépasser le fonctionnement qui est exceptionnel et régulier du financement des partis politiques. Les partis politiques aujourd’hui sont bien financés. Donc avoir des systèmes parallèles ne me paraît pas bon" (cité par le Figaro). Fillon peut bien nier l’évidence avec la toute mauvaise foi dont il est capable, de toute façon, il existe en la matière un juge de paix, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Or, dès 2005, dans son rapport annuel, ainsi que le rappelle Libération, cette Commission "avait déjà alerté sur « la liberté de création des partis » qui « facilite le détournement de la loi en favorisant la création de partis "satellites" : une même personne physique peut ainsi financer plusieurs partis en versant à chacun le montant plafond des dons autorisés », les micropartis bénéficiaires pouvant ensuite faire parvenir les fonds récoltés à la « maison mère »." Et que dit aujourd’hui son président, François Logerot, interviewé par les Echos ? "Cette multiplication n’est certainement pas conforme à son intention de départ. On peut estimer qu’il s’agit d’un détournement de l’esprit de la loi." Fillon, pourquoi tu tousses ? Il est donc urgent de réformer ce système hypocrite qui autorise, en toute légalité, les UMPistes à encaisser de leurs généreux donateurs - récompensés en retour par une politique aux petits oignons pour les privilégiés qu’ils sont, bouclier fiscal et exonération des droits de succession inclus - des contributions financières aux montants bien au-delà du plafond légal. En toute légalité, précisions-nous. Parce que pour le reste, à ce qu’on sache, toucher des enveloppes en liquide pour amasser toujours plus, si l’objectif est bien compatible avec l’idéologie sarkozyste, est largement plus problématique au plan légal... Et les accusations demeurent. "Claire Thibout, l’ancienne comptable de Liliane Bettencourt, a réitéré ses accusations de financement politique illégal lors de son audition vendredi dernier à Nanterre par la juge Isabelle Prévost-Desprez, relate ainsi Le Parisien. Ces enveloppes « pouvaient aller de 20 000 à 100 000 euros », avait précisé l’ancienne comptable. « Liliane Bettencourt laissait échapper parfois de petites choses sur les destinataires de ces enveloppes. André Bettencourt (décédé en novembre 2007, ndlr) était plus discret. J’ai fait des déductions entre les demandes d’enveloppes et la venue de certains politiques en campagne électorale », a-t-elle expliqué en maintenant ses accusations de financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Parmi les personnalités citées par l’ex-comptable, figure Eric Woerth. En tant que trésorier de l’UMP, il aurait, selon Claire Thibout, reçu une enveloppe avec 150 000 euros en liquide au printemps 2007."
Qu’elle ait été justement dédommagée par la fille Bettencourt après avoir été licenciée suite à son témoignage n’y change rien. L’explication est livrée par un autre article du Parisien : "A cette époque, Claire Thibout est en arrêt pour dépression. Elle dit ne plus supporter les assauts de François-Marie Banier contre sa patronne pour obtenir de l’argent. « Elle a alors tout raconté à Françoise Meyers qui se souciait de son état », poursuit Me Gillot (avocat de Thibout, NdA). La comptable réalise qu’elle risque d’être licenciée en se rapprochant ainsi du camp de la fille. Chez les Bettencourt, elle touche 11 000 € par mois. Elle en gagnerait entre 4000 et 4500 € ailleurs. Vu le nombre d’années qui lui reste à travailler, l’employée estime son manque à gagner à environ 900 000 €. « Quand elle est licenciée en novembre 2008, après avoir témoigné contre François-Marie Banier, elle perçoit 500 000 € d’indemnités, rappelle son avocat. Et comme elle s’y était engagée, Françoise Meyers lui donne la différence soit 400 000 €. » « Il s’agit des dernières volontés d’André Bettencourt. Il avait demandé à sa fille de s’occuper de Claire Thibout au cas où elle perdrait son job », assure Me Olivier Metzner, l’avocat de Françoise, au Canard enchaîné qui a révélé hier l’existence de cette transaction." "Elle a été achetée, elle dit n’importe qui", en déduit en substance la défense de Banier. Et les UMPistes aux abois vont sauter sur l’occasion de discréditer l’ex-comptable. Mais qu’ils n’abusent personne : qu’elle ait été rétribuée par la fille peut fragiliser son témoignage contre Banier, avec lequel Françoise Bettencourt-Meyers est en conflit. Mais quel rapport avec le financement illégal de la campagne présidentielle ? Autrement dit, elle pourrait certes être incitée à charger Banier, mais Woerth et Sarkozy, quel est son intérêt à les accuser ? Aucun, bien au contraire, au vu de la pression insensée qu’a fait peser sur elle le "procureur aux ordres" de l’Elysée, comme Eva Joly en accuse Philippe Courroye. Il serait infiniment plus confortable pour Thibout de se rétracter concernant le volet politique. Qu’elle persiste et signe n’indique-t-il pas qu’elle préfère la vérité à sa tranquillité personnelle ? A la juge Isabelle Prévost-Desprez d’en décider. En toute réelle indépendance cette fois, à la différence du parquet de Courroye-de-transmission, hiérarchiquement soumis au gouvernement.
* "A gauche besoin d’optimisme" est le véritable nom du microparti vallsien
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