Ne mélenchon pas le Front de Gauche et les soviets !
Jusqu'ici, c'est indéniable, le front de gauche a mené une bonne campagne présidentielle. Jean-Luc Mélenchon a su créer une dynamique autour de lui, surtout, il a su ménager la carpe et le lapin. Quand il expliquait dans les échos du 29/03/12 "Les investisseurs n'ont aucune raison d'avoir peur de mon programme", ça ne l'empêche pas de passer pour le radical, le révolutionnaire (par les urnes), le tenant de l'insurrection (citoyenne). Ce tribun aux trémolos d'un Malraux et à la gouaille d'un Marchais a su, tout en ne cessant de donner des gages de bon républicanisme qui ménage les patrons, incarner mieux que quiconque, l'aspiration à un changement radical. Dans une période de crise, les gens ont peur, ils cherchent un homme fort qui tient la barre, pas un capitaine de pédalo, et ça, Mélenchon n'a souffert d'aucune concurrence sur le terrain d'une virilité à toute épreuve.
Il a donc fait une très bonne campagne présidentielle, jouant aussi bien de la personnalisation de la présidentielle que du rejet profond des injustices du capitalisme. Pour autant, il est temps que la campagne finisse s'il veut préserver son image de pourfendeur des injustices, de Zorro des opprimés car le vernis commence à craquer.
Qu'on se le tienne pour dit, je ne suis pas un naïf, je n'ai jamais eu d'illusions en Mélenchon et n'en suis pas déçu, je remarque juste que le masque révolutionnaire glisse et que le visage social-démocrate risque d'être apparent, même pour celles et ceux qui voyaient jusqu'ici en JLM, un sauveur suprême. Je connais JLM depuis longtemps, je me souviens que ce pourfendeur de l'Europe libérale a voté pour le traité de Maastricht, je me souviens de sa participation au gouvernement Jospin (on y reviendra), de sa prise de position pour la guerre en Libye (« Si le Front de gauche gouvernait le pays […] serions-nous intervenus directement ? Non. Nous serions allés demander à l’ONU un mandat. Exactement ce qui vient de se faire. » libération du 21/03/12), qu'il a voté la synthèse du Mans, rassemblant les socialistes du oui et du non au traité européen de 2005… Mais tout ça, c'est du passé. Après tout, JLM a rompu avec le PS, il en a claqué la porte et c'est un acte courageux, porteur de rupture. Il exclut d'ailleurs toute alliance avec ses anciens amis (sauf dans les conseils régionaux, dans les conseils généraux et les grandes municipalités où les élus du Front de Gauche sont généralement membre de la majorité socialiste, votent ses budgets de rigueur, ses subventions aux grands patrons et à l'enseignement privé…).
Il n'y a donc pas à s'inquiéter quand sur LCP, mercredi 18 avril au soir, il déclare que "En 4 mois, Hollande a fait un bond formidable", il est vrai qu'avec des propositions fortes comme le gel du prix de l'essence pendant trois mois, Hollande s'est tellement radicalisé qu'il nous fait maintenant rêver. Mais de toute façon Mélenchon l'a dit, c'est le grand adversaire de l'austérité qui étrangle les peuples. Donc si Hollande est au pouvoir et qu'il "donne du sens à la rigueur", on le sait tous, Mélenchon et le front de gauche organiseront la résistance, lanceront de terribles mobilisations. C'est en substance ce dont à voulu s'assurer le présentateur de LCP en interrogeant JLM, qui a répondu "Nous n’appellerons pas à des manifestations" et ajouté plus tard "L’extrême gauche donne des consignes pour la grève ou le reste, mais pas nous !". Merde, je recommence à douter. Mais de toute façon on sait quand même que par d'autres moyens le FdG sera dans l'opposition à un gouvernement libéral, écoutons ce que dit Mélenchon : "Ni soutien, ni participation, ni opposition". Ah bon, le FdG sera neutre, suisse ? Il ne servira donc plus à rien ? Voilà qui est un peu abasourdissant, cependant durant cette interview sans langue de bois, Mélenchon va enfin répondre à la proposition du NPA d'unité dans la lutte contre l'austérité de droite comme de gauche, proposition martelée par les personnalités du NPA comme Besancenot et surtout Poutou qui utilise ses plateaux télé pour reposer inlassablement la question. "Besancenot dit on doit être l’opposition, mais laissons le respirer, donnons une chance à notre pays". La réponse est clairement négative, pour lui laisser respirer Hollande, ne pas s'y opposer, c'est donner une chance à son pays, il ferait mieux de faire la campagne Hollande directement alors ?
Bon je suis dur avec ce pauvre Méluche, d'ailleurs j'ai oublié un bout de phrase qu'il a dit et qui peut en partie expliquer tout ça. Il a dit "Nous n’appellerons pas à des manifestations. Nous, on suit les syndicats ...". Bon du coup, s'il suit les syndicats, c'est juste qu'il ne veut pas mélanger les genres, qu'il veut laisser les syndicats appeler aux mobilisations, qu'il pense que les partis politiques n'ont pas à le faire (sauf le 18 mars à la bastille, mais la bastoche c'était une manif à son honneur, c'est pas pareil). D'ailleurs, il a déjà dit quelque chose du genre, c'était le 5 octobre 2010, en plein mouvement des retraites sur France 2 : "Je ne me prononce pas sur la grève, je laisse les syndicats faire leur boulot". Bon, c'est de l'électoralisme plat, d'accord. Il pense que les partis politiques se chargent des élections et les syndicats des mobilisations, triste position attentiste mais habituelle de la part de ceux qui n'envisage la politique que comme une affaire institutionnelle pour politiciens. Sauf qu'il y a des dérogations à cette séparation entre politique et syndical. Car dans ce même passage sur France 2, il venait pourtant bel et bien d'expliquer combien il était contre la grève générale, à la question "êtes-vous pour une grève générale reconductible" il répond "Je suis un républicain, je suis pour la démocratie et non pour le sang versé. Je suis donc pour un référendum sur la question pour régler le problème de façon démocratique" Belle manière d'expliquer que les milliers de manifestants qui, - ayant compris que c'était la seule façon de gagner face à l'arrogance du pouvoir- réclamaient la grève générale, seraient contre la démocratie et pour le sang versé, drôle de manière de ne pas se prononcer. Mais je l'ai dit, je suis dur avec JLM. S'il a dit qu'il suivrait les syndicats, ça revient à appeler à manifester non ? Sauf que quand JLM parle des syndicats, il parle toujours des directions des trois grands syndicats.
Bon décidément, j'ai été échauffé par ces propos et je perds mes sens. JLM a le droit à un peu de schizophrénie. D'ailleurs, le journal les échos lui donnait ce même 18 avril 2012 une occasion de se rattraper. Dans une longue interview, le journaliste lui reparle du gouvernement Jospin, l'occasion pour JLM de dire tout le mal qu'il pense du social-libéralisme au pouvoir. Quand on lui demande "la gauche du PS que vous animiez a-t-elle pesé entre 1997 et 2002 ?", l'intéressé répond "Sous Lionel Jospin, c'est la gauche du PS qui a donné le tempo, avec 35 heures sans pertes de salaires et l'alliance rouge-rose-verte notamment. Nous avons eu une contribution utile. A la fin de la législature, le rapport de forces s'est dégradé. Le mouvement socialiste a fini par être contaminé par l'orientation blairiste social-libérale, à laquelle François Hollande est d'ailleurs très lié." Bon, le traité de Barcelone, c'est 2002, donc ça fait partie de la fin de législature, l'agenda de Lisbonne, prévoyant les privatisations et le plein règne de la concurrence et du profit sur l'Europe approuvé par les socialistes français, c'est de mars 2000, on va dire que c'est dans la deuxième moitié de mandat et que ça fait partie de la fin de législature, même si ça commence déjà à faire relativiser l'influence d'une aile gauche sur la législature Jospin. Mais le processus de Bologne de casse du service public d'enseignement supérieur (à l'initiative de Allègre en mai 1998), la privatisation de Air France (entamée en février 1999), l'ouverture du capital de France Télécom (1997) et sa mise en concurrence (1998), les CRS et la BRAV envoyés contre les mobilisations de chômeurs de l'hiver 1997-1998… Tout ça c'est la fin de législature 1997-2002 ???? Ou alors ça a été fait sous l'influence de JLM et ses amis qui "donnaient le tempo" ? Et puis si la gauche avait autant d'influence sur le gouvernement PS, pourquoi le FdG ne continuerait-il pas à vouloir influer sur le PS ? A ce sujet, JLM clôt l'article sur une phrase énigmatique, "Et je vais vous faire une révélation : je dirai après l'élection ce que je disais avant". Reste à savoir quand, avant. Avant quand il était à la tribune de ses meetings, pour vouer aux gémonies le PS et le capitalisme, avant ce 18 avril 2012 aux échos et à LCP ? Ou avant, quand il participait au gouvernement PS en tant que ministre délégué à l'enseignement supérieur, quand il cautionnait toutes les saloperies suscitées et qu'il mettait lui-même en place les lycées de métiers, véritable cadeau au patronat dénoncé par les syndicats qu'il veut maintenant suivre (FSU (4ème page), CGT, Sud, FO et sneeta) ???
Décidément, Jean-Luc, il est temps que ta campagne s'achève. Tu commences à fatiguer et l'illusion perd de sa qualité. On finirait par voir que tu es un servant du système capitaliste, une aile gauche externe du PS…
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