Nicolas Sarkozy : questions sur une migraine
Ah, la migraine de Nicolas Sarkozy... Elle doit en agacer plus d’un, cette migraine. Et pourquoi donc en faire tout un plat ? N’y a-t-il pas d’autres sujets, plus importants à traiter, que celui-là ?

Sans doute, oui. La migraine de Nicolas Sarkozy n’est pas cardinale, en ce début d’octobre, en France. Elle suscite pourtant quelques interrogations que nous aurions tort, collectivement, de ne pas formuler. Pour cela, voyons les faits d’abord, les hypothèses ensuite, les questions, enfin.
Hier matin, vers 11 heures, les rédactions apprennent que Nicolas Sarkozy n’a pu se rendre au conseil des ministres, à l’Elysée, distant d’une petite centaine de mètres du ministère de l’intérieur, pour cause de migraine. Plus tard, dans l’après-midi, repris par des maux de tête, il sera également obligé d’écourter une réunion au Sénat, avec des élus UMP, quarante-cinq minutes après son début, pour aller chercher le repos et le calme dans ses appartements du ministère.
Tout de suite, deux hypothèses ont circulé. La première : cette migraine est politique. La veille, une algarade publique de Dominique de Villepin l’aurait vivement contrarié, et, ce mercredi matin, muré dans une bouderie, le ministre de l’intérieur aurait choisi de sécher le conseil des ministres. S’il était avéré, ce comportement irresponsable porterait un grand tort à Nicolas Sarkozy. Mais beaucoup de choses indiquent, et c’est donc la deuxième hypothèse, que ses maux de tête ont été bien réels, et que c’est donc la douleur qui l’a conduit à la fois à ne pas se rendre à l’Elysée, puis à annuler ses engagements de l’après-midi.
C’est ici, dans la probabilité de cette faiblesse physique, qu’émergent plusieurs interrogations que le journalisme politique, souvent frileux en France sur les questions personnelles, ne peut pourtant éviter.
Hors période d’hospitalisation, quelques cas célèbres sont dans nos mémoires. Il est rarissime, sinon sans précédent, en tous cas je n’en ai pas connaissance, qu’un responsable politique en charge d’une fonction institutionnelle ne participe pas à une réunion du conseil des ministres à laquelle il a été convié. Les grippes, maux de tête, rhumes carabinés, gastro-entérites et autres maux qui sont le lot de tous et de chacun, sont, en général, surmontés par les ministres qui représentent la France et travaillent pour elle, quitte à retourner au plus vite dans leur lit une fois cette obligation officielle, symbolique entre toutes, assumée.
En ne se rendant pas hier à l’Elysée, Nicolas Sarkozy s’est donc affranchi d’un code culturel très puissant parmi le personnel politique. Ceci donne une idée de la douleur qui était la sienne, et c’est cette douleur même qui, tout à coup, pose problème.
Évidemment, chaque homme doit être respecté dans sa souffrance. Mais quand celle-ci empêche le titulaire d’une charge publique majeure d’exercer son travail, alors le doute s’insinue.
Hier, on a appris d’un coup que Nicolas Sarkozy pouvait être terrassé par une migraine, qu’il pouvait, pendant quelques heures, une journée, davantage (?) être indisponible pour les affaires de l’Etat. Que se passerait-il si, par un hasard dont l’histoire est riche, parce qu’elle s’écrit le plus souvent dans la tragédie, un acte terroriste se produisait le jour même où le titulaire des affaires de police se trouvait affecté par ce mal ? Comment s’organiserait le pouvoir ? Comment s’échangeraient les informations et se dérouleraient les multiples réunions, graves, tendues, qui s’organisent dans de telles circonstances ? Qui prendrait les décisions ?
Bientôt, Nicolas Sarkozy sera en campagne électorale pour briguer la charge suprême. Il le fera en ayant fait l’aveu de sa faiblesse physique, faiblesse ordinaire pour un homme ordinaire mais faiblesse handicapante pour qui veut être président de la République. Depuis les débuts de la Ve, intégrons même la IVe et la IIIe, pas un conseil des ministres, hors des cas d’hospitalisation du président, et il y en a eu trois depuis 1958, aucun conseil des ministres, donc, n’a été annulé pour cause d’indisponibilité du président. Celui d’hier l’aurait-il été, si Nicolas Sarkozy avait été président ?
Bien sûr, les questions dérangent. Elles dérangent ceux qui les entendent, mais elles dérangent aussi ceux qui les posent. Il est plus valorisant de questionner un responsable politique sur ses projets, ses idées, sa vision du monde, s’il en a une, ses goûts et ses joies, sa famille et le reste. Mais le journalisme impose d’autres interrogations, qu’on voudrait éviter, mais qui reviennent en boomerang si on ne les formule pas au moment opportun.
Depuis quand Nicolas Sarkozy souffre-t-il de ces fortes migraines ? En connaît-il la cause ? Suit-il un traitement particulier ? A-t-il déjà été empêché dans ses différentes fonctions politiques ? A-t-il déjà manqué pour cette cause un conseil des ministres ?
Ceux qui diront que ce n’est pas là un problème central de la société française auront raison. Ceux qui diront que la citoyenneté n’a rien à faire de ces interrogations auront tort.
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