Netizen : les blogs politiques font-ils bouger les lignes ?
En général, quand on commente la presse écrite, on parle de la « dernière édition » d’un journal. Là, en l’occurrence, pour Netizen, il s’agit de la première. Les rédacteurs de la revue sont connus dans la blogosphère : Versac, Netpolitique, Cyril Fiévet... sont des auteurs lus et appréciés. Je passe sur leurs blogs plusieurs fois par mois pour suivre leur travail éditorial et constituer ma propre veille sur la communication.
J’ai enfin trouvé ce magazine vendredi, au quatrième marchand de journaux visité. Les trois premiers ne connaissaient pas l’existence du magazine et se cantonnaient aux titres habituels en informatique et Internet. Le quatrième est véritablement bien fourni, bien qu’étant plus éloigné de l’université que les trois premiers. Je pensais sincèrement qu’il n’y aurait pas de difficulté à trouver le magazine dans ce secteur, la recherche sur le terrain m’a prouvé que si.
Pour 4 euros 90, vous avez donc accès à une relecture de la blogosphère en version papier. Premier dossier qui me tient particulièrement à cœur : la communication politique. La couverture mise à part, les blogs sont présentés comme « secouant la politique ».
Premièrement parce que les politiques eux-mêmes s’y mettent, et marquent ainsi une nouvelle patte d’auteur dans leur communication. Les débats, adoubant ou dénigrant les écrits des politiques, selon qu’ils écrivent en personne ou non leurs textes, ont été évités. Jack Lang, dans une longue interview, est un des politiques à répondre à l’interrogation : « Je ne tape pas (les billets) moi-même. Bien que passionné par l’innovation, je ne suis pas féru d’informatique et de plus, je préfère encore écrire avec un stylo. Avec Mathieu et Stéphane qui m’assistent, nous procédons de manière empirique. Je pense à un thème, nous en discutons, puis le billet est mis en ligne. » Les blogs marquent alors un pas supplémentaire d’implication de l’élu vis-à-vis de ses fonctions de représentation démocratique, il prend part à la conception d’un discours sans filet et avec une potentielle considérable audience. Un discours, même important et relativement complet, durera rarement plus longtemps que le temps de la déclamation. Les textes courts, dont usent Jack Lang ou Alain Lambert avec talent, resteront en ligne, ne seront plus corrigés, et pourront être contredits bien après leur rédaction.
Deuxièmement, les lecteurs des blogs vont participer à bouger les lignes politiques car ils auront un réel poids de contre expertise. Evidemment il y aura des réactions souvent de colère, de mépris, de simples actes militants, comme je peux aussi en trouver sur mon blog, mais au-delà de la simple opposition de style et de contenu, il faut inciter à la conversation, car c’est de cette dernière que peut arriver une concorde entre des individus ou des organisations contradictoires. C’est par le média qu’on peut trouver des solutions, par la discussion, une sorte de malaxage des visions du monde. Ainsi, nous pouvons nous attendre, pour les élections futures, à voir pulluler les blogs comme autant de tracts, mais aussi à trouver un ou plusieurs médias, sur des sites Internet, voire sur la place publique, des vrais endroits de débats. Mon expérience personnelle de débat politique en ligne est orientée dans cette direction de trouver des nouvelles techniques de débat, y compris au sein du Parti socialiste, où les bonnes raisons de ne pas être courageux et innovant sont pourtant nombreuses.
Jack Lang, dans son interview, rappelle ceci : « Actuellement, adhérer au Parti socialiste est un véritable parcours du combattant. Je sais que les choses vont bouger et à tous les niveaux, aussi bien au plan départemental que local. Elles doivent bouger, car le parti est encore trop replié sur lui-même. Paradoxalement, pour un parti démocratique comme le nôtre, il y a une forme de crainte face à la communication directe. Mais c’est l’année ou jamais. »
Communication directe comme venant à la rescousse d’une communication atrophiée, publicitaire, faite par des notables sur leur domaine de pouvoir. Oui, souvent les élus, notamment locaux, passent par des réseaux mais évacuent le grand public des électeurs, en ne leur livrant qu’un minimum qui ne fâche personne. Les informations circulant sont des informations officieuses, quand elles sont dites en aparté, dans les couloirs, dans des relations d’amitiés, de connivences. Elles deviennent officielles, et prennent un poids véritablement démocratique, quand elles figurent dans des discours, certes, dans des programmes politiques, des feuilles de route. Mais à ce moment-là, le public qui y a accès est magnifiquement restreint, comme par magie. Ou par manque d’ambition... Les décisions officielles, celles des comités, des groupes d’élus, concernent combien de personnes ? Je me lancerai peut-être un jour dans une enquête de ce type.
Mais j’avance cette hypothèse, en prenant un exemple très concret. Prenons une décision politique, une prise de position sur une thématique. Que cela soit dans un conseil municipal, un collectif politique, la décision prise implique ses membres qui se comptent en quelques dizaines d’individus. En publiant l’information, la prise de position, l’audience est multipliée, par dix, ou nettement plus. Elle prend déjà un poids supplémentaire, et en même temps, on augmente la possibilité de rencontrer des désaccords.
Le problème est encore plus grand lorsque les décisions politiques se prennent en dehors de tout cadre de décision démocratique. L’information de départ ne concerne alors que deux, trois personnes. Publier l’information à un grand nombre, cette fois-ci de l’ordre de 100 à 1000 fois plus important, amènera forcément à une proportion élevée de mécontents, non impliqués dans la démarche décisionnelle.
Question naïve : faut-il conserver la prise de décision non démocratique en supprimant la divulgation de l’information ? Faut-il plutôt encourager la décision démocratique et sa diffusion ?
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